Lettre à François Hollande

À l’attention de M. François Hollande,

Candidat à la présidence de la République

59 avenue de Ségur

75007 Paris

Paris le 3 février 2012

Monsieur,

Nous tenons à vous faire part de notre inquiétude et nous sollicitons un rendez-vous auprès de vous.

Nous sommes l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), association engagée dans les combats contre toutes les formes de racismes et contre toutes les discriminations, et pour un vivre ensemble dans l’égalité et la justice en France comme au Proche-Orient.

Notre voix est autre que celle du CRIF, qui vous a récemment reçu et qui ne représente qu’une petite partie de la population juive. Nous ne prétendons pas être majoritaires dans la population juive, mais voulons souligner que le CRIF s’est autoproclamé le représentant des Juifs de France alors qu’il est devenu une officine de soutien inconditionnel au gouvernement israélien quoi qu’il fasse. Il traite d’antisémite quiconque s’oppose à la politique israélienne et traine régulièrement dans la boue des personnalités comme Charles Enderlin, Stéphane Hessel ou Raymond Aubrac.

Nous faisons entendre une voix juive laïque dans le mouvement de solidarité défendant les droits du peuple palestinien. Car la guerre du Proche-Orient n’est ni raciale, ni religieuse, ni communautaire. Elle porte sur des questions essentielles : le refus du colonialisme, de l’occupation, du racisme et la lutte pour l’égalité des droits.
C’est au nom du combat pour la justice et l’égalité, qui a marqué l’histoire juive, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, au nom du respect du droit international, que nous dénonçons la politique de l’Etat d’Israël, politique criminelle pour les Palestiniens et suicidaire à terme pour les Israéliens.

Vos déclarations après votre rencontre avec le CRIF nous inquiètent. Vous qualifiez Israël de pays démocratique, alors que les Palestiniens, qui forment la moitié de la population entre Méditerranée et Jourdain, subissent les pires discriminations. Le tribunal Russell sur la Palestine, animé par d’éminentes personnalités telles que Stéphane Hessel ou l’ancien sénateur socialiste Pierre Galand, vient de juger que l’Etat d’Israël pratique une politique d’apartheid.

Parce que nous ne voulons pas que, si vous êtes élu, la politique partiale en faveur d’Israël se poursuive, parce que cette question du Proche Orient est un nœud de toute politique étrangère, nous vous demandons de nous recevoir dans les jours qui viennent.

Vous pourrez ainsi entendre une voix juive, anticolonialiste, qui pourra vous informer utilement sur des aspects de cette guerre (ou leurs conséquences en France) auxquels vous n’avez peut-être pas suffisamment prêté attention.

Pendant la présidence de M. Sarkozy, la France a fait preuve d’une partialité totale en faveur du gouvernement israélien : appui au blocus de Gaza et à l’opération « plomb durci » qui a abouti à un massacre, achat de drones, vote à l’ONU empêchant l’adhésion de la Palestine, criminalisation de la campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) au mépris de la liberté d’expression, et même du droit, si l’on considère qu’Israël est coupable du crime d’apartheid ainsi que le Tribunal Russell l’a établi.

A l’occasion de ce rendez-vous, nous pourrions également vous exposer notre point de vue sur la dérive xénophobe et raciste que la présidence Sarkozy a accentuée. Membre de réseaux tel que le RESF, le collectif « D’ailleurs nous sommes d’ici », ou « Mamans toutes égales », nous sommes témoins tous les jours de cas de discriminations déplorables et notamment de la montée de l’islamophobie, même quand elle se masque derrière le paravent de la laïcité.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur Hollande, l’assurance de nos sentiments distingués

Jean-Guy Greilsamer et Pierre Stambul

Co-présidents de l’Union Juive Française pour la Paix.

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