Les paysans de la zone tampon
La zone Est de la bande de Gaza (zone de Shuja’iya)

La région de l’est de la bande de Gaza est divisée en deux zones, au nord et au sud d’une route qui part du point de contrôle de l’occupation israélienne nommé Nahal El Ouz.

Partie sud de la zone de Shuja’iya

La partie sud de la zone s’étend du poste de contrôle d’occupation de Nahl al-Ouz jusqu’à la zone de Juhr Al-Deek dans le centre de la bande de Gaza. La plupart de ces terres sont plantées d’oliviers, et les autres de légumes. Cette région souffre de pulvérisations de pesticides toxiques par avion-épandeur, et aussi des tirs, comme d’autres régions, mais il y a deux choses différentes dans cette région. La première est que la plupart de ces zones sont plantées d’oliviers, et comme tout le monde le sait, les oliviers mettent des années à devenir des arbres grands et fertiles permettant aux agriculteurs d‘en tirer des revenus, mais ce qui est étrange, c’est que, à cause des saccages fréquents de toutes ces zones, de nombreux agriculteurs ne pouvaient plus reconnaître les limites de leurs propres champs par rapport à leurs voisins.

Ces terres ont en effet été ravagées au bulldozer en 2000/2008/2012/2014, et chaque fois, la plupart des agriculteurs ont replanté les terres à nouveau. Certains agriculteurs ont abandonné et ont commencé à planter des légumes, en raison du faible coût des intrants et de la possibilité de récolter rapidement, par peur de la répétition des incursions de bulldozers et de nouvelles pertes d’argent. Mais la plupart ont insisté pour continuer à planter des arbres, en disant que planter des arbres, par opposition à cultiver des légumes, « c’est comme construire un mur solide ».

La deuxième chose qui m’a frappé, c’est que cette région a un système d’irrigation partagée. 30% de ces propriétaires fonciers possèdent des puits, ils partagent l’eau ainsi que les dépenses entre eux. Toutes ces terres longent la barrière de séparation et sont soumises aux injonctions suivantes :

Dans toutes les zones jouxtant la barrière de séparation, les arbres doivent être plantés au moins à 500 mètres de la barrière, afin que les soldats de l’occupation puissent voir clairement la zone tampon. Sinon l’agriculteur est autorisé à planter des légumes jusqu’à 150 mètres de la barrière de séparation, parce que les légumes ne gênent pas la vision des soldats de l’occupation.

Partie nord de la zone de Shuja’iya

Cette zone est située au nord de la route qui conduisait au poste de contrôle de Nahal Al Ouz. Ces terres s’étendent à environ 3 km au nord et à l’est de Jabalia. Leur superficie est d’environ 2 000 à 2 500 dunums1, et cette zone est considérée comme l’une des zones « frontalières » pauvres et marginalisées de la bande de Gaza, pour de nombreuses raisons :

Inondations provoquées : Cette inondation se produit chaque année en hiver lorsque les réservoirs d’eau de l’occupation israélienne, qui sont situés dans les zones (modestement) élevées à l’ouest de la barrière de séparation, se remplissent d’eau de pluie. L’occupation israélienne ouvre alors les immenses portes des réservoirs, et l’eau s’écoule rapidement vers les terres des paysans situées dans les zones basses et les inonde.

La deuxième raison est la destruction et la démolition des biens : de 2002 à 2014, l’occupation a régulièrement ravagé les terres et détruit les constructions et les tentes appartenant aux agriculteurs.

Troisièmement : Cette région souffre d’un grand manque d’eau : Peut-on imaginer qu’une superficie agricole de plus de 2 000 dunums ne compte que 3 petits puits, qui ne peuvent pas irriguer plus de 100 dunums.

Nous avons commencé par de petites interviews avec un groupe d’agriculteurs, qui m’ont demandé quelle était la nature de mon travail et avec quelle organisation ou institution je travaillais, et leur frustration était claire sur leur visage en raison du grand nombre de journalistes et d’institutions qui viennent ici, puis ne font rien pour eux.

