Grégoire Chamayou
Agrégé de philosophie, Grégoire Chamayou est chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Cerphi ENS Lyon.
368 pages – 14 euros
ISBN978-2-35872-047-2
Rapide note de lecture
Lisez La théorie du drone après l’excellent Les chasses à l’homme du même auteur. Car le drone est la nouvelle arme du chasseur-tueur, installé sur la base de Creech, Nevada, d’où il pilote le Predator qui va frapper un convoi en Afghanistan, ou n’importe où ailleurs.
Chamayou nous explique précisément la révolution qu’apporte le drone
tueur : au nom de la lutte contre le terrorisme, c’est l’arme qui abolit la
différence entre armée et police, entre guerre et paix, entre civil et
combattant.
Dans le bouleversement théorique et pratique qu’apporte la prééminence du drone tueur dans la stratégie impériale, il fallait une philosophie nouvelle, et c’est Israël qui l’a fournie. En 2005, Asa Kasher, professeur de philosophie à l’université de Tel Aviv (non, ce n’est pas un pseudo, la philosophie Kasher s’enseigne à Tel Aviv), et le major général Amos Yadlin cosignent un article sur « l’éthique militaire dans le combat contre la terreur », avec l’ambition de réviser de fond en comble les principes établis de l’éthique et du droit des conflits armés. Dans la conception ordinaire, l’Etat a un ensemble de devoirs plus faible à l’égard des combattants qu’à l’égard des non-combattants. « Quelle immoralité ! », pensent les auteurs philosophes. « Un combattant est un citoyen en uniforme ! ». Il a droit aux mêmes égards, et d’abord les combattants de votre propre Etat. Ainsi, la guerre à zéro mort trouve ses lettres de noblesse, quitte à devoir supporter (justifier)
les dégâts collatéraux. « Plomb durci » est une guerre humanitaire, et Tsahal l’armée la plus éthique du monde. Nous ne pointons là qu’une des « entrées » dans la réflexion stimulante que nous propose Chamayou. Sachez que vous y trouverez aussi des pistes pour combattre ce monde orwellien où la guerre est menée par le Ministère de l’Amour.
Un grand livre.
AR