L’enfer à Calais : le rapport de Human Rights Watch qui accuse la police

Un rapport accablant de l’ONG, publié ce 26 juillet, accuse les forces de l’ordre de commettre des abus réguliers envers les migrants dans la région de Calais, y compris sur des enfants, au mépris des normes internationales. Il évoque, entre autres, l’usage de gaz poivre, particulièrement douloureux.

migrant allongé sur le sol, entouré de policiers français, 1er juin 2017, Calais,PHILIPPE HUGUEN
A migrant lies on the ground surrounded by French police officers on June 1, 2017, in Calais. Migrants set brushwoods on fire on the A16 highway late on May 31, 2017, near Calais, northern France. / AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN

Des centaines de personnes, dont des enfants, sont victimes de pulvérisations de gaz poivre extrêmement douloureuses, et de destruction systématique de leurs maigres possessions : nourriture, eau, vêtements. A Calais et dans ses environs, associations et médias dénoncent depuis plusieurs mois le comportement des forces de police à l’encontre des migrants, qui s’apparente à des traitements inhumains, à un harcèlement indigne de quelque démocratie que ce soit.

Aujourd’hui, c’est l’ONG internationale Human Rights Watch qui le confirme : à Calais, les forces de police violent régulièrement les droits humains des personnes exilées, en recourant « de façon routinière à la pulvérisation de gaz poivre sur des migrants, enfants et adultes, alors qu’ils sont endormis ou dans d’autres situations où ils ne représentent aucune menace ». Leurs sacs de couchage, leurs vêtements, la nourriture et même l’eau sont aussi régulièrement aspergés. « De tels agissements de la part de la police violent l’interdiction d’infliger un traitement inhumain et dégradant, mais aussi les normes internationales de comportement des forces de l’ordre », affirme l’ONG qui publie ce mercredi 26 juillet un rapport accablant intitulé C’est comme vivre en enfer : abus policiers à Calais contre les migrants, enfants et adultes. En agissant ainsi, note la directrice France de HRW, Bénédicte Jeannerod, les policiers « non seulement rabaissent leur profession, mais ils portent atteinte à des personnes dont ils ont juré de défendre les droits ».

Depuis le démantèlement de la « jungle » de Calais en octobre 2016, plusieurs centaines de personnes y reviennent, dans l’espoir de franchir la Manche. L’obsession du gouvernement est de ne pas laisser se former de nouveaux campements : le harcèlement policier à l’encontre des migrants s’opère « apparemment dans le but de les pousser à quitter la région », indique HRW. Pour établir ce rapport, l’ONG a interrogé plus de soixante migrants, dont la moitié de mineurs isolés, entre juin et juillet, à Calais et dans la région. Ils racontent des usages de spray au poivre sans aucune raison, notamment pendant leur sommeil, ou lorsqu’ils marchent sur la route. Un garçon de 14 ans explique qu’il essaie de ne jamais dormir au même endroit, de peur d’être aspergé et qu’on lui confisque sa couverture, ses vêtements ou ses chaussures. Le gaz poivre provoque de graves irritations, de l’asthme, des difficultés respiratoires. Il rend l’eau et les aliments impropres à la consommation, et les textiles qui en ont été aspergés doivent être lavés avant toute nouvelle utilisation.

L’ONG réclame des consignes fortes, et l’engagement de mesures disciplinaires en cas de faute.

« Le gouvernement a le devoir de s’assurer que les migrants sont protégés et qu’ils ont la possibilité de demander l’asile s’ils le souhaitent », rappelle HRW, qui cite les mots d’Emmanuel Macron le 13 juillet au sommet européen de Trieste (Italie) : « Les femmes et les hommes qui, naguère, venant de Syire, aujourd’hui venant d’Erythrée ou de nombreux autres pays, qui sont des combattants de la liberté, doivent être accueillis en Europe et tout particulièrement en France. »

Au même moment, un collectif d’associations dont Amnesty international et Médecins du Monde, publient cet appel au gouvernement, réclamant le respect des droits des réfugiés à la frontière italienne.

L’ONG réclame des consignes fortes pour que les forces de l’ordre « se conforment aux normes internationales sur l’usage de la force » et l’engagement de mesures disciplinaires en cas de faute. La préfecture du Pas-de-Calais, elle, a évoqué dans un communiqué des « calomnies ». Combien de temps les autorités tiendront-elles dans ce déni de mauvais traitements, en présence de nombreux témoignages, relevés également en juin par le Défenseur des droits Jacques Toubon ? La préfecture et la Ville de Calais ont fait appel du jugement du Tribunal administratif de Lille du 26 juin, qui ordonnait des mesures urgentes d’aide aux migrants (distribution de repas, renforcement des points d’eau et sanitaires, et des maraudes sociales). Une audience sur cet appel se tiendra au Conseil d’État ce vendredi 28 juillet.

Par Juliette Bénabent. Publié le 26/07/2017 sur le site de Télérama.