Je me suis présenté comme un militant dans le domaine de l’agriculture, agissant avec des groupes de solidaires étrangers qui s’intéressent à la situation des agriculteurs, en diffusant largement des rapports approfondis portant précisément sur la situation agricole, en s’efforçant d’attirer l’attention

d’institutions partenaires sur la souffrance des agriculteurs dans la bande de Gaza. Nous recueillons également des dons pour mettre sur pied de petits projets au service des agriculteurs.

Je leur ai parlé des projets que nous avons réalisés grâce à notre travail avec l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) et je leur ai aussi parlé de l’institution française partenaire, Humani’Terre, dont la collaboration a permis d’établir à Khuza’a une pépinière, et enfin des projets futurs pour lesquels nous essayons de trouver un partenaire permettant de les mettre en œuvre.

L’intérêt a commencé à apparaître sur les visages des agriculteurs, et un agriculteur a dit qu’il avait effectivement entendu qu’il y avait une institution donnant des semis gratuitement aux agriculteurs dans la région de Khuza’a.

  • Nous avons commencé notre première rencontre avec l’agriculteur Saleh Moqbel al-Khisi, qui a 70 ans et qui possède 8 dunums de terre à côté de la barrière de sécurité.

Cet agriculteur parle des problèmes dont la plupart des agriculteurs souffrent dans cette région, à commencer par l’inaction du ministère de l’Agriculture, qui retarde le paiement de l’indemnisation2promise aux agriculteurs, indispensable pourtant pour qu’ils puissent continuer à fournir de la nourriture à la population de Gaza.

Il parle aussi du rôle de la Croix-Rouge, qui n’a pas rempli son devoir envers les agriculteurs en ne les protégeant pas des attaques de l’occupant et du saccage des terres, De plus, la Croix-Rouge a renoncé à soutenir les agriculteurs, en ne leur fournissant plus ce qui est nécessaire pour assurer leur survie sur ces terres.

Il ajoute : “Nous avons également dit au ministère de l’Agriculture et à la Croix-Rouge qu’il y a un problème fondamental auquel sont confrontés les agriculteurs le long de la barrière de séparation : les avions -épandeurs détruisent les cultures en pulvérisant les champs avec des pesticides toxiques”.

▶   Abd al-Latif Saadi Habib, âgé de 51 ans, possède 7 dunums de terres le long de la barrière de séparation.

Cet agriculteur dit : « dans cette région, nous sommes parmi les agriculteurs les plus touchés. Il est difficile d’obtenir de l’eau en raison du manque de puits et de conduites d’eau. Nous avons fait appel à de nombreuses institutions pour soutenir cette région afin de nous aider à prolonger les conduites d’eau, et à trouver une solution pour arrêter les fréquentes inondations années après années qui rendent impossible la continuité de notre travail ».

Un autre problème auquel font face les agriculteurs est le coût élevé des jeunes plants, qui a pour conséquence que la plupart des agriculteurs sont endettés envers les propriétaires des pépinières : « Nous passons d’une pépinière à une autre jusqu’à ce que nous trouvions quelqu’un qui nous fournisse les plants, et nous ne pouvons lui rembourser l’argent que quand les cultures sont récoltées ».

Image d’une facture payable à la pépinière

Quant à l’agriculteur Muti Salim Habib, 55 ans, qui possède 7 dunums à côté de la barrière de séparation et cultive des choux et des petits pois, il dit qu’il est l’un des rares agriculteurs dans cette région à planter des légumes, parce qu’il y a un puits dans la terre voisine, mais les coûts de l’eau sont très élevés :

  • plus de 2 shekels par m3, aussi, avec tous ces coûts, nous constatons souvent que les récoltes ne viennent pas avec un rendement financier permettant de payer les dépenses qui ont été engagées pour les cultures ».

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Nous lui demandons : pourquoi les paysans continuent-ils à travailler leurs terres, alors qu’il n’y a pas de retour financier pour couvrir les dépenses de la saison de culture ?

L’agriculteur répond que pour eux, la culture n’est pas un commerce, mais plutôt un amour de la terre : malgré ses torts et sa cruauté envers eux, ils sont ensorcelés par cette terre.

