Les Juifs et la contre-révolution coloniale

Les Français résidents en Israël ont voté à 53% pour Zemmour. Ces colons plébiscitent un fasciste ouvertement pétainiste, antisémite par ailleurs, parce que pour eux le principal ennemi ce sont les musulmans. Formidable illustration de l’islamophobie comme principal front de guerre dans lequel se joue l’hégémonie occidentale. Pour le dire autrement, le colonialisme israélien et l’islamophobie d’État en France participent de la même démarche de contre-révolution coloniale.

Y voir des Juifs s’y arrimer est effrayant. « Qu’adviendra t-il de toute cette beauté », demandait James Baldwin devant la dégradation morale des Noirs causée par le racisme systémique. Et nous, qu’est t-il advenue de notre beauté juive ?

Qu’adviendra t-il de notre histoire, de nos témoignages, de nos dignités de non-Blancs, d’exclus, de génocidés ? Ce monde moderne, après nous avoir martyrisé, nous avale, nous digère et nous vomit sous une forme dégradée et laide. Nous étions victimes et persécutés, nous sommes aujourd’hui victimes et colons. Victimes et bourreaux. Victimes du monde blanc et tirailleurs pour son hégémonie. Quel dignité est possible dans cette configuration ? Aucune. Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas de dignité possible pour un non-Blanc dans ce monde. On est soit ennemi public, soit tirailleur. Soit on ferme sa gueule et on dit merci.

On est tombé dans un piège. Dans les années 30, Trotsky pressentait déjà que ce piège se refermerait et qu’il serait sanglant.1

Ce qui est triste, c’est que je sais au fond ce qui anime beaucoup de mes coreligionnaires. Une soif de dignité, une volonté puissante de ne plus jamais être victime. Une recherche de boussole que beaucoup pensent trouver dans le sionisme, sans voir la voie de garage que c’est. Sans même se rendre compte qu’ils troquent leurs âmes contre une place au chaud dans le concert des nations occidentales.

En creux, le manque de politisation sur la question de l’antisémitisme, qui est la principale thématique sur laquelle se positionnent les Juifs. La gauche n’a pas su répondre face à l’offensive idéologique conservatrice autour de l’antisémitisme. L’équation antisémitisme = arabes = islam est solidement ancrée et achève de séparer les Juifs de leurs alliés historiques naturels.

Serons-nous encore les derniers, comme le soulignait Hannah Arendt, à se rendre compte des circonstances qui nous placent au centre du conflit ?


Note-s
  1. NDLR : Lire aussi sur notre site Le piège tendu aux Juifs de France []