L’Etat d’Israël s’acharne sur ses citoyens.

Discriminations parmi les citoyens israéliens

La semaine dernière des milliers d’Israéliens ont manifesté à Tel Aviv, place Yitzhak Rabin, la grande place qui fait face à l’hôtel de ville, lieu historique de tous les rassemblements important. Ces manifestants rappelaient ainsi qu’un Israélien sur cinq n’a pas les mêmes droits que les quatre autres, la majorité. En Israël, ils sont appelés « Arabes israéliens », une expression qui pour but de faire oublier que leurs parents vivaient là bien avant l’établissement de l’Etat d’Israël en Palestine. Ils sont les descendants de ceux qui n’ont pas été expulsés ou tués en 1948 (la Nakba), ce sont les Palestiniens d’Israël[note] Cet article constitue la première partie de deux séries d’informations écrites à partir de la lettre d’information du Forum pour la coexistence dans le Néguev du 24 avril 2015  » NCF’s Update from the Negev-Nagab » (abonnement gratuit à http://www.dukium.org ). Traduction, commentaires et notes: Michel, UJFP.]] .

Bien que citoyens de l’Etat qui se dit seule démocratie du Proche-Orient, ces Israéliens n’ont pas le droit d’acquérir des terres, leurs villes et villages n’ont pas le droit de s’agrandir en fonction de leurs besoins (démographie, industries, équipements…etc.) [note]C’est la 2e loi fondamentale d’Israël (L’Etat d’Israël n’a pas de constitution mais 11 lois « de base » – en hébreu חוקי היסוד‎, khouqei hayessod) – qui en font office. Cette loi ne permet pas en pratique aux citoyens palestiniens d’Israël d’acquérir des terres et interdit aux municipalités palestiniennes d’Israël de s’étendre en fonction de leur population contrairement aux agglomérations juives. Une réforme de l’administration des terres du domaine public (93% d’Israël) est actuellement en cours, celle-ci devenant « Autorité de la terre d’Israël » (רשות מקרקעי ישראל‎, Raeshoot Mekarka’ei Israel ») mais il n’y est toujours pas question de modifier les restrictions d’achat aux Palestiniens citoyens israéliens.]] . Les constructions qu’ils peuvent faire (jeunes couples, fermiers, commerçants…etc.) sont systématiquement détruites par la police. C’est cette injustice que dénonçait le panneau porté par la fillette à cette manifestation.

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En fait, cette injustice rejoint l’absurde. Il y a quelques mois j’ai contacté un agent immobilier en Israël, prétendant vouloir acheter un terrain. Cette opération ne posait aucun problème: je ne suis pas Israélien, je suis Français ayant hérité du patronyme juif-marocain de mes parents. Mes rapports avec cet agent étant tout a fait cordiaux, j’ai alors demandé si je pouvais aussi acheter de la terre pour mes enfants en précisant que leur mère était « goy » et donc que nos enfants n’étaient pas « juifs » au sens de la religion. Tout ceci ne posait toujours aucun problème pour nous, des non-Israéliens vaguement Juifs, alors que c’est complètement impossible aux Israéliens non-Juifs qui habitent cette région depuis des générations !

Les Bédouins d’Israël

Il y a encore plus absurde. Il y a environ 3000 ans des populations fuyant le Nord-Ouest de la péninsule arabique se sont se dispersées dans tout l’espace allant du Maghreb aux frontières de l’Iran actuel. Des papyrus, lettres royales et rapports militaires, attestent de leur présence continue dans toute cette région (alors principalement partie de l’Empire égyptien). Pasteurs et nomades par nécessité, ils se sont progressivement sédentarisés s’installant à proximité des agglomérations humaines entre les derniers champs cultivés et le désert d’où leur nom « badaoui » ( بَدَوِي), Bédouin en français, qui désigne l’habitant de la steppe( al badia, البادية, en arabe).