  • Naeem Fouad Habib loue 6 dunums de terres, jouxtant la barrière de sécurité, plantées en pois et en choux.

Cet agriculteur dit qu’ils ont planté beaucoup de légumes cette année, en s’endettant auprès des propriétaires de pépinières et des semenciers, ainsi que pour l’achat de pesticides, pour essayer de faire une saison d’hiver profitable, « mais nous n’avons pas eu de chance, puisque l’occupation israélienne a ouvert des vannes, laissant l’eau s’écouler sur nos terres, ce qui a causé la pourriture des racines des jeunes plants en raison de leur immersion dans l’eau ».

L’agriculteur poursuit en disant que le plus drôle, c’est qu’ils n’ont reçu jusqu’à maintenant aucune aide d’une quelconque institution ou du ministère de l’Agriculture. Tous ceux qui viennent ici viennent seulement prendre des photos.

  • Le fermier Fayez Mansour Sukkar, 42 ans, loue une terre de 17 dunums, dont

7 dunums situés à côté de la barrière de séparation.

Cet agriculteur dit: “je ne répéterai pas ce que mes collègues agriculteurs ont dit au sujet des destructions causées par l’inondation et de la grande perte que nous avons subie, mais je vais parler d’un autre sujet, qui est que la plupart de ces terres ne sont pas irriguées en raison d’un nombre de puits insuffisant. Il faut réaliser que les terres de cette immense superficie d’environ 2 000 à 2 500 dunums ne sont pas cultivées, sauf en hiver3, et en partie seulement pour la culture de légumes, mais très peu. Sur la plupart de ces terres, on ne trouve que des cultures qui peuvent se contenter de la pluie ».

Cet agriculteur ajoute que le plus gros problème, c’est qu’une fois que les agriculteurs ont perdu la saison hivernale en raison des inondations, ils perdent aussi la saison estivale parce qu’il n’y a pas d’eau pour irriguer les cultures, et on peut constater que la plupart des terres n’ont pas encore été plantées.

  • S’il y avait des puits et des tuyaux d’irrigations alimentant cette zone, vous ne verriez aucune terre nue vide de culture », dit l’agriculteur.
  • Le paysan Hammad Al-Khisi intervient pour ajouter que toutes ces terres souffrent de sécheresse en été : « sans le puits que je possède, mes terres seraient en friche comme le reste des terres de cette région ». Je l’ai interrogé sur son puits et lui ai demandé pourquoi il n’aidait pas les agriculteurs à irriguer leurs terres avec le puits qu’il possède ?

L’agriculteur répond qu’il possède 20 dunums de terre à côté de la barrière de séparation et qu’il possède un puits avec une pompe d’une puissance de 5 chevaux, fonctionnant à l’électricité, qui est situé à environ 1 kilomètre de la barrière de séparation. Ce puits, situé dans un terrain qu’il possédait, est ainsi loin des ravages des bulldozers et du regard de l’occupation israélienne.

  • «  Mais ce puits ne peut pas irriguer beaucoup de terres, et seulement 3 agriculteurs partagent avec moi l’utilisation du puits en raison de la petite taille de la pompe du puits.

Mais si une institutions me fournit une pompe d’une puissance de plus de 20 chevaux et des tuyaux d’irrigation, je peux servir de nombreuses terres dans cette région, avec de l’eau d’irrigation au prix coûtant ».

  • Musab Khalaf Habib, 54 ans, est agriculteur et loue environ 100 dunums, une partie des terres étant situées à côté de la barrière de séparation, et le reste à 500 mètres de la barrière.

Ce paysan m’a demandé de ne pas l’interrompre pendant qu’il parle, afin que la colère en lui puisse s’écouler. Il continue ainsi : « Je veux parler, parler et parler, je me sens énervé et furieux de ce qui nous arrive en termes d’injustice et de tyrannie.

Ce qui nous arrive est injuste, il n’y a pas de justice sur cette terre. Nous sommes ceux qui nourrissons ce pays, mais personne ne se soucie de nos malheurs et de nos conditions difficiles. Nous avons passé notre vie à essayer de faire quelque chose que nous laisserons à nos enfants, mais nous ne leur laisserons que des dettes et des souffrances.

