« Je voudrais jeter quelque lumière sur la situation difficile d’un peuple assiégé ».
Note de l’éditeur : Quand l’Assemblée générale de l’ONU a voté le relèvement du statut de la Palestine au niveau d’État observateur non membre le 29 novembre dernier, bien des gens ont été secoués au discours de Roger Waters à l’ONU. Son discours a été remarquable, pour son plaidoyer en faveur du principe d’autodétermination, sa justification de la résistance palestinienne à l’occupation – « Nous tous, nous résisterions, même le Président Obama », a-t-il déclaré – et sa demande à faire connaître le conflit à la population des États-Unis. Particulièrement à celle de New York où vit Waters, dont il dit qu’elle est : une communauté « paroissiale », « coupée par la propagande et le privilège des réalités de la situation désespérée des Palestiniens ». Hier, le Tribunal Russell sur la Palestine, au nom duquel s’exprimait Waters, nous en a adressé une transcription. La voici.
Monsieur le Président, vos Excellences, Mesdames et Messieurs
Je vous suis très reconnaissant de me recevoir en ce moment de solidarité et de crise. Je suis musicien, pas diplomate, aussi je ne vais pas gaspiller cette précieuse occasion avec des subtilités de protocoles. Cependant, j’ai pensé que vous deviez tous, dans une certaine mesure, être las à force d’écouter, aussi alors que j’étais là, assis à écouter, j’ai revu mon discours, assez long, pour en faire un discours plus court, toutefois je crois que le texte intégral sera disponible pour tous ceux qui seront intéressés, à la fin de cette réunion.
Je me présente devant vous en tant que représentant du quatrième Tribunal Russel sur la Palestine, et à ce titre, je représente la société civile du monde. En guise de préambule, je me dois de vous dire que mon intervention ici, aujourd’hui, n’est ni personnelle ni guidée par des préjugés ou la vindicte, je voudrais seulement jeter quelque lumière sur la situation difficile d’un peuple assiégé. Le Tribunal Russel sur la Palestine a été créé pour faire cette lumière, pour demander des comptes sur les violations du droit international et sur le manque de détermination des Nations-Unies qui empêchent le peuple palestinien de réaliser ses droits inaliénables, particulièrement celui à son autodétermination. Ce qui surtout nous a poussés à nous réunir, c’est l’incapacité inquiétante de la communauté internationale à appliquer et faire respecter la décision de la Cour de Justice internationale de 2004, inscrite dans son avis consultatif sur le Mur israélien, et comme demandé par les Nations-Unies.
Nous nous sommes réunis ici, à New York, il y a six semaines, les 6 et 7 octobre, après avoir envoyé des invitations à toutes les parties intéressées. Après avoir écouté le témoignage exhaustif de nombreux témoins experts, et après une délibération approfondie, nous sommes arrivés aux conclusions suivantes.
Nous avons constaté que l’État d’Israël est coupable d’un certain nombre de crimes internationaux.
1 – Celui d’apartheid. La Convention internationale de l’ONU sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid définit ce crime comme les actes inhumains d’un gouvernement, « commis dans le but d’instituer ou d’entretenir la domination d’un groupe racial d’êtres humains sur n’importe quel autre groupe racial d’êtres humains et d’opprimer systématiquement celui-ci ». Comme vous le savez tous, les actes prohibés incluent les arrestations arbitraires, les mesures législatives qui discriminent dans les domaines politiques, sociaux, économiques et culturels ; les mesures qui divisent la population sur des critères raciaux, et la persécution de ceux qui s’opposent au système d’apartheid. Comme vous le savez, cette conclusion du tribunal a été approuvée plus tôt cette année par le Comité de l’élimination de la discrimination raciale à Genève, à la suite de la soumission des propositions du Tribunal, tant orales qu’écrites.
2 – Celui de nettoyage ethnique. Dans ce cas, ce crime inclut l’éviction systématique, par la force, d’une grande partie de la population palestinienne native depuis 1947-48.
3 – Celui de punition collective d’une population civile, explicitement prohibée par la Quatrième Convention de Genève en son article 33. Israël a failli à son obligation, en tant que puissance occupante des Territoires palestiniens occupés, incluant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est. Ses violations les plus graves ont lieu actuellement à Gaza avec le blocus et l’enfermement de fait de toute la population, elles ont eu lieu avec les massacres aveugles de Palestiniens durant l’offensive israélienne « Opération Plomb durci » en 2008/2009, et récemment, la dévastation par la plus récente des agressions, ironiquement baptisée, « Opération Pilier de la défense ».
Au moment où je vous parle, je peux percevoir la réprobation, dans les propos des gouvernements et des médias, débitant ce mantra bien connu des apologistes, mais « c’est le Hamas qui a commencé avec ses attaques à la roquette, Israël ne fait que se défendre ».
Examinons cet argument. Est-ce le Hamas qui « l’ » a commencé ? Quand « l’ » a-t-il commencé ? La façon dont nous comprenons les faits dépend du moment où nous faisons partir le chrono. Si nous démarrons le chrono au moment où les roquettes sont tirées depuis Gaza sur Israël, un certain après-midi, c’est une version. Si nous démarrons le chrono, plus tôt le matin du même jour, quand un garçon palestinien de 13 ans, a été abattu par des soldats israéliens alors qu’il jouait au football sur un terrain à Gaza, alors l’histoire commence à paraitre un peu différente. Et si on remonte plus loin encore, nous voyons que depuis l’ « Opération Plomb durci », d’après l’organisation israélienne des droits de l’homme, B’Tselem, 271 Palestiniens ont été tués par les bombes, roquettes, drones et avions israéliens, et que dans la même période, pas un seul Israélien n’a été tué. On peut savoir « qui » a commencé, en 1967, avec l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie. L’histoire nous enseigne que l’invasion et l’occupation d’une terre et l’asservissement de sa population provoquent presque toujours une résistance. Demandez aux Français ou aux Hollandais, ou aux Polonais, ou aux Tchèques, la liste est longue.
Cette crise à Gaza est une crise ancrée dans l’occupation.
Israël et ses alliés soutiennent que Gaza n’est plus occupée. Vraiment ? Le retrait des soldats et des colons en 2005 a changé la nature, pas l’existence, de l’occupation. Israël contrôle toujours l’espace aérien de Gaza, ses eaux côtières, ses frontières, son territoire, son économie et la vie de Gaza. Gaza est toujours occupée. La population de Gaza, un million six cent mille Palestiniens dont la moitié sont des enfants de moins de 16 ans, vit dans une prison à ciel ouvert. C’est la réalité qui sous-tend la crise actuelle. Et jusqu’à ce que nous, ce qui veut dire vous aussi, Excellences, vous les gouvernements, et vous l’Assemblée générale, jusqu’à ce que nous prenions la responsabilité de mettre fin à l’occupation, nous ne pouvons même pas espérer que la crise actuelle s’achève. En octobre, les jurés de la dernière séance du Tribunal Russel se sont adressés à ce Comité, il nous a été assuré que nos représentations et rapports seraient portés au niveau de l’Assemblée générale pour le débat général. Si tout se passe bien aujourd’hui, nous pouvons espérer que vous répondrez, Excellences, à cette assurance.
Je me suis écarté brièvement de mon propos, permettez-moi de revenir aux violations israéliennes, que le Tribunal Russel a relevées.
4 – De la violation de l’interdiction de colonies stipulée dans la Quatrième Convention de Genève, particulièrement en son article 49. Les colonies, TOUTES les colonies, ne sont pas simplement qu’un obstacle à la paix, elles sont illégales. Quelle que soit la période. Point. Toutes. Vous, à l’Assemblée générale, et même au Conseil de Sécurité, vous les avez tout au long des années qualifiées d’illégales. Et pourtant elles sont là, une réalité quotidienne où maintenant plus de 600 000 colons israéliens, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupée, violent le droit, tous les matins, simplement en se réveillant, parce que leurs maisons se trouvent sur une terre illégalement expropriée. Il ne suffit pas d’appeler, comme le font certains gouvernements, à mettre fin à l’expansion des colonies ; si nous voulons vivre dans le respect de la loi, c’est à l’entreprise coloniale tout entière qu’il doit être mis fin.
