Lundi 29 décembre 2014
Une initiative d’Israël consistant à exploiter un groupe d’orphelins palestiniens de Gaza pour redorer son image entachée de sang s’est retournée contre lui dimanche lorsque le Hamas, le mouvement palestinien de résistance politique et militaire, y a mis un terme.
Un groupe d’enfants dont les parents avaient été tués lors de l’assaut de Gaza par Israël l’été dernier ainsi que plusieurs adultes accompagnateurs étaient sur le point de passer le poste-frontière d’Erez, dimanche, pour être accueillis par des dignitaires israéliens et une foule de représentants des médias.
Mais les responsables du Hamas ont stoppé cette visite. Selon un communiqué publié sur Facebook par le ministère de l’Intérieur de Gaza, les services de sécurité ont empêché « 37 enfants de martyrs de se rendre sur les terres occupées en 1948 [Israël] pour une visite suspecte de plusieurs colonies et de plusieurs villes occupées ». Le communiqué ajoute que des mesures ont été prises « pour protéger la culture de nos enfants et de nos gens et les préserver de la politique de normalisation ».
Il semble que les enfants, s’ils étaient les outils de cette initiative, n’en étaient pas la cible. En effet, cette visite a été conçue par un voyagiste israélien profondément engagé dans les colonies de Cisjordanie occupée, en étroite collaboration avec le gouvernement israélien.
Elle impliquait également des homologues palestiniens d’Israël ayant des liens avec le parti Likoud au pouvoir et avec l’establishment politique sioniste.
Il est peu probable que l’organisation non gouvernementale de Gaza qui a aidé à coordonner ce projet ait été au courant de ces faits quand elle a accepté d’y participer.
Une propagande en or
Il était prévu que les enfants visitent la ville palestinienne de Kafr Qasim et celle de Rahat, lieu de la sédentarisation forcée de Bédouins. Ils devaient également être reçus par l’autorité dirigeante palestinienne de facto à Ramallah, Mahmoud Abbas.
Mais ce séjour d’une semaine aurait également fourni à Israël des occasions inestimables de photo d’enfants de Gaza heureux, souriant sur fond du zoo de Ramat Gan, en banlieue de Tel Aviv, ainsi que dans plusieurs colonies israéliennes.
Cette propagande aurait fourni un contrepoint fort aux images indélébiles d’enfants parmi les plus de cinq cents tués et les milliers blessés et terrorisés par l’attaque d’Israël.
Les médias et les responsables des relations publiques israéliens ainsi que des médias internationaux sympathisants, y compris la BBC et l’AP, ont présenté l’action du Hamas comme empêchant de malheureux orphelins de faire ce que Reuters a appelé « une rare visite de bonne volonté de l’État juif ».
Exploiter des orphelins
De nombreux intervenants sur les médias sociaux ont noté que des défenseurs d’Israël, qui soutiennent pleinement le siège de Gaza ainsi que les restrictions qui empêchent régulièrement les étudiants, les patients médicaux et les proches de prisonniers palestiniens de passer le poste-frontière d’Erez, étaient soudainement outrés que ce groupe particulier d’enfants ait été stoppé.
Marian Houk, une journaliste qui vit actuellement à Ramallah, a déclaré qu’elle trouvait « difficile à comprendre » la décision d’Israël de permettre à des orphelins de visiter « des kibboutz, un zoo » et de rencontrer Mahmoud Abbas, alors que l’on venait de « refuser de permettre à un homme de Gaza de rendre visite à son fils de 18 mois agonisant en Cisjordanie, ainsi que d’assister aux funérailles ».
L’histoire du refus d’Israël de laisser Bakr Hafi visiter son jeune fils, Emir, qui est décédé le 14 décembre, a été publiée par Haaretz.
Rami Almeghari, de The Electronic Intifada, avait produit l’an dernier un reportage sur le cas d’Amal Samouni, douze ans, qui a des éclats d’obus dans le crâne depuis l’attaque d’Israël contre Gaza de 2009, et s’est vu interdire le passage par Erez pour se faire traiter en Cisjordanie.
Il va de soi que la nouvelle de cette visite a provoqué un tollé chez les Palestiniens sur les médias sociaux.
Refaat Alareer, écrivain et éducateur palestinien à Gaza, a tweeté : « Je refuserais catégoriquement que mon neveu, dont le père a été assassiné par Israël, aille se faire endoctriner par des Israéliens libéraux ».
En juillet dernier, Alareer a écrit un hommage émouvant à son frère Mohammed, qui jouait un personnage adoré des enfants à la télévision palestinienne et qui a été tué lors des bombardements sans restriction du quartier Shujaiya de la ville de Gaza. « Israël est vulgaire et méprisable au point qu’après avoir assassiné le père de ma nièce Raneem, il projette d’utiliser [des enfants comme] elle pour sa propagande », a ajouté Alareer.
«Regarde, gamin, c’est là que l’artillerie israélienne était basée lorsqu’elle a bombardé ta maison, cool, non? Aime-nous! Nous venons de tuer tes parents », a ironisé @Animer sur Twitter, imaginant un échange entre un des orphelins et ses hôtes israéliens.
Derrière cette visite, un promoteur des colonies
Les médias ont identifié l’organisateur de l’initiative comme étant Yoel Marshak, un fonctionnaire du Mouvement des kibboutz. Les Kibboutz sont des colonies sionistes communautaires dont l’influence et la popularité ont atteint leur sommet au milieu du XXe siècle.
Bien qu’ils aient pris beaucoup de terres aux Palestiniens victimes de nettoyage ethnique en 1948 – atrocités auxquelles de nombreux kibboutzniks ont participé –, les kibboutz ont longtemps joui en Occident d’une image progressiste, voire socialiste, en raison de leur idéologie collectiviste. Cette image a été utilisée pendant des années pour vendre efficacement le sionisme à une audience internationale mal informée ou crédule.
Reuters qualifie Marshak de « militant de la paix », mais « militant du vol de terres » lui conviendrait mieux, à titre d’agent encourageant la colonisation juive en Cisjordanie occupée pour le compte du gouvernement israélien.
Marshak présente l’hébergement des orphelins comme tout à fait désintéressé. « Nous avons lancé ce projet pour semer les graines de la paix », a-t-il dit au journal anglophone Times of Israel.
« Dans quelques années, lorsque ces enfants deviendront les dirigeants de la Bande de Gaza, ils se souviendront de cette expérience positive et sauront qu’ils peuvent vivre en paix, dans deux nations côte à côte. Nous ne sommes pas obligés de nous battre et de tuer, nous pouvons aussi nous embrasser et nous tendre la main de l’amitié ».
Marshak a déclaré au site en langue arabe Lakom que la visite était « le moins que nous puissions offrir à ces orphelins dont les familles ont été tuées par notre armée ».
Il a également nié toute connotation politique dans ce projet.
« En faire un acte politique avant les élections israéliennes [en mars prochain], ce serait exploiter la douleur de ces orphelins », a dit Marshak à Times of Israël.
Soutien du ministère de la Défense
Toutefois, dans les médias de langue hébraïque, Marshak se montre plus franc sur la valeur propagandiste des enfants pour contrer la réputation sanglante d’Israël.
« Cette visite n’apportera que des retombées positives : pour ces enfants innocents, qui s’échapperont de la fermeture et au stress pour quelques jours de vacances et un voyage, et pour l’État d’Israël, qui aura l’occasion de montrer les enfants de ceux contre qui il s’est battu, et de gagner ainsi des points dans l’opinion mondiale hostile », a confié Marshak à la publication israélienne Ynet.
« Ce voyage avait pour but de montrer un visage positif d’Israël », rapporte également Haaretz, citant Marshak.
Lorsqu’on lui a demandé « Pour le compte de qui travaillez-vous ? » Marshak a clairement indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un geste individuel, mais d’une initiative bénéficiant du soutien de l’État à un haut niveau.