Bien qu’il y ait nombreuses visites de journalistes et d’institutions, nous avons essayé de faire entendre notre voix à travers eux, mais nos voix ne sont pas encore arrivées à ceux à qui elles sont adressées.

Aujourd’hui, je vais parler de toutes les souffrances des agriculteurs de cette région en particulier, et vous pourrez imaginer comment nous pouvons continuer, face à cette injustice.

Et je vais commencer par les avions pulvérisateurs que l’occupation israélienne utilise pour détruire nos récoltes quand ils les voient bien grandir.

L’occupation a aspergé et détruit les cultures 3 fois au cours de l’année précédente, mais en hiver, quand les agriculteurs préparent leurs terres pour recevoir les pluies, qu’ils labourent les terres et les cultivent, d’autres malheurs commencent à apparaître.

D’abord les vannes des réservoirs d’eau de l’occupation israélienne sont ouvertes, ce que nous entendons bien au moment où ils les ouvrent, et puis les terres sont complètement inondées ».

Dans le passé, et jusqu’en 2006, il y avait une tranchée qui conduisait l’eau de l’inondation jusqu’à la région est de Jabalia, et de là à Beit Hanoun et vers les terres occupées au delà de la Ligne Verte, l’eau retournait donc à nouveau vers le territoire de l’occupant, mais ailleurs [que les réservoirs de départ]. Elle passait par une tranchée qui se trouve sous les terres de Beit Hanoun, traversant « Erez » sans perte d’eau.

Mais cette tranchée a été détruite en 2006, ce qui conduit à l’inondation des terres en raison de l’absence d’un cours d’eau pouvant récupérer et conduire les eaux. Ci-dessous une image des restes de la tranchée dans cette région, comme on peut le voir aussi sur d’autres photos dans les parties du rapport portant sur Beit Hanoun et Jabalia.

  • Après 15 jours, lorsque les terres ont commencé à sécher après l’inondation, nous avons labouré à nouveau nos terres et nous les avons préparées pour les semailles, mais l’occupation israélienne a ré-ouvert les portes des citernes pour nous ramener au stade zéro ».

Ce sont des pertes estimées à plus de deux millions de dollars que les agriculteurs ont subi à cause des inondations que l’occupation israélienne crée chaque année.

J’ai demandé au paysan, Musab, pourquoi l’occupation provoque ces inondations ? Il a répondu que l’occupation en tire profits sur tous les plans,

puisque l’eau lui retourne finalement, à travers la tranchée dans l’est de Jabalia et Beit Hanoun.

Après avoir stagné dans cette zone, l’eau s’écoule lentement vers la tranchée de Jabalia, puis vers la tranchée de Beit Hanoun, puis vers le territoire de l’occupant.

Voici une image de la tranchée dans la région de Jabalia-Est, vue des deux côtés :

Vue d’un côté

Vue de l’autre

Un autre problème est venu cette année après l’inondation, à savoir la neige qui est tombée sur les récoltes dans toute la bande de Gaza, ce qui a entraîné de lourdes pertes pour les agriculteurs.

Cet agriculteur en appelle aux officiels, aux organismes de soutien, aux institutions internationales et au monde entier pour aider les agriculteurs et soulager cette pression, pour empêcher toute nouvelle incursion, jusqu’à ce que l’occupant cesse ses exactions contre les agriculteurs sans défense de la bande de Gaza.

Jabalia-Est, zone sud

La région de Jabalia-Est. Aujourd’hui, nous allons parler de la partie sud de la région. Nous pouvons voir que de l’eau douce est disponible grâce à des puits appartenant à certains agriculteurs. Ces terres appartiennent au Ministère des Donations (Awkafs) qui les loue à un grand nombre d’agriculteurs.