5 – Du crime d’utilisation d’armes illégales. Au cours de l’opération Plomb durci d’Israël il y a quatre ans, des organisations internationales des droits de l’homme ont documenté sur l’utilisation par Tel Aviv de phosphore blanc dans ses agressions contre Gaza. Human Rights Watch constate, et je cite, « Les tirs répétés d’Israël d’obus au phosphore blanc sur des zones densément habitées de Gaza durant sa récente campagne militaire étaient indiscriminés et constituent une preuve de crimes de guerre ». Le phosphore blanc dégage plus de 1500 degrés Fahrenheit. Imaginez ce qui se passe lorsqu’il entre en contact avec la peau d’un enfant. Humain Rights Watch a demandé que les « commandants au plus haut niveau » d’Israël en soient tenus pour responsables. Mais jusqu’à présent, aucun n’en a été accusé. Aucun gouvernement, ni même vous, Assemblée générale des Nations-Unies, n’a tenté de tenir ces commandants israéliens pour responsables. Nous entendons beaucoup dire que les Nations-Unies sont engagées dans « la responsabilité à protéger » les populations vulnérables. Cette « responsabilité à protéger » des Nations-Unies ne doit-elle pas s’étendre à cette population la plus vulnérable, les Palestiniens, emprisonnés dans une prison surpeuplée, assiégée, à ciel ouvert ?
Il y a bien d’autres violations, vos Excellences, mais vous le savez. Vos résolutions tracent l’histoire des violations israéliennes. Vous regrettez, vous déplorez, vous condamnez même ces violations. Mais quand vos résolutions ont-elles été mises en application ? Il ne suffit pas de déplorer et de condamner. Ce dont nous avons besoin, venant des Nations-Unies – de vous, Excellences, de vos gouvernements et de l’Assemblée générale dans laquelle vous siégez – c’est que vous preniez sérieusement votre responsabilité à protéger les Palestiniens qui vivent sous l’occupation et qui sont confrontés chaque jour à la violation de leurs droits inaliénables à l’autodétermination et à l’égalité.
Notre volonté, à « nous, peuples de ces Nations-Unies », c’est que tous nos frères et sœurs doivent être libres de vivre dans l’autodétermination, que les opprimés doivent être libérés de leur fardeau, qu’ils puissent avoir recours à la loi, et qu’il soit exigé des oppresseurs de rendre des compte de par cette même loi.
En 1981, j’ai écrit une chanson qui s’appelle The Gunner’s Dream et qui a été diffusée sur un album des Pink Floyd, The Final Cut , la chanson prétend exprimer le rêve mourant d’un mitrailleur de la RAF alors qu’il chute vers sa mort avec son avion endommagé sur un coin de terre étrangère. Il rêve d’un avenir pour lequel il est en train de donner sa vie. Je cite :
Un endroit où vivre
Suffisamment à manger
Quelque part où les vieux héros traînent sans danger dans les rues
Où tu peux clamer haut et fort
Tes doutes et tes peurs
Et encore mieux, personne ne disparaît jamais
Tu n’entends jamais leurs sujets bateaux frapper à ta porte.
Tu peux te détendre des deux côtés de la piste
Et les maniaques ne tuent pas les membres d’un groupe par télécommande
Et tout le monde a recours à la loi
Et plus personne ne tue d’enfants,
Et plus personne ne tue d’enfants.