« Il est important de dire que j’agis – et j’insiste là-dessus – à titre d’agent du Mouvement des kibboutz, et en tant que bénévole, a-t-il déclaré à Ynet. Et d’ailleurs, je n’agis pas seul. Le personnel local du Sud, et les gens des ministères de l’Intégration, de l’Éducation et de la Défense m’ont offert leur collaboration assidue, et nous avons le soutien complet du Secrétaire du Mouvement des kibboutz, Eitan Broshi ».
Aucun Palestinien ne peut se passer le poste d’Erez sans l’autorisation des services de renseignement israéliens, de sorte que le fait même que la visite ait été approuvée confirme l’intérêt de l’État ainsi que sa participation.
« Le Shin Bet [service de sécurité] avait donné le feu vert pour que les enfants et leurs cinq assistantes maternelles entrent en Israël », a déclaré Marshak à l’ AFP.
Des mères bloquées à la frontière
Marshak n’a pas toujours été un partisan des contacts humanitaire et du franchissement des frontières imposées par Israël.
En 2010, Marshak était l’un des organisateurs d’une action visant à empêcher des Palestiniens détenus dans des prisons israéliennes de recevoir des visites familiales.
« Les militants demandant la libération du soldat israélien capturé Gilad Shalit ont bloqué l’accès à la prison de Hadarim, près de Netanya, dans le but d’empêcher les mères de détenus palestiniens de rendre visite à leurs fils », rapportait à l’époque Haaretz.
Marshak est resté imperturbable dans la défense de cette hargneuse punition collective pour atteindre ses objectifs. « Nous voulons lancer le processus et éviter le gel des négociations et la perte de Gilad », a dit Marshak au journal, se référant au soldat de l’occupation israélienne capturé par les combattants de la résistance palestinienne de Gaza en 2006 et relâché en octobre 2011 dans le cadre d’un échange de prisonniers.
Aider au vol de terres palestiniennes
Les allégations de Marshak quant à des appuis à un haut niveau sont tout à fait crédibles. En 2010, Haaretz a rapporté que Marshak dirigeait un groupe de travail du Mouvement des kibboutz pour encourager les soldats israéliens démobilisés à s’installer dans des colonies de la Cisjordanie occupée, en particulier dans la vallée du Jourdain, où la population palestinienne autochtone a été presque complètement chassée par les colons.
Marshak déclarait à Haaretz que des années auparavant, « son unité, en collaboration avec le bureau du Premier ministre, [avait] lancé un projet d’installation de kibboutzniks (membre de kibboutz) dans des baraquements militaires évacués près de Yitav, un kibboutz situé au nord de Jéricho ».
L’objectif, disait Marshak, « était de maintenir les terres de l’État » – enlevées à des Palestiniens – « entre les mains de Juifs et d’assurer la sécurité des personnes envoyées là par l’Etat et par le Mouvement des kibboutz ».
L’année dernière, Marshak a défendu avec force la colonisation israélienne en Cisjordanie occupée, déclarant que même s’il y avait une solution à deux États, cela n’entraînerait pas le démantèlement des colonies qu’il avait contribué à consolider.
« Je ne peux pas imaginer que l’on puisse chasser des centaines de milliers d’habitants de leurs foyers », a déclaré Marshak à la publication israélienne Arutz Sheva.
Des partenaires palestiniens en Israël
Parmi ceux qui attendaient les orphelins du côté israélien du poste-frontière d’Erez, Malik Freij, un citoyen palestinien d’Israël et directeur de « Une bougie pour la paix et la fraternité », une organisation non gouvernementale basée dans la ville de Kafr Qasim.
À Erez, Freij a posé avec une bannière, épinglé à l’autobus israélien qui était censé recueillir les enfants, arborant le nom de son organisation en arabe et en hébreu.
Uniquement en arabe, la bannière arbore « Orphelins de Gaza … nos enfants », et, ajoutant l’insulte à l’injure, « Briser le siège de Gaza ».