  • « Les problèmes rencontrés par les agriculteurs dans cette région ont été la neige qui est tombée dans les dix derniers jours de février, ce qui a conduit à la destruction de nombreuses cultures », c’est ce que l’agriculteur Amer Agnaid

nous déclare. Il ajoute « nous avons besoin de tuyaux pour l’eau, sur une longueur de 600 mètres, pour réparer les conduites endommagées qui doivent desservir plus de 80 dunums. »

Ces terres se trouvent à 150 mètres de la barrière de séparation. Ces agriculteurs se partagent un puits d’eau qui dessert toute la région.

Cet agriculteur parle de l’impact de la neige qui est tombée et a détruit la plupart des cultures, ce qui a entraîné de lourdes pertes pour lui et la plupart des agriculteurs.

  • Quant à l’agriculteur Abu Ramadan Al-Sultan, il confirme que tout ce que son ami a dit est exact, mais le gros problème est que la Compagnie des Municipalités Côtières, qui est une entreprise gouvernementale, va confisquer tous les puits de cette région parce que le projet de station d’épuration des eaux usées est achevé, et que les agriculteurs devront acheter l’eau à l’entreprise, au lieu d’utiliser les puits et de ‘’gaspiller’’ les réserves d’eau souterraine. L’image ci-dessous illustre le projet.

Tous les agriculteurs rejettent cette offre faite par l’entreprise parce que la qualité de l’eau n’est pas garantie et que les prix sont élevés. Notre interlocuteur dit qu’ils sont un groupe d’agriculteurs qui partagent un puits et irriguent leurs terres, qui s’étendent sur plus de 350 dunums. Ils partagent les dépenses du puits ensemble et cette situation est bonne et appropriée pour eux. Ils rejetteront l’offre qui leur est présentée.

Après cela, nous nous sommes rendus dans la partie nord de Jabalia-Est, à côté de Beit Hanoun, qui est une région qui comprend de nombreuses terres agricoles.

Jabalia-Est, zone nord
  • Nous avons rencontré l’agriculteur Ibrahim Rafiq Al-Junaid, qui possède 10 dunums. Il pratique une agriculture pluviale (une irrigation dépendant uniquement de la pluie), parce qu’il n’y a pas de canalisation d’eau dans cette région. En été les champs ne sont pas mis en culture. C’est la principale raison pour laquelle la plupart des agriculteurs de cette région souffrent
  • .

Comme le montrent les images, la plupart des terres sont soit sans culture, soit utilisent l’irrigation pluviale. Nous avons trouvé deux puits dans cette région, qui fonctionnent avec des générateurs diesel, mais après avoir posé des questions à leur sujet, il est devenu clair que les agriculteurs préfèrent ne pas cultiver plutôt que d’utiliser ces puits, en raison du prix élevé de l’eau et de l’absence de canalisations pour transporter l’eau à partir de ces deux puits.

Lorsque nous sommes entrés dans cette zone, nous avons remarqué des avions épandeurs de l’occupation israélienne qui entraient à l’aplomb des terres des agriculteurs, et ceux-ci nous ont dit que parfois ces avions pulvérisateurs pénètrent sur plus de 1 300 mètres au dessus de leurs terres.

Je ne sais pas comment nous pouvons aider cette zone, mais j’espère que ce rapport pourra aider les agriculteurs de cette région.

Beit Hanoun

La ville de Beit Hanoun est située au nord de la bande de Gaza et s’élève à 50 mètres au dessus du niveau de la mer. Elle est délimitée à l’est et au nord par la barrière séparant la bande de Gaza des territoires palestiniens occupés en 1948, elle est bornée à l’ouest par les terres de la ville de Beit Lahia, et au sud par la limite de la ville et le début de la rue Salah al-Din, qui passe par le camp de Jabalia puis par la ville de Gaza. Beit Hanoun est considéré comme un lieu privilégié en raison du passage qui relie la bande de Gaza aux territoires palestiniens occupés en 1948 (terminal de Beit Hanoun, appelé Erez).

Beit Hanoun est une ville agricole. La plupart de ses habitants dépendent de l’agriculture pour leur subsistance. La caractéristique la plus célèbre de la ville est la culture des agrumes et des légumes, qui fournit Beit Hanoun et les régions environnantes avec les légumes frais dont ils ont besoin. La superficie consacrée à l’agriculture représente 45 % de la superficie totale. Cependant, il y a une diminution de la surface des terres cultivées en raison des agressions continues sur cette zone menées par l’armée israélienne.

