Le Collectif 17 Octobre 1961 banlieue Nord/Ouest ont décidé d’envoyer 132 exemplaires de la Lettre aux Français de l’Emir Abdelkader à différentes personnalités politiques, universitaires, militantes, et à des institutions françaises.
La date choisie était celle, symbolique du 19 mars, en référence à la date des accords d’Evian qui entérinèrent le cessez-le-feu en Algérie. Il était important de rappeler que 59 ans plus tard, la guerre d’Algérie revêt encore un caractère central et complexe dans les relations franco-algériennes, au sein de la société française et parmi la diaspora algérienne et sa descendance.
Formidable leçon d’humanisme, cette Lettre aux Français est un appel au respect et au dialogue entre les cultures, que nous voulons remettre en avant dans ces temps troublés où de trop nombreux discours n’appellent qu’à la discorde.
2 200€ ont été dépensés pour cette opération. Collectif informel, ne recevant aucune aide extérieure, les dépenses ont été réalisées sur fonds personnels. Le Collectif a donc organisé une cagnotte afin de pouvoir rembourser les frais engagés: https://www.leetchi.com/c/les-facteurs-de-lemir-abdel-kader
La « Lettre au Français » de l’émir Abdelkader (1858) – Un document à mettre entre toutes les mains, par Saïd Bouamama.
La théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington n’a pas fini de produire ses effets néfastes et mortifères. La pseudo incompatibilité des « civilisations » qu’elle affirme est au cœur de nombreux discours bellicistes appelant à ou justifiant des guerres contre les pseudo « ennemis civilisationnels ». L’extrême-droite l’a sans surprise investie pour trouver une nouvelle assise idéologique lui permettant de sortir de l’isolement qui était le sien depuis la défaite du nazisme. De la théorie du grand remplacement à celle d’un Islam qui serait par essence incompatible avec la démocratie, en passant par celle d’une immigration africaine culturellement « inintégrable », l’idée de « civilisations homogènes » opposées entre elles est au cœur de l’ensemble de ses discours idéologiques. Plus grave ces discours débordent désormais largement des sphères d’influence habituelle de cette extrême-droite.
Pourtant une réponse argumentée à cette idée d’une incompatibilité et d’une guerre inévitable entre « civilisations » existe depuis longtemps. Elle se trouve dans la lettre que l’émir Abdelkader adresse aux Français en 1858. Cette lettre fut passé sous silence pendant des décennies et est encore aujourd’hui largement méconnue. Œuvre d’un résistant à la colonisation vaincu, la lettre dément les images et carricatures de l’Islam qui ont été diffusées pendant la conquête et qui connaissent une nouvelle jeunesse aujourd’hui. Ainsi par exemple l’émir Abdelkader y défend le retour de la religion dans l’espace privée bien avant la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France. De même il y défend la liberté de penser comme condition indispensable aux progrès des sciences et du savoir humain. Il consacre également un chapitre entier aux emprunts et influences de chaque civilisation sur les autres. Les « civilisations » n’ont pas été des entités homogènes ahistoriques juxtaposées les unes à côté des autres ou dont les liens se réduisaient à la guerre. Elles ont au contraire été des productions humaines dynamiques dans lesquelles les échanges et emprunts mutuels ont été les facteurs essentiels du développement du savoir humain. L’idée d’une humanité se construisant dans la diversité et les influences mutuelles est au cœur de l’argumentaire de l’émir.
Rappelons que cette lettre fut rédigée en 1858 c’est-à-dire à peine 10 ans après la défaite de l’émir en 1847 qui fut la disparition d’un des derniers remparts significatifs à la conquête sanglante de l’Algérie. En dépit de cette proximité douloureuse, l’émir distingue ce qui a trait aux rapports de forces et à leurs déterminants politiques, économiques et militaires et ce qui a trait à l’humanité comme projet nécessitant un rapport égalitaire entre civilisations. Formidable leçon d’humanisme cette lettre est un appel au respect et au dialogue entre les cultures.
Pour toutes ces raisons mettre cette lettre entre toutes les mains possibles est une nécessité. La faire étudier et discuter dans nos établissements scolaires est une œuvre de salubrité publique. Organiser un cycle de conférence dans tous l’hexagone pour débattre du contenu de cette lettre une contribution indispensable à la culture démocratique. C’est pour toute ces raisons qu’a été constitué le projet « les facteurs de l’émir ». Elus, enseignants, animateurs radios, associations, etc., contactez nous pour contribuer à la diffusion de cette lettre trop longtemps cachée au peuple de France.
Saïd Bouamama, sociologue et travailleur social, pour le Collectif 17 octobre 1961 Banlieue Nord-Ouest