Freij a été cité dans de nombreux rapports médiatiques déplorant le blocage des orphelins de la part du Hamas et présentant cette initiative comme étant purement humanitaire.
« Il y avait un plan, qui avait été approuvé par les autorités de Gaza. Il avait été approuvé par (les organismes de] charité [à Gaza] », a affirmé Freij dans une entrevue sur la chaîne de télévision i24.
« Mais malheureusement, il y a des médias ici. Ils disent qu’Israël voulait les utiliser, qu’Israël, après avoir tué les parents, veut utiliser les enfants. Or, il s’agit d’une erreur », a ajouté Freij.
Freij a déclaré aux médias que son organisation avait envoyé des camions d’aide humanitaire dans la bande de Gaza lors de l’agression israélienne l’été dernier, et avait déjà accueilli un petit nombre d’orphelins.
Il s’est montré moins ouvert, cependant, sur les liens son organisation avec les partis sionistes au pouvoir et l’establishment d’Israël.
Selon ses documents officiels d’enregistrement en Israël, Une bougie pour la paix et la fraternité a été fondé par Freij, Yishai Zandani, Jaafar Abdul Khaled Said Sarsour, Chawki Sarsour, Amin Issa et Atif Qrinawi.
Aucun rapport financier ne semble être disponible depuis sa fondation en 2002.
Liens avec le Likoud
Mais ce qui est remarquable, ce sont les liens de plusieurs membres fondateurs d’Une bougie pour la paix et la fraternité avec le Likoud, le parti au pouvoir du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Selon des recherches sur Internet, Yishai Zandani apparait comme une ligue mineure militante du Likoud. Atif Qrinawi, en revanche, a manifesté de beaucoup plus grandes ambitions.
Ancien membre du Likoud, Qrinawi était soixante-septième sur la liste des candidats de ce parti à l’élection de 2006.
Aux élections israéliennes de 2013, Qrinawi s’est présenté à la tête de son propre parti, Espoir pour le changement.
Dans une entrevue avec Reuters, Qrinawi a prédit que son parti allait gagner dix des 120 sièges au parlement d’Israël, balayant ainsi les partis arabes traditionnels (son parti n’a obtenu aucun siège). Il a même proposé de former un pacte électoral « sans précédent » avec le Likoud, ce qui aurait rallié une partie de l’opinion arabe à ce parti.
À la question de savoir s’il aurait été prêt à se joindre à un gouvernement dirigé par Netanyahu et son allié politique primordial, Avigdor Lieberman, particulièrement connu pour son racisme anti-arabe, Qrinawi a répondu : « Je suis prêt à siéger au sein de toute coalition ».
Le bon Arabe
Le directeur d’Une bougie pour la paix et la fraternité, Malik Freij a tenu des propos moins ouvertement politique, mais il y a beaucoup de preuves de sa recherche de faveurs auprès d’Israël.
En 2010, Freij faisait partie – avec Marshak – d’un projet de délégation qui devait se rendre à Gaza appeler à la libération du prisonnier de guerre israélien Gilad Shalit.
Almakan, un site Web qui présente souvent Freij sous un jour sympathique, a révélé qu’en 2012, ce dernier a rendu une visite privée à Shaul Mofaz, chef du parti israélien Kadima.
Le but de cette visite, selon Almakan, était de « féliciter [Mofaz] de sa courageuse décision de se joindre au gouvernement de coalition dirigé par le Likoud ».
Mofaz, chef d’état-major de l’armée israélienne au cours de la seconde Intifada et devenu plus tard ministre de la Défense, est particulièrement connu chez les Palestiniens pour avoir recommandé et fait appliquer la violence massive qui a fauché des milliers de vies palestiniennes. Depuis 2002, les victimes de Mofaz ont tenté, sans succès, de le traduire en justice pour crimes de guerre.