Les Bédouins se sont donc tout naturellement installés dans l’espace palestinien. C’était, si on en croit la Bible, environ 1 000 ans avant la naissance d’Abraham ou, toujours selon la Bible, plus de 1500 ans avant que les Hébreux, sortant d’Egypte, ne conquièrent les terres de Canaan. Selon les sources ils seraient aujourd’hui environ 300 000 en Israël, les 2/3 vivant dans la moitié sud, semi-désertique, d’Israël, le Néguev.

Les Bédouins ont eu aussi à subir la Nakba, 85 à 90% des 110 000 qui étaient établis dans le Néguev ont été chassés, se réfugiant en Egypte ou en Jordanie. Ceux qui sont restés doivent subir les mêmes lois discriminatoires qui leurs interdisent d’acquérir de nouvelles terres, d’étendre leur village ou même de construire sur leurs propres terrains. Ainsi le village d’al-Araqib, établi du temps de l’Empire ottoman (les actes de propriété en font foi) mais contesté par l’Etat d’Israël a été complètement détruit en juillet 2010. Les habitants ont alors reconstruit leurs maisons qui ont à nouveau été détruites par la police. Aidés d’autres Bédouins et de militants israéliens, le village a été reconstruit, détruit à nouveau et ainsi de suite, 83 fois !

L’Etat a utilisé tous les moyens pour faire cesser toute résistance: la violence de la police, des procès, des peines d’emprisonnement, des amendes pour rembourser les frais de destruction…etc.

Plus de 1000 €/jour pour vivre dans son village.

Dans le cadre de la lutte de l’Etat pour briser la résistance des habitants d’al-Araqib, le procureur du district sud vient de tenter une manœuvre méprisable: il a déposé une requête d’astreinte de 5 000 shekels (1 150 € environ) pour 10 des résidents du village. Si ce recours est accepté, ces 10 habitants devront payer ces 5 000 shekels chaque jour où ils seront chez eux et ce, depuis février dernier.

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Une nouvelle bataille juridique pour les habitants d’al-Araqib [note]Voir l’article détaillé à: http://972mag.com/supreme-court-gives-al-araqib-the-right-to-fight-for-its-land/105508/ (en anglais).]]

Le 24 avril dernier, au cours d’une audience exceptionnelle réunissant un grand nombre de juges, la Cour suprême israélienne a rejeté la demande de l’Etat qui cherchait à interdire aux résidents d’al-Araqib la possibilité de contester leur expropriation de leurs terres dans les années 1950 auprès de leur Cour régionale (Beer Shéva).

A cette fin, l’Etat avait contesté la compétence de la Cour régionale à délibérer sur la validité des expropriations faites alors dans le cadre de la Loi sur les acquisitions de terre (publiée en 1953 mais souvent avec effet rétroactif) qui autorisait l’Etat d’Israël à procéder à des expropriations pour un usage militaire ou pour l’établissement de colonies juives [note]Le texte complet de la loi 5713-1953, signée de David Ben Gourion, 1er ministre, est disponible dans sa traduction autorisée en anglais à: . C’est cette remise en cause de l’autorité de la Cour régionale qui a été annulée par la Cour suprême.

Cette décision, compliquée à comprendre pour les non-spécialistes, donne désormais (plus de 60 ans après les faits !) aux habitants d’al-Araqib le droit de contester leur expropriation par l’Etat dans les années 1950 et de tenter d’en prouver leur propriété auprès de la Cour régionale.

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L’emplacement d’al-Araqib au nord de la capitale régionale Beer Shéva (Carte interactive réalisée par le Forum pour la coexistence dans le Néguev [note] Cette carte, à http://www.dukium.org/map/ , permet de découvrir tous les villages bédouins ainsi que les 7 villes de regroupement planifiées par l’Etat d’Israël (emplacement, histoire, population …etc.) dans le Néguev.]]).