Nous avons effectué une visite d’inspection des terres jouxtant la barrière de séparation dans le quartier de Mugheer de la municipalité de Beit Hanoun, qui est considéré comme un quartier éloigné difficile à atteindre en raison du mauvais état des routes, état que la forte pluie a aggravé, car elle a a raviné la plupart des routes.

  • La première rencontre a lieu avec l’agriculteur Yusef al-Za’anin, propriétaire de 70 dunums de terre plantés de légumes et de pastèque. Sa terre se trouve à 500 mètres de la barrière de séparation et s’étend à l’ouest sur environ 700 mètres. C’est le dernier point que l’électricité atteint. Cet agriculteur a un puits avec une pompe électrique d’une capacité de 60 chevaux. Ce puits dessert plus de 150 dunums, et c’est le puits le plus abondant de la région.

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Lorsque nous avons interrogé l’agriculteur au sujet des problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs de cette région, il a répondu que le manque d’électricité est le premier problème, entraînant l’impossibilité d’utiliser la pompe du puits, à moins que l’électricité ne soit forte, ce qui se produit seulement à certaines heures ; cela peut se produire le soir, ou tôt le matin, ce qui sème le désarroi chez l’agriculteur.

Le deuxième problème est qu’il n’y a pas de château d’eau où l’eau serait pompée lorsque l’électricité est disponible, afin que les agriculteurs puissent irriguer leurs terres en un temps donné chaque matin, ce qui rendrait les agriculteurs plus à l’aise.

Le troisième problème que l’agriculteur mentionne est que la plupart des conduites d’eau ont besoin être rénovées, « je vais vous donner un exemple : Ce puits irrigue maintenant environ 120 dunums, même si la canalisation est usée et déchirée, mais si cette canalisation, qui a une longueur de 300 mètres, est remplacée par une nouvelle, il sera en mesure d’irriguer environ 80 nouveaux dunums, de sorte que nous serons en mesure d’irriguer environ 200 dunums.

Si nous ajoutons environ 600 mètres de nouvelles canalisations d’eau dans les terres entourant le puits et relions le puits à ces terres, ce puits pourrait irriguer plus de 300 nouveaux dunums des terres : leur mode de culture pourra être changée de pluviale vers une agriculture irriguée, pour planter des légumes et divers arbres (agriculture durable) ».

  • La deuxième visite a été à l’agriculteur Fadl al-Kafarneh. Il loue environ 55 dunums, situés à quelques 600 mètres de la barrière de séparation. Il cultive sa terre en melons et cantaloup.

L’agriculteur explique que cette région est pleine de puits. Environ cinq grands puits fonctionnent à l’énergie solaire. Ces puits appartiennent à certains agriculteurs qui les utilisent uniquement pour leurs terres. J’avais vu des terres non cultivées et je lui ai demandé pourquoi ces terres ne sont pas cultivées alors que c’est une grande région et qu’il y a beaucoup de puits.

Il répond que toutes ces terres sont la propriété d’une seule personne, de Khan Yunis, et tous les agriculteurs louent chez lui et possèdent des puits fonctionnant à l’énergie solaire, fournis par des institutions agissant pour servir les agriculteurs. Certains agriculteurs dont les terres sont centrales sont égoïstes et ne veulent pas faire passer de canalisations vers les terres voisines

  • travers leurs propres terres, pour ne pas être gêné lors du labourage et de la culture de ces terres.

Cette zone est étrange, car il n’y a aucun moyen d’entrer dans les champs, cela signifie qu’il est possible de tourner autour de cette zone sur environ un kilomètre de distance, et alors que le champ où vous voulez entrer est directement en face de vous, vous êtes empêché d’y entrer parce qu’il n’y a pas de routes séparant les terres les unes des autres.

L’agriculteur continue d’expliquer que la plupart des terres de cette région ont de l’eau, mais les terres jouxtant la barrière de séparation, à une distance de zéro à 350 mètres, n’ont pas d’eau, et les cultures dépendent entièrement de l’eau de pluie comme le blé, l’orge et les lentilles.