Dans la même veine, en 2009, Freij a écrit un courriel à Marshak pour se présenter et lui faire de serviles félicitations pour l’accès de ce militant de la colonisation à de plus hautes fonctions au sein du Mouvement des kibboutz.
En cherchant à s’attirer les faveurs de personnages comme Mofaz et Marshak, Freij endosse de plein gré un rôle que cultive Israël depuis les années 1950 : celui du « bon Arabe » qui accepte sa place inférieure dans l’ordre établi et est prêt à pactiser avec l’État sioniste. En retour, il obtient un certain statut qui lui permet de redistribuer des faveurs à d’autres Arabes obéissants.
Freij apparaît dans de nombreuses vidéos YouTube, dans lesquelles il promeut ses diverses activités. Dans une vidéo de 2011, par exemple, il se vante d’avoir, en plaidant sa cause auprès du Ministère de la Défense, réussi à obtenir pour une femme palestinienne de Cisjordanie la permission d’entrer en Israël afin d’y épouser son fiancé.
Dans cette vidéo, il prétend que des citoyens palestiniens d’Israël de partout au pays le sollicitent pour ce type d’aide, tout en dénonçant les prétendus échecs des partis politiques arabes existants.
Freij n’a pas répondu à un message envoyé à une adresse de courriel trouvée pour lui en ligne, ni a un appel à un numéro de téléphone associé à son nom. Aucune information sur les coordonnées de l’organisation Une bougie pour la paix et la fraternité n’a été trouvée.
Homologues à Gaza ?
En utilisant son organisme comme couverture pour le projet de voyage des orphelins, Freij semble avoir encore une fois rendu service à l’establishment israélien ; toutefois, ce système nécessitait également la présence d’appuis à Gaza.
Le partenaire d’organisation cette visite prévue était la société de bienfaisance Yaboos, un organisme de services sociaux palestinien établi dans la ville de Rafah, dans le Sud de la bande de Gaza.
Yaboos a fermement démenti que sa participation au projet de visite des orphelins ait eu quelque objectif de « normalisation » ou quelque autre objectif politique. Khalid Abu al-Aramneh, le directeur des programmes et des communications de Yaboos, a déclaré à l’agence de presse Ma’an News que son organisme avait reçu une invitation de la part d’Une bougie pour la paix et la fraternité, une « organisation palestinienne de Kafr Qasim », à parrainer un certain nombre d’orphelins en vue d’une activité récréative qui se tiendrait à Kafr Qasim ,Umm al-Fahm et Rahat – des villes de l’Israël d’aujourd’hui à population principalement palestinienne.
Le simple nom de Kafr Qasim aurait suscité un fort écho nationaliste palestinien : en effet, tout Palestinien sait qu’il s’agit du site du tristement célèbre massacre de dizaines de villageois non armés par les forces israéliennes, en 1956.
Al-Aramneh dit qu’il n’y avait jamais eu, du côté de Yaboos, d’intention de visiter des colonies israéliennes ou de renforcer les liens avec Israël tel que les médias israéliens l’ont affirmé. Il a ajouté qu’en réponse à l’invitation, son groupe s’est coordonné avec les « autorités concernées » dans la bande de Gaza – presque certainement une référence au Hamas – afin d’organiser le Voyage des enfants désignés par Yaboos.
Selon Al-Aramneh, une fois que l’autocar transportant les enfants a atteint le côté gazaoui de la frontière et que les médias israéliens ont commencé à mentionner que les enfants se rendraient dans des colonies israéliennes, le conseil d’administration de son organisme a décidé, « après plusieurs consultations », d’annuler la visite, étant donné que les « services de sécurité au poste frontière ont circonscrit leur position en leur conseillant de ne pas effectuer ce voyage ».
Plus tôt en décembre, Lakom, un site web en langue arabe hébergé en Israël, a publié l’image d’une lettre du conseil d’administration de Yaboos se réjouissant de l’invitation d’Une bougie pour la paix et la fraternité et envoyant des salutations de la population de Gaza à leurs homologues à Kafr Qasim.
