Youssef Haji, militant associatif et auteur du livre « Idbihi, parcours d’un Marocain, 1968-1987»

Entretien par : Kenza Alaoui le 14 septembre 2015

Youssef Haji

Maroc Hebdo: Qu’est-ce qui vous a attiré dans le profil de Mostafa Idbihi au point de lui consacrer un livre?
Youssef Haji :
Dans mes précédents livres, je me suis toujours inspiré des vies des gens du peuple car j’en fais partie. En 2007, je rentre au Maroc après plus de 20 ans d’errance et comme un orphelins des territoires de migration, je retrouve Mostafa régulièrement à Casablanca et Rabat pour garder prise sur nos mémoires. C’est dans ces moments que nous décidons d’écrire notre propre histoire avec nos propres archives pour que l’histoire culturelle du Maghreb garde la trace de ces immigrés qui ont ouvert les portes de l’Olympia et autres scènes mythiques de Paris à Sabah, Abdelhadi Belkhayat, Nass El Ghiwane, Izenzaren, Najat Atabou, Idir…
Le livre «Idbihi, parcours d’un Marocain 1968-1987» est dans toutes les librairies au Maroc et bientôt en France et sur les réseaux de vente par le net. La singularité de Moustafa, comme dit magistralement le philosophe Ali Benmakhlouf, est «d’avoir battu en brèche la séparation entre arts de l’esprit et arts manuels».

Parlez-nous de votre premier contact avec cet homme. Quelle impression vous a laissée cette première rencontre?
Youssef Haji:
J’ai croisé le chemin de Mostafa Idbihi, en 1984, à Gennevilliers, à l’occasion du Moussem de l’immigration marocaine en Europe. Dans les années 90, Mostafa, avait une boîte de production audio vidéo, à Barbès, à quelques mètres des locaux de l’Association des travailleurs marocains de France (ATMF) où, j’assurais, entre autres, la publication du journal «Zmigri News ». Mostafa me donne l’impression d’une bibliothèque ambulante. Il raconte, comme un conteur des temps modernes avec beaucoup d’autodérision, des pages d’une histoire encore vivante.

Que nous enseigne le parcours de cet homme sur le vécu des immigrés marocains en France?
Youssef Haji
: Le vécu des migrants? Malgré le travail infernal, le racisme, la nostalgie reste aussi un vécu de solidarité entre Maghrébins, Français et autres nationalités. L’aide à la famille restée au pays, l’accueil des nouveaux arrivants, la fête, l’adoration d’un Dieu clément et le rire restent gravés dans le parcours de chacun des migrants.

Que fait aujourd’hui Idbihi dans la vie? Est-il rentré au Maroc ou a-t-il fait le choix de rester en France?
Youssef Haji :
Comme les anciens travailleurs, Mostafa vit entre Paris et Casablanca. Une vie entre valise et valise. Mostafa est aussi membre fondateur de l’Association des Anciens Travailleurs de Renault-île Seguin, avec laquelle nous avons mené, à la demande du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), la Caravane «Mémoires Vives» avec des expositions, rencontres, débats et visites aux anciens travailleurs de Renault encore en vie, dans la région Souss-Massa-Draa. Des milliers d’écoliers et de familles d’immigrés de Tiznit, Aït Melloul, Ouled Teïma, Agadir…ont pu, enfin, découvrir la vie de leurs proches au-delà des mers.

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