Les résidents, représentés par leurs avocats Michael Sfard et Adar Greievsky ne sont qu’au début de la longue route menant à l’enregistrement de leurs terres en leurs noms. En effet, si le jugement de la Cour suprême leur reconnait le droit de faire une réclamation, elle n’aborde ni le fond de la question ni ne reconnait leurs droits de propriété.

L’Etat avait déjà autorisé les Bédouins à déposer des demandes de reconnaissance de leurs titres de propriété pendant les années 1970 mais ce processus avait été rapidement gelé: aucune des demandes qui avaient été déposées n’ayant été jamais traitées par la suite.

Pendant les années 2000 le ministère public de la Cour régionale a même entamé une procédure de « contre-réclamation », revendiquant la propriété de l’Etat des terres des habitants bédouins du Néguev qui s’étaient lancée dans ce processus de reconnaissance de leur propriété. Le fonctionnement du système juridique israélien a permis alors, dans presque tous les cas, à l’Etat d’enregistrer les terres en question à son profit. Il est important d’insister sur le fait que chaque fois que l’Etat s’est engagé dans une procédure de « contre-réclamation », celui-ci a gagné dans 100% des cas [note] Lire à ce sujet (en anglais) « The Counter Claims Policy » à: https://www.dukium.org/the-counter-claims-policy/.

La Cour suprême n’a rendu qu’une décision sur le principe: des résidents ont le droit de contester leur expropriation. Ceci ne constitue en aucun cas, pour les habitants d’al-Araqib, une autorisation à déposer des demandes de reconnaissance de propriété de leurs terres. De plus, dans leurs attendus, les juges ont tenu à préciser que cette confirmation de compétence de la Cour régionale à délibérer sur la validité des expropriations risque de n’avoir aucune conséquence dans la mesure où il est extrêmement difficile de contester les expropriations faites dans le cadre de la Loi sur les acquisitions de terre de 1953.

La lutte des habitants d’al-Araqib continue donc sur deux angles: juridique et citoyen. A propos de ce dernier point, une manifestation hebdomadaire se tient tous les dimanches à 16h30 pour exiger l’arrêt des démolitions du village et le droit pour ses habitants à vivre en paix sur leurs terres [note] Le Forum pour la coexistence dans le Néguev organise le transport pour les sympathisants (appeler Kessem au +972 50 939 1299 ou par mèl: kessem@dukium.org )]] .

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Cette lutte coûte cher, très cher. Outre le fait qu’ils ne peuvent plus travailler, les Bédouins doivent sans cesse reconstruire, se nourrir, éduquer leurs enfants …etc. et surtout payer des frais de justice (avocats, cautions et amendes) énormes. Ils ne peuvent se battre que grâce à la solidarité (famille, autres Bédouins, militants israéliens et internationaux); ils nous/vous demandent de les aider financièrement aussi.

Vous pouvez faire vos dons sur : https://secured.israelgives.org/donate/makedonation?MakeDonation=1&AmutaGovId=580327005&mdevent=

Bien que le site soit en anglais c’est très simple. Cela se passe en 3 étapes
• choix du montant et de la devise (dollar US ou shekel israélien),
• on peut laisser un message, des recommandations… éventuellement en français,
• remplissage des informations de paiement par carte (CB, AmEx, Master card …etc.) ou PayPal.

Le village de Wadi an-Naam sera-t-il déplacé ?

La Cour suprême vient de prendre une décision au sujet de Wadi-an-Naam


Israeli Supreme Court: Wādi an-Naʿam Residents will Suggest Alternative Location for their Village

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During a hearing on a petition filed by residents of the Bedouin unrecognized village of Wādi an-Naʿam and ACRI, against the state’s plan to relocate their village to the nearby town of Šgīb as-Salām (Segev Shalom), judges decided that within 90 days residents will offer an alternative location for their village that is currently located nearby Neot Hovav Industrial Council.
Full decision (Hebrew)

Record of House Demolitions and Crop Destruction, 2015: http://www.dukium.org/house-demolitions/


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