Très peu de terres jouxtant la barrière de sécurité peuvent être consacrées à la culture des légumes à Beit Hanoun, comme nous le verrons lors de la prochaine réunion avec l’agriculteur. Le problème auquel sont confrontés les agriculteurs dans cette région est l’entrée des avions de l’occupant, pénétrant sur plus de 1,300 mètres de terres agricoles et les arrosant de pesticides toxiques qui tuent les cultures. Cela s’est beaucoup répété l’année dernière, causant de grandes pertes aux récoltes, et j’en ai vu un de mes propres yeux dans l’est de la région de Jabalia. J’ai été surpris que l’avion soit entré aussi loin, mais pour être honnête, il ne pulvérisait pas de pesticides à ce moment-là. Nous avons essayé de prendre des photos de l’avion, mais finalement nous avons pris une photo à peine visible, parce que nous n’avions l’équipement nécessaire, et parce que le soleil nous éblouissait.

  • ▶   Abdul Qadir Hamid, le troisième et avant-dernier agriculteur, loue 51 dunums plantés de citronniers et d’oliviers, à 300 mètres du checkpoint d’Erez.

Ce terrain a été rasé au bulldozer en 2004 et il a été reboisé. Également en 2014, il a été complètement rasé , et replanté à nouveau , et cet agriculteur n’a pas encore été indemnisé, comme c’est le cas pour les autres agriculteurs.

Cet agriculteur nous dit : « depuis 2014, les conditions étant restées calmes dans cette région, il n’y a pas eu mention de tirs ou de pulvérisations de pesticides par des avions-épandeurs ou par des bulldozers, mais les problèmes auxquels nous faisons face sont la faiblesse de la fourniture d’électricité et l’usure des canalisations d’eau. La fourniture d’électricité défaillante entraîne l’arrêt de la pompe du puits pendant de longues heures, or ce puits doit irriguer plus de 700 dunums quand il y a de l’électricité normale, mais à l’heure actuelle, il irrigue seulement 300 dunums en raison de la faiblesse de l’électricité et l’utilisation de canalisations usées ».

Ce fermier demande qu’on l’aide dans sa détermination à prendre soin de cette terre, en réalisant une canalisation de 600 mètres de long pour pouvoir desservir le reste des terres voisines.

Selon les agriculteurs, cette zone est considérée comme assez sûre. Le terrain appartient à la municipalité de Beit Hanoun et jouxte le point d’entrée de Beit Hanoun (Erez) en provenance du nord.

  • L’agriculteur Imad Jamal Sweilam cultive 50 dunums et décrit cette région en disant que le total des terres qui sont à côté du mur correspond à une surface de 250 dunums. Le paysan doit s’éloigner du mur d’occupation israélien d’une distance d’environ 150 mètres et cultiver le reste de la terre comme le montre la photo.

L’agriculteur dit que cette zone est calme depuis 2014 et qu’il n’y a pas eu d’exactions de la part de l’occupant comme pour le reste des terres jouxtant la barrière orientale. La raison en est la présence quasi continue du mur de béton sur la ligne de séparation du nord, et le grand nombre de caméras et de points de surveillance, en raison du passage d’Erez.

Et il continue ainsi « nous faisons face à de nombreux problèmes en tant qu’agriculteurs :

Premièrement : L’eau – Le prix élevé de l’eau dans cette région

Deuxièmement : Les prix élevés pour les semences et les semis

Troisièmement : La baisse des prix de vente des produits frais sur le marché local.

Toutes ces raisons ci-dessus signifient une certaine perte pour les agriculteurs, et même des pertes continues. Les agriculteurs espèrent l’ouverture des droits

  • l’exportation pour être en mesure de vendre leurs produits, ce qui se produit en fait rarement. Mais cette perspective redonne vie à l’agriculteur et lui donne de l’espoir.