Bien que le texte soit difficile à lire en raison de la mauvaise qualité de l’image, cette lettre datant d’octobre s’adresse à Une bougie pour la paix et la fraternité et aux gens de Kafr Qasim comme à des homologues palestiniens liés par « le sang des martyrs et le sol de la nation ».
La lettre précise que les enfants orphelins se rendraient au « village de Kafr Qasim », aucune autre destination n’étant mentionnée.
Cette lettre ne fait aucune référence ni ne fait foi d’aucune connaissance d’une quelconque participation d’organisations sionistes ou d’une quelconque « bonne volonté » envers Israël. Elle confirme les propos d’al-Aramneh quant la perception de Yaboos de cette initiative comme constituant uniquement un geste de solidarité de Palestiniens d’Israël envers les Palestiniens de Gaza, en dehors de tout lien avec des entités sionistes.
Les explications de Yaboos combinées avec la preuve que constitue la lettre mènent à la conclusion que cet organisme caritatif a effectivement été pris au piège d’une manipulation.
Il convient par ailleurs de noter qu’aucune organisation de Gaza ne pourrait s’associer sciemment et publiquement à une visite appuyée par des responsables israéliens et des organismes de colonisation tels que le Mouvement des kibboutz tout en espérant maintenir une crédibilité et des appuis à l’échelle locale.
Hasbara
S’il est clair que Marshak travaillait – comme il dit lui-même – en collaboration avec le gouvernement israélien, il est difficile de déterminer où le plan d’instrumentalisation des orphelins a pris naissance.
L’agence juive de propagande en ligne omniprésente Avi Mayer a immédiatement recouru à Twitter pour tenter de minimiser tout rôle officiel israélien ou toute intention d’utiliser les enfants pour la hasbara, la propagande officielle.
« Ce qui est remarquable au sujet de cette incroyable initiative humanitaire, c’est que les organisateurs n’avaient fait absolument aucun effort pour attirer l’attention sur elle », a tweeté Mayer.
« L’idée risible selon laquelle ce voyage aurait été un stratagème israélien de relations publiques est démentie par le fait que personne ne savait rien de ce projet avant que le Hamas l’anéantisse », a-t-il ajouté.
Cette capture d’écran de la vidéo affichée par le site en langue arabe hébergé en Israël Lakom montre une foule de journalistes attendant les orphelins de Gaza du côté israélien du poste-frontière d’Erez.
Ce que Mayer n’a pas pu expliquer, c’est pourquoi tous les journalistes rassemblés du côté israélien d’Erez avaient prévu d’être là pour attendre les enfants.
En outre, tout préavis sur cette visite « humanitaire » aurait eu un résultat entièrement contre-productif – qui s’est d’ailleurs avéré –, à savoir l’annulation.
Les fruits de la propagande impliquant les enfants n’auraient été recueillis qu’une fois que ceux-ci auraient franchi le poste d’Erez.
Pour la même raison, le Mouvement des kibboutz n’a pas envoyé l’invitation directement à la société caritative de Gaza, mais a recouru à l’organisme Une bougie pour la paix et la fraternité, relié au Likoud, comme vitrine palestinienne en apparence patriotique.
Bien que ce stratagème cynique ait échoué, les propagandistes d’Israël essaient d’en tirer le meilleur parti, notamment par l’entremise de Mayer, qui fustige l’« incroyable cruauté » du Hamas pour avoir interdit la visite.
Au final, ce qui demeure inchangé, c’est que 900 000 enfants – la moitié de la population de Gaza – vivent encore sous un siège implacable, dans des conditions en détérioration.
Emprisonnés comme ils le sont dans un ghetto, les enfants de Gaza se voient accorder par Israël encore moins de droits que les animaux de zoo de Tel-Aviv, que les orphelins n’auront pas eu la chance de voir.
Avec nos remerciements à Dena Shunra pour son aide à la recherche et à la traduction.
Traduction Françoise M. pour l’Agence Média Palestine
Source : Electronic Intifada