En 1982, et encore en 1983, l’Assemblée générale a voté des résolutions tenant Israël pour responsable de ses violations. Ces résolutions appelaient à un embargo total sur les armes à Israël et à la cessation de l’aide militaire et du commerce avec Israël. Ces résolutions n’ont jamais été appliquées. Nous ne nous attendions pas à ce que les États-Unis, ou mon propre gouvernement, je suis du Royaume-Uni soit dit en passant, mettent en œuvre ces résolutions de l’AG ; les USA donnent à Israël 4,1 milliards de dollars chaque année pour renforcer une armée déjà pléthorique. Selon le FMI, Israël est le 26e pays le plus riche au monde, et Israël est le seul État doté d’armes nucléaires au Moyen-Orient ; pourquoi des gouvernements doivent-ils lui donner de l’argent pour d’autres d’armes. Ça me dépasse. Mais qu’ils le fassent ne libèrent pas les autres gouvernements de leurs obligations d’appliquer ces résolutions sur les embargos sur les armes.
Jamais un tel embargo n’a été imposé. Alors, c’est la société civile qui a pris les devants. Suite à l’appel de la société civile palestinienne de 2005, des mouvements sociaux, des militants, et de plus en plus d’institutions religieuses, et même certaines autorités gouvernementales locales à travers le monde, ont créé la Campagne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions. Cette campagne vise, comme beaucoup d’entre vous le savent, à effectuer une pression économique non violente sur Israël pour l’obliger à mettre fin à ses violations, fin à l’occupation et à l’apartheid, fin à son déni du droit au retour des Palestiniens, et fin à la situation des Palestiniens d’Israël, obligés de vivre comme des citoyens de seconde zone, discriminés sur des critères raciaux et soumis à des lois différentes de celles de leurs compatriotes juifs. Le mouvement BDS gagne du terrain et à grands pas. Juste la semaine dernière, j’ai eu le plaisir d’adresser une lettre de soutien au gouvernement des étudiants de l’université de Californie, à Irvine, pour les féliciter d’avoir exigé de leur université qu’elle se désinvestisse des sociétés qui tirent profit de l’occupation israélienne. De plus, l’été dernier, je suis allé à Pittsburg pour assister à l’assemblée générale des Églises presbytériennes des États-Unis, laquelle assemblée a voté une résolution de désinvestissements de chez Motorola, Caterpillar et Hewlet Packard, ce qui aurait été impensable il y a dix ans. Pour citer le grand Bob Dylan, « les temps changent ».
Revenons à aujourd’hui.
Vous, les membres de l’Assemblée générale, vous allez avoir bientôt l’occasion de voter pour élever le statut de la Palestine à l’ONU à celui d’État non membre.
Bien que n’accordant pas une adhésion pleine et entière à l’ONU, cela permettra la reconnaissance par l’ONU de la Palestine en tant qu’État, qui aurait alors le droit de signer des traités ; et, fait décisif, notamment le Traité de Rome en tant que signataire de la Cour pénale internationale.
Il s’agit là d’une occasion capitale, qui s’est préparée ici depuis treize mois. C’est l’un des rares cas où vous, Excellences, pouvez changer le cours et l’image de l’histoire et, en même temps, conforter l’un des principes fondateurs des Nations-Unies, le droit à l’autodétermination. La candidature inclut implicitement les frontières d’avant 1967, l’intégrité de Jérusalem-Est, une Gaza autonome et la diaspora des réfugiés.
Elle est capitale parce qu’il y a déjà plus de 132 membres qui ont reconnu la Palestine en tant qu’État et que d’autres membres se dévoilent de jour en jour. Et, maintenant, juste cette semaine, le Hamas lui apporte son soutien.
Je vous invite à considérer deux points. Tout d’abord, je vous prie de résister aux pressions que de puissants gouvernements exerceraient sur vous afin de faire échouer ou reporter cette question ; malheureusement, ce lieu vénéré où nous sommes a une histoire de coercition. Aucun gouvernement, riche ou puissant, ne devrait être autorisé à utiliser son poids financier ou militaire pour mettre de côté la politique des Nations-Unies en achetant d’autres États, sur cette question comme sur toute autre question.
