Les Palestiniens doivent dire non aux négociations avec Israël Amira Hass

Les initiatives diplomatiques aux Nations-Unies, quelle que soit leur audace rafraîchissante, ne peuvent suffire.

Amira Hass

Ha’aretz

Maintenant que la Palestine a été reconnue par l’organisation culturelle des Nations-Unies, l’UNESCO, elle ne sera pas plus un non-étatique et pas moins occupée qu’elle ne l’était auparavant. Ses citoyens ne seront pas moins privés de liberté qu’ils ne le sont aujourd’hui, pas moins sous le joug de la domination étrangère israélienne. Mais leur désobéissance civile à Israël, aux Nations-Unies et au Quartet soulève l’espoir que les Palestiniens ne retourneront pas à la table de négociations, parce que ces négociations sont devenues un obstacle au processus de décolonisation, condition essentielle pour la paix

La demande d’adhésion des Palestiniens comme membre des Nations-Unies a été bien accueillie, même par des critiques de l’Autorité palestinienne, parce qu’elle a été comprise comme la fin, même tardive, d’un chapitre qui n’avait que trop duré. Un chapitre où la direction palestinienne, en échange de garanties douteuses et de quelques privilèges pour un petit groupe, a pris part à une mascarade de négociations pendant que dans les faits, la région prévue pour la réalisation du droit des Palestiniens à l’autodétermination continuait d’être réduite et morcelée. Ce chapitre a établi le fait que les partis au sein des différents gouvernements de coalition d’Israël ne divergent que sur un seul point : le nombre et la taille des bantoustans palestiniens dans le plan directeur d’Israël.

Le commun des mortels chez les Palestiniens a compris la candidature aux Nations-Unies comme un acte qui créait de nouvelles règles du jeu. Par conséquent, de nombreux sympathisants de l’initiative se sont réveillés un matin avec une certaine appréhension : les tactiques de rouleau compresseur de l’Union européenne et des Nations-Unies ont-elles fonctionné ? Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et ses sempiternels négociateurs sont-ils retournés à la même table inféconde, alors qu’il est clair qu’Israël n’a aucune intention de modifier son plan directeur ?
On peut puiser la mesure dans laquelle les termes de « négociations de paix » ont été galvaudés dans une remarque faite par l’envoyée de l’Union européenne pour le Quartet, Helga Schmid. Le 26 octobre, dans une ultime tentative du Quartet pour bloquer les Palestiniens dans leur candidature à l’UNESCO, elle a déclaré – d’après des sources à Ramallah – que la demande d’adhésion était pareille aux constructions dans les colonies : une provocation. Il ne suffit donc pas que les pays de l’Union européenne ne sanctionnent pas Israël pour la construction des colonies (Ma’ale Adumin ou Givat Assaf, toutes étant pareillement criminelles), aujourd’hui, l’envoyée de l’UE crée une symétrie entre des années de violence par le suzerain occupant et la défense légitime de l’occupé.

Il est vrai que les Accords d’Oslo ont créé une symétrie fallacieuse entre le colonisateur/occupant et le colonisé/occupé. Cette symétrie a empêché les Palestiniens d’utiliser un atout important dans les négociations pour leur indépendance : la reconnaissance de principe des responsabilités israélienne et internationale d’avoir lésé les Palestiniens et de leur avoir volé leur patrie et leurs droits.

Mais les pays occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis, n’ont même pas respecté cette symétrie. Tout au plus ont-ils grondé Israël, tout en renforçant son statut économique et politique au plan international, démontrant ainsi que l’occupation, ça rapporte. Mais ils ont puni par contre, et continuent de punir, les Palestiniens comme si c’était eux les agresseurs.
Le Quartet, dans un réflexe néocolonialiste conditionné, a menacé que le grand chef pourrait bien ne plus verser ses contributions à l’UNESCO : honte à vous, indigènes, c’est votre faute. Une menace qui écorche les oreilles, contrairement à la musique qui monte de Wall Street occupée, et des autres mouvements similaires.

Mais les initiatives diplomatiques aux Nations-Unies, quelle que soit leur audace rafraîchissante, ne peuvent suffire. Les rumeurs selon lesquelles l’Autorité palestinienne pourrait être dissoute ne suffisent pas non plus à faire comprendre que les pyromanes à Jérusalem et Tel Aviv mettent en danger le bien-être tant des Palestiniens que des Israéliens, si ce n’est celui de beaucoup d’autres dans et au-delà de cette région.

Il n’existe aucun substitut à la stratégie de résistance populaire, dans laquelle il n’y a pas de VIP observateurs à surveiller de loin (et aussi plus aucune roquette Qassam et autres méthodes à cibler les civils, qui ont prouvé leur inutilité pratique et morale). Mais ne pas retourner à des négociations est une mesure essentielle, afin d’enrayer la routine de la dépossession, dans laquelle le Quartet est partenaire.

Rappel sur l’auteur :

Octobre 2009

L’israélienne, Amira Hass reçoit le « Prix du Courage en Journalisme 2009 »
Quatre femmes journalistes, originaires du Belarus, du Cameroun, d’Iran et d’Israël, ont été récompensées cette semaine à New York, pour leur courage dans l’exercice de leur profession, face aux menaces de mort et d’emprisonnement, aux attaques et aux violentes intimidations exercées à leur encontre.

La Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF) a remis le « Prix du Courage en Journalisme 2009 » […] à l’Israélienne Amira Hass, journaliste du quotidien Ha’aretz, qui décrypte l’actualité politique israélienne et palestinienne depuis 20 ans, basée à l’intérieur des « territoires palestiniens ». Amira Hass, née en 1956 à Jérusalem.

Elle a étudié l’histoire à Jérusalem et à Tel-Aviv. Après avoir enseigné, elle a commencé à exercer la profession de journaliste en 1989 à la rédaction de Ha’aretz. Elle est une journaliste et auteur très connue pour ses colonnes dans le quotidien Ha’aretz. Elle vit en Cisjordanie après avoir habité à Gaza et elle rapporte les événements du conflit israélo-palestinien depuis ces territoires disputés. Elle a débuté sa carrière à Ha’aretz en 1989, et a commencé à informer depuis les territoires en 1991. En 2003, elle était la seule journaliste israélienne juive à vivre parmi les Palestiniens, à Gaza depuis 1993 et à Ramallah depuis 1997.

Deux ouvrages ont été tirés ses expériences successives : l’essai Boire la mer à Gaza et Correspondante à Ramallah, une compilation de ses articles depuis la Cisjordanie, tous deux parus en France aux éditions La Fabrique.

2 novembre 2011 – Ha’aretz – traduction : JPP

http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/palestinians-must-say-no-to-negotiations-with-israel-1.393255