Les faux juifs qui ont inventé leur propre judaïsme

Quel culot et quel racisme faut-il pour appeler la police dans le but de saboter la tradition de quelqu’un d’autre ? Laissons leur la responsabilité.

« Ils ont oublié ce qu’être juif veut dire » est une calomnie passée depuis peu dans le langage courant. Bibi Netanyahou a commencé, Avi Gabbay a suivi et le journaliste Yisraël Cohen est le dernier en date à l’adopter (Haaretz en hébreu du 3 juin). Il a employé le terme pour décrire la femme filmée en train de s’accroche avec ces enquiquineurs de Loubavitch qui essaient de mettre le grappin sur les voyageurs à leur arrivée à l’aéroport. On peut la comprendre – ils sont vraiment énervants et pas seulement à l’aéroport. Une fois qu’on est dans leur ligne de mire, impossible de s’en débarrasser sans perdre son sang froid.

J’aime leur dire, sans sourciller, que dans notre famille égalitaire, parfois nous avons un tour de rôle. Ce mois-ci ma femme met les tefilin et moi je porte une perruque. Mais peut-être que le mois prochain, si je suis particulièrement de mauvaise humeur, je déchaînerai une fausse sainte colère sur eux et leur dirai que parce que feu leur Rabbin-Messie a été un antisioniste zélé toute sa vie, je refuse de coopérer avec ses disciples antisionistes. Il et assez amusant de voir leur étonnement et comme ils sont offensés (je ne leur dis certes pas que dans mon livre « antisioniste » n’est pas nécessairement un terme péjoratif).

Yisrael Cohen va probablement décider que moi aussi j’ai « oublié ce qu’être juif veut dire ». Soit. Je ne me sens pas insulté. L’oubli est un trait humain utile dépourvu de malveillance. À mes yeux, les faux juifs sont bien pires que les juifs oublieux. Les faux juifs qui ont inventé leur propre judaïsme. Un judaïsme aussi faux qu’un billet de 3 dollars. Un judaïsme taillé à la mesure de leurs détestables besoins, un judaïsme conçu pour libérer tous leurs pires instincts – arrogance, violence, condescendance, cupidité, racisme etc.

Une petite histoire : un incident mineur mais typique a été rapporté il y a quelques jours (« Jerusalem Palestinians detained, fined for waking up Muslims for nightly Ramadan meal, » May 30 – des Palestiniens emprisonnés à Jérusalem, verbalisés pour avoir réveillé des Musulmans pour le repas de nuit de Ramadan, 30 mai) sur les exploits de certains « faux Juifs » qui se sont installés à Al-Qods il n’y a pas si longtemps.

Voilà ce qui et arrivé : il existe une ancienne tradition musulmane selon laquelle, pendant le mois de Ramadan, avant le lever du soleil, des jeunes, en tenue traditionnelle, passent dans les rues et appellent les croyants à se lever et à rendre grâces au Créateur. Cela dure depuis des siècles. Cette année, pour la première fois, la police israélienne s’est mise à arrêter certains de ces jeunes hommes, imposant des amendes de milliers de shekels et les traitant généralement avec brutalité. Pourquoi ? Qu’est ce qui était différent tout d’un coup ? Pourquoi aujourd’hui et jamais auparavant ?

Selon la police : « Des riverains se sont plaints du bruit ». Vous n’avez pas besoin d’être un génie pour comprendre quels « riverains » se sont plaints.

Tout enfant juif est familier des histoires du vieux bedeau, le gardien de la synagogue, qui marche dans la ville et qui réveille les Juifs pour les prières selihot de pénitence. Les Jérusalémites ont entendu les histoires du vekker (éveilleur en yiddish) dans les quartiers ultra orthodoxes ou haredi. On ne compte pas les touristes qui viennent dans ces lieux, la nuit, pour assister à cette sainte action. Quiconque vit dans les parties religieuses de Jérusalem entend les coups de chofar et les selihot lors des mois d’Éloul et de Tichri du calendrier juif, à l’aube ou tard dans la nuit.

Assez surprenant : la police n’a jamais été appelée pour faire taire la forte nuisance publique des selihot. Mais seulement contre le « vekker » musulman qui, dans la Vieille Ville, dérange les « faux Juifs ». C’est le seul moment où la police est appelée.

Quel culot et quel racisme il faut pour appeler la police dans le but de saboter la tradition religieuse de quelqu’un d’autre ? Laissons cela aux faux Juifs. Si seulement ils oubliaient un peu du faux judaïsme qu’ils ont inventé. S’il y avait un Dieu au paradis et s’il allait regarder ceux qui citent son nom en vain, il serait sûrement dégoûté.

Par Beit Michael. Publié le 6 juin 2018 dans Haaretz (en anglais).
Traduction SF pour l’UJFP.

Traduction SF pour l’UJFP