Deuxièmement, ne pas prendre le vote pour un statut d’État comme le dernier respect de vos obligations ; la responsabilité de l’Assemblée générale dépasse de loin les technicités des Nations-Unies, elle doit inclure une protection véritable pour les Palestiniens sous occupation et une réelle responsabilisation pour les violations du droit. Vous avez des pouvoirs dont vous ne vous servez pas. Vous ne devez pas à vous en remettre au Conseil de Sécurité ou à l’attendre.
Dans quelques mois, nous allons commémorer le dixième anniversaire de la mort de Rachel Corrie, cette jeune militante tuée (le 16 mars 2003 – ndp) par un soldat israélien aux commandes d’un bulldozer blindé de chez Caterpillar, alors qu’elle essayait de protéger la maison d’un pharmacien palestinien et sa famille à Rafah, à la frontière de Gaza. Les militants internationaux comme Rachel Corrie, Tom Hurndall et James Miller ont pris des risques, ils l’ont fait, et eux, avec leurs familles, en ont payé et en paient le prix suprême, et ce, parce que la communauté internationale – vos gouvernements et les Nations-Unies elles-mêmes – a failli dans la protection de la population palestinienne vulnérable vivant sous cette occupation prolongée. Nous sommes fiers, même si les larmes nous brûlent les yeux, de l’action de ces jeunes militants et profondément émus par leur sacrifice. Mais nous sommes en colère aussi, de voir nos gouvernements et nos institutions internationales, dont votre Assemblée générale, être incapables d’assurer une protection, ce qui rend nécessaires les sacrifices comme celui de Rachel Corrie. N’oublions pas non plus les milliers de courageux Palestiniens anonymes et leurs frères et sœurs d’armes israéliens (ceux du boycott de l’intérieur) qui manifestent dans la non-violence chaque semaine pour le simple droit à une vie humaine ordinaire. Le droit de vivre dans la dignité et la paix, d’élever leurs familles, de labourer leurs terres, de construire une société juste, de voyager à l’étranger, d’être libéré de toute occupation, d’aspirer aux buts de tout un chacun, tout comme nous tous.
En parlant de nous justement, je vis ici, dans la ville de New York. Nous formons un groupe quelque peu paroissial, nous les New-Yorkais, dans une large mesure coupés par la propagande et le privilège des réalités de la situation désespérée des Palestiniens. Peu d’entre nous comprennent que le gouvernement des États-Unis d’Amérique, en particulier avec son droit de veto au Conseil de Sécurité, protègent Israël de la condamnation de la société civile mondiale que j’ai l’honneur de représenter ici aujourd’hui.
Même pendant que les bombes pleuvaient sur les un million six cent mille personnes de la bande de Gaza, le Président des États-Unis d’Amérique réaffirmait sa position en disant, « Israël a le droit de se défendre ».
Nous connaissons tous la portée et la puissance de la capacité militaire d’Israël et les effets meurtriers de ses actions. Alors, qu’a donc voulu dire le Président Obama ? A-t-il voulu dire qu’Israël a le droit d’occuper indéfiniment toute la région, qu’Israël a le droit d’expulser par la force les populations des territoires qu’il occupe, maison par maison, village par village ? A-t-il voulu dire que dans ce cas précis, Israël a le droit de mener des campagnes de nettoyage ethnique et d’apartheid, et que les U.S.A. protégeront le droit d’Israël à faire ainsi ? A-t-il voulu dire qu’Israël a le droit de construire des routes en territoire occupé, protégées par des barbelés, des murs en béton, des caméras de vidéo-surveillance et des mitrailleuses pour protéger les résidents des colonies juives et eux seuls ? A-t-il voulu dire que les bombardements aveugles et meurtriers, utilisant notamment le phosphore blanc, sur la population civile de Gaza, par une force militaire d’une supériorité écrasante, se justifiaient par des motifs de défense ?
