La quatrième et dernière session internationale du Tribunal Russel sur la Palestine aura lieu à New York, les 6, 7 et 8 octobre 2012. L’occasion de continuer de populariser cette campagne qui, sur la base d’arguments juridiques, cherche à dénoncer l’occupation et la colonisation de la Palestine, tout autant que les crimes contre l’humanité commis par Israël. Présentation de la campagne.
1. Qu’est-ce qu’un « Tribunal Russell » ? Pourquoi ce nom ?
L’appellation « Tribunal Russell » vient du nom de Bertrand Russell (1872-1970), mathématicien, philosophe et militant gallois.
Connu pour sa défense du rationalisme et du matérialisme ainsi que pour ses prises de positions pacifistes, Russel reçut le Prix Nobel de Littérature en 1950 pour sa fidélité à l’humanisme et à la libre pensée. Aujourd’hui, Bertrand Russel est l’une des références intellectuelles de militants pacifistes et libertaires, dont Noam Chomsky, qui le cite souvent.
En 1966, suite à la publication de son livre Crimes de guerre au Vietnam, Bertrand Russel organise un tribunal d’opinion jugeant les crimes de guerre de l’armée américaine. Il en sera le président honoraire et Jean-Paul Sartre le président exécutif. De nombreuses autres personnalités, dont Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir font partie des jurés.
Le Tribunal Russell est donc un tribunal d’opinion qui a servi à dénoncer, en prenant appui sur le droit international, les crimes commis par les Etats-Unis. Des juristes spécialisés dans le droit international peuvent ainsi remettre leur avis au jury de personnalités qui dirigent et font connaître le procès (Russell explique vouloir « prévenir le crime du silence »). Si les sentences prononcées ne peuvent prendre effet, les avis émis sont basés sur la législation réelle et remis aux autorités.
D’autres tribunaux d’opinion (eux aussi appelés « Tribunaux Russell ») se sont tenus sur le même modèle. Nous pouvons par exemple mentionner le Tribunal permanent des peuples qui, entre 1979 et ces dernières années, s’est penché sur le génocide arménien, la politique du FMI et de la Banque mondiale, la situation au Tibet, le droit d’asile en Europe ou encore la complicité de multinationales dans différents crimes contre l’humanité.
2. Qu’est-ce que le Tribunal Russel sur la Palestine ?
Sur le modèle des expériences précédemment citées, s’est formé en mars 2009 un Tribunal Russell sur la Palestine en réaction à un appel à la justice en Palestine de Ken Coates (président de la Fondation Bertrand Russell pour la paix), Nurit Peled (lauréate du prix Sakharov pour la liberté de pensée en 2001) et Leila Shahid (déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne). Dans leur appel, ces personnalités affirment leur but : « mobiliser les opinions publiques pour que les Nations unies et les États membres prennent les mesures indispensables pour mettre fin à l’impunité de l’État d’Israël, et pour aboutir à un règlement juste et durable de ce conflit ».
En se basant sur le droit international, le tribunal se donne pour but de statuer sur plusieurs enjeux :
– l’échec de la communauté internationale à appliquer l’avis consultatif de 2004 de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur la construction du mur en Territoire palestinien occupé,
– l’absence de l’application de la résolution ES-10/15, qui confirme l’avis de la CIJ, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 juillet 2004,
– l’attaque d’Israël contre Gaza en décembre 2008 et en janvier 2009.
Le tribunal a tenu sa première session les 1, 2 et 3 mars 2010 à Barcelone et « s’est penché sur les complicités et manquements de l’Union européenne et ses Etats membres dans la prolongation de l’occupation des Territoires palestiniens et les violations par Israël des droits du peuple palestinien ». Lors de l’inauguration en présence de Stéphane Hessel, le tribunal a affiché son objectif : « réaffirmer la primauté du droit international comme base du règlement du conflit israélo- palestinien ».
Le 20 novembre 2010 à Londres – sur le thème de la complicité des entreprises dans les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par Israël – la question du boycott et de la campagne « Boycott, désinvestissement et sanctions » a été fortement posée par les intervenants, afin de sanctionner notamment les entreprises qui, en dépit des lois, participent à la colonisation de la Cisjordanie ou officient dans les prisons israéliennes.
Une troisième session a été organisée au Cap, en Afrique du Sud. Elle a abordé la question suivante : « Les pratiques d’Israël envers le Peuple palestinien violent-elles l’interdiction internationale de l’apartheid ? ». Après deux jours d’audience, le Tribunal Russell sur la Palestine d’Afrique du Sud a reconnu qu’Israël était coupable de pratiquer l’apartheid en vertu des instruments du droit international.
De plus, il a déclaré qu’Israël avait commis des crimes contre l’humanité sous forme de persécution, notamment par le « déni intentionnel et grave des droits fondamentaux des membres d’un groupe identifiable dans le contexte d’une attaque systématique et répandue contre une population civile ».
Les pratiques illicites énumérées par le Tribunal Russell sur la Palestine vont de l’attaque d’Israël contre Gaza et de son blocus sur ce territoire à la destruction de demeures en raison de l’expansion de la colonisation israélienne, en passant par la construction du mur et l’évacuation par la force des villages bédouins dans la région du Néguev.
Il a exhorté Israël à mettre fin à ses pratiques d’apartheid et à ses politiques de persécution et à verser une compensation aux Palestiniens pour les dommages causés à leur endroit. Il a également exhorté la communauté internationale à coopérer et à exercer des pressions sur le gouvernement d’Israël afin de l’amener devant la justice, de même qu’à exiger du procureur de la Cour pénale internationale qu’il enquête sur les crimes qu’Israël commet dans les territoires occupés et sur son propre territoire.
La quatrième et dernière session internationale aura lieu à New York, les 6, 7 et 8 octobre 2012. Cette session passera en revue l’échec de l’ONU à mettre en oeuvre toutes les résolutions pertinentes qui devraient conduire à la pleine reconnaissance des droits du peuple palestinien. Elle analysera et dénoncera les complicités et omissions des États tiers, en particulier des États-Unis d’Amérique, dans leur refus d’accorder aux Palestiniens les mêmes droits à l’indépendance que les autres nations de la région, y compris Israël.
Une session finale, organisée début 2013, fera la synthèse des différentes audiences. De manière générale, le Tribunal Russell sur la Palestine et ses avis sont perçus comme un moyen d’instruire l’opinