Si vous pensez que ce récit a pour objet l’État d’Israël, vous vous trompez. Et si vous pensez qu’il concerne surtout la Palestine, vous commencez à vous rapprocher de la vérité, mais ce n’est pas encore cela. Il s’agit plutôt d’un livre sur les Juifs. Ces pages sont consacrées non aux Israéliens mais aux Juifs du monde entier, à travers une question qui les hante, comme le communisme a jadis hanté l’Europe, pour citer un célèbre philosophe d’origine juive du 19ème siècle. La question, c’est bien sûr celle de la Palestine.
« La Palestine, c’est la question qui hante par excellence la communauté juive, provoquant en son sein des sentiments divers. Tantôt des sentiments de rejet, de déni, de refoulement, parfois de honte, de culpabilité. De tels sentiments vont jusqu’à la haine, à la violence. Chez d’autres Juifs la question palestinienne provoque doute, confusion, désarroi, remise en question des certitudes dont ils ont été bercés. Chez d’autres encore, la question palestinienne provoque du regret, une impression de gâchis, la sensation qu’on aurait pu procéder autrement, qu’on aurait pu régler ce conflit il y a longtemps déjà. Chez d’autres « Israélites » (on parle ici des personnes d’origine juive et non pas des citoyens de l’État d’Israël), la question palestinienne suscite la compassion, l’empathie, voire la nostalgie, surtout pour la génération de Juifs expatriés originaires de l’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient et qui se souviennent de la coexistence paisible, agréable, douce, qu’ils ont vécue avec leurs voisins musulmans sous les palmiers du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, du Yemen, de l’Irak ou d’autres pays de ce qu’il convient d’appeler, de façon générique, le « Monde Arabe ». Chez d’autres Juifs, la question palestinienne suscite solidarité, fraternité, désir de rapprochement, certains d’entre eux comparant le sort fait aux Palestiniens sous l’occupation israélienne au sort fait à leurs ancêtres dans les ghettos d’Europe. Si beaucoup de ces derniers sont d’une sensibilité politique de gauche, on peut dire de façon plus générale que les minorités et les peuples opprimés se reconnaissent dans la résistance contre l’exclusion, contre le racisme et contre l’oppression. D’où les sentiments de solidarité à l’égard des Palestiniens. Quoi qu’il en soit, dans la communauté juive, la question palestinienne ne laisse personne indifférent. »
Richard Wagman, Juif canadien né en 1953, est d’origine roumaine par sa mère et polonaise par son père. Ses grands-parents sont allés au Canada pour échapper aux persécutions antisémites quelques années avant la prise du pouvoir par Hitler en Allemagne. Le reste de la famille a été exterminé à Auschwitz. De mère croyante (mais non pratiquante) et de père athée, yiddishophone et militant de gauche, Richard Wagman est le pur produit d’une ambiance familiale juive laïque progressiste. Polyglotte et titulaire d’une licence en lettres de l’Université York de Toronto, Richard Wagman a immigré en France en 1990 où, quatre ans plus tard, il a fondé l’Union juive française pour la paix (UJFP). Cette association est née comme section française de l’Union juive internationale pour la paix, puis est devenue membre fondateur de la fédération des Juifs européens pour une paix juste (EJJP). Richard Wagman est aujourd’hui président d’honneur de l’UJFP. Il est également traducteur, militant politique, père de famille, journaliste occasionnel, internationaliste devant l’Éternel, cycliste qui ne tourne pas en rond et écrivain digne de ce nom.
La Palestine, une question juive par Richard Wagman, préface de Michel Warschawski, 358 pages, publié chez Edilivre, 24,50 €.