Les Palestiniens sont un peuple antique, intelligent, cultivé, hospitalier et généreux. Et naturellement, ils ont la fierté, et ils résisteront à l’occupation de leur terre et défendront leurs épouses et enfants, et leurs biens au mieux de leurs moyens. Qui ne le voudrait pas ? Vous le voudriez, vous ? Et moi, le voudrais-je ? Le Président Obama le voudrait-il ? On ose l’espérer. Ce serait son devoir. Imaginez le district de Washington, emmuré, devenu une prison et surtout un tas de décombres sous les attaques répétées. Nul n’est autorisé à y entrer ou à en sortir. Des coupures d’électricité incessantes, des canonnières étrangères sur le Potomac tuant les pêcheurs, des avions de combat lançant des frappes aériennes chirurgicales du haut de leur impunité, éliminant tout aussi bien des membres de la résistance que des femmes et des enfants.
Il y a plus d’une génération, l’Assemblée générale a voté la résolution 2625 qui traite du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes. Elle reconnait que quand un peuple est confronté « à toute mesure coercitive » qui les prive de ces droits, ils ont le droit « d’agir contre et de résister » à un tel usage de la force. Si la communauté internationale n’assume pas sa « responsabilité à protéger », les Palestiniens doivent endosser eux-mêmes cette responsabilité.
Cela ne veut pas dire que je soutiens les tirs de missiles sur Israël. Par droit légal internationalement reconnu à la résistance, on entend l’attaque sur toute cible militaire engagée dans l’occupation illégale. Mais soyons clairs, nous croyons dans Le Droit comme indispensable et rendu de façon juste. Le lancement de roquettes non guidées sur Israël, où la plupart des cibles probablement seront des civils, n’est pas une forme légale de résistance.
De nombreux militants de la société civile, dont beaucoup de Palestiniens et Israéliens, sont engagés dans la résistance non violente. Le mouvement BDS, qui s’est propagé depuis la société civile palestinienne à des militants du monde entier, fait partie de cette résistance non violente et je le soutiens de tout cœur, mais précisons bien que la disparité des forces, la réalité de l’occupation et la réaction de l’occupé, sont la réalité à laquelle nous sommes confrontés, à moins que de trouver un recours dans le droit international et d’y assujettir toutes les parties. En attendant, permettez-moi de rappeler un peu la rhétorique, et de répondre à « Israël a le droit de se défendre » d’un point de vue juridique et historique.
Ex injuria jus non oritur
« Un droit légal ou un titre légal ne peuvent résulter d’une injustice ».
Si nous voulons nous opposer à toutes les formes de violence, tant par l’occupant que par la résistance violente de l’occupé, nous devons chercher à mettre fin aux causes profondes de la violence. Dans ce conflit, cela signifie mettre un terme à l’occupation, à la colonisation, au nettoyage ethnique par Israël et à son déni du droit à l’autodétermination comme des autres droits inaliénables du peuple palestinien de par la Charte des Nations-Unies et les autres principes du droit international.
Ainsi pour l’avenir
Le Hamas, après avoir abandonné son exigence initiale de démantèlement d’Israël dans la perspective des élections, a été élu démocratiquement en janvier 2006, dans des élections jugées libres et honnêtes par les observateurs internationaux présents, et parmi eux, l’ancien Président des U.S.A., Jimmy Carter. Les dirigeants du Hamas ont fait connaître leur position maintes et maintes fois. Elle est la suivante : le Hamas est ouvert à une paix permanente avec Israël s’il y a un retrait total sur les frontières de 1967 (22 % de la Palestine historique), accord à confirmer par un référendum auprès de tous les Palestiniens vivant sous l’occupation. Je sais bien que vous tous, vous savez cela, mais là où je vis, ils ne le savent pas, ils ne savent pas ce qu’est la position du Hamas. Alors, je suis en train de leur dire.
Monsieur le Président, Excellences, amis. Nous sommes tous ici pour la même raison. Nous sommes tous attachés aux droits humains, au droit international, au caractère central des Nations-Unis et à l’égalité pour tous, y compris pour les Palestiniens. Nous participons tous à cette réunion du 29 novembre qui marque la Journée internationale de la solidarité de l’ONU avec le peuple palestinien.