Cette saison, nous avons également été confrontés à un quatrième problème qui a entraîné une autre perte, à savoir la neige, qui a détruit environ 40 p. 100 des plants. Comme vous pouvez le voir ici, la taille des plants de pommes de

terre est maintenant de 10 cm (photo ci-dessous), mais habituellement en ce moment leur hauteur devrait dépasser 30 cm, et cela aura un impact négatif sur la croissance des cultures et la quantité des récoltes.

En outre, d’autres cultures, comme le chou rouge et blanc et le brocoli, ont été brûlées à cause de la neige ».

Le dernier problème auquel cette zone est confrontée est l’inondation provoquée. La crue vient des territoires de l’occupant. Elle s’écoule ensuite, à partir de la région orientale de Shuja’iya, vers Jabalia-Est, jusqu’à Beit Hanoun. Elle inonde complètement plus de 70 dunums des terres et détruit toutes les cultures.

  • L’occupant israélienne ne permet pas à l’eau de s’écouler hors de la bande de Gaza avant que la crue ne détruise toutes les cultures. Les terres inondées ont besoin de 20 jours à un mois pour sécher, il se peut que l’occupant ouvre à

nouveau les vannes à Shuja’iya. La terre sera inondée de manière encore plus désastreuse que la fois précédente ».

Légende de la photo ci-dessus : la photo montre clairement le passage par lequel l’eau de l’inondation provoquée peut s’écouler sous le terminal d’Erez.

C’était notre tournée dans la région de Beit Hanoun, à l’est et au nord, pour identifier les problèmes des agriculteurs dans d’autres zones de la bande de Gaza que notre zone de Khuza’a.

En fin de compte, nous pouvons dire que nous avons trouvé :

Premièrement : La plupart des terres agricoles jouxtant le mur ou la barrièrede séparation de Beit Hanoun manquent d’eau par manque de puits à proximité des barrières, en raison du manque d’électricité atteignant ces zones proches des barrières, à cause de la grande surface de terres agricoles et de leur distance de la ville.

Deuxièmement : La plupart des terres jouxtant la barrière de séparation et laplupart des terres éloignées qui n’ont pas de ressources en eau portent des cultures capables de dépendre uniquement de la pluie, comme le blé, l’orge et les lentilles, mais en été ces terres restent arides sans culture.

De mon point de vue, nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes d’eau pour les agriculteurs de Beit Hanoun parce que cela dépasse nos capacités. Mais on peut régler quelques petits problèmes là-bas et on va en parler :

Premièrement : les terres de Beit Hanoun sont vastes, et doivent être divisées en plusieurs unités, par exemple, de 1000 dunums chacune, et chaque unité doit être étudiée séparément en termes de besoins.

Exemple : Il y a de l’électricité et un puits dans une unité, et il n’y a pas de canalisations d’eau, ici nous pouvons aider en mettant des canalisations et résoudre ainsi ce problème dans cette unité.

Exemple : Il y a un puits et une adduction d’eau, et il n’y a pas d’électricité ou une couverture très faible, la solution est de passer à l’énergie solaire pour le puits afin qu’il puisse fonctionner efficacement. Ceci, nous ne pouvons pas le fournir, mais nous pouvons en parler et le faire savoir à ceux qui peuvent aider.

Exemple : Nous pouvons organiser des ateliers éducatifs pour les agriculteurs afin d’apprendre à mieux gérer les cultures, d’autant plus qu’il existe de nouveaux types de plantes qui ont été cultivées récemment, comme le brocoli, les betteraves et le céleri.

Le problème avec les institutions de soutien, c’est qu’elles veulent travailler dans toutes les régions, et de mon point de vue, le mieux est de se concentrer sur un ou deux domaines et de travailler à résoudre la plupart des problèmes de cet endroit, tout comme nous l’avons fait à Khuza’a.

J’espère que ces rapports nous seront un apport pour aider les agriculteurs et réduire la souffrance qu’ils endurent.

Mutasem Eleiwa, mars 2021


Note-s
  1. Un dunum vaut 1 000 2[]
  2. Suite aux destructions des terres cultivées lors de l’entrée des troupes israéliennes en 2014.[]
  3. Les pluies à Gaza surviennent ordinairement en hiver, de novembre à février.[]
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