Mais il me semble à moi, que notre commémoration d’aujourd’hui ne peut suffire.
Alors que faire d’autre ? Le champ de bataille est ici, au siège des Nations-Unies, et en même temps en plein milieu de New York, avec l’accès aux médias. La bataille est sur deux fronts :
1 – Continuer le travail d’information de la population américaine sur la réalité du conflit israélo-palestinien, et plus spécialement sur le rôle de son gouvernement, pays d’accueil des Nations-Unies, qui utilise les impôts des contribuables pour financer et rendre possibles les violations d’Israël. Pour lui rappeler les milliards de dollars d’aides militaires annuelles, la protection absolue d’Israël aux Nations-Unies, à la Cour pénale internationale et ailleurs pour assurer son impunité dans ses crimes de guerre et ses possibles crimes contre l’humanité, pour bien faire comprendre au « peuple des États-Unis d’Amérique » que ces attachements contestables restent la pièce centrale de la politique de son gouvernement au Moyen-Orient.
2 – Tout aussi important, nous devons traiter, au bout du compte, d’une sérieuse réforme des Nations-Unies Les Nations-Unies doivent s’engager dans une nouvelle démocratie. Le droit de veto doit être repensé, ou alors les Nations-Unies vont disparaître. L’utilisation du veto comme outil stratégique par l’un ou l’autre des membres permanents du Conseil de Sécurité est maintenant dépassé. Le droit de veto détenu simplement par cinq nations tourne en dérision la prétention de démocratie, de l’idée que « la volonté des peuples » est représentée ici. Le système est trop ouvert aux abus. La protection générale accordée à Israël par l’utilisation états-unienne du droit de veto, est un cas de ce type d’abus. Par exemple, en 1973, cela a bloqué une résolution réaffirmant les droits de Palestiniens et exigeant le retrait des territoires occupés, et une autre en 1976, appelant au droit à l’autodétermination pour les Palestiniens et encore deux en 1997, appelant à la cessation des constructions dans les colonies de Jérusalem-Est et les autres territoires occupés. Et il y en a beaucoup d’autres.
Je vous exhorte, vous, Assemblée générale, à agir collectivement pour arracher le retour du pouvoir au peuple afin d’aider à progresser vers un organisme plus démocratique, à mieux être en mesure de répondre aux hautes aspirations de cette grande institution, à mieux représenter la volonté des peuples de ces grandes Nations-Unies.
Vous, Assemblée générale, vous représentez la composante la plus large, la plus démocratique des Nations-Unies. Ni les États-Unis, ni la Chine, ni la France, ni la Russie et ni le Royaume-Uni n’ont de droit de veto ici. Ce qu’il faut, c’est la volonté politique. Vous pouvez prendre les décisions, et décider des actions, celles que le Conseil de Sécurité ne peut pas, ou ne veut pas prendre et décider. La Charte des Nations-Unies commence par ces mots, « Nous, peuples des nations unies ». Et non par, « Nous, gouvernements ». Je vous exhorte, au nom des peuples de vos pays, au nom des peuples de tous les pays, en fait au nom de tous les peuples de cette terre, de notre terre commune, je vous exhorte à agir.
Saisissez-vous de ce moment historique.
Soutenez le vote d’aujourd’hui pour le statut amélioré d’État observateur palestinien en tant qu’étape vers une adhésion pleine et entière. Et affirmez que le maintien d’Israël comme membre des Nations-Unies dépend de la réforme de son régime illégal d’apartheid.
Je vous remercie
Roger Waters
29 novembre 2012
Intervention de Roger Waters à la session du 29 novembre 2012 devant l’Assemblée générale des Nations-Unies :
Article original en anglais sur le site de Mondoweiss
texte de la chanson en français : Seedfloyd, Pink Floyd, la musique et le reste !
traduction du discours : Info-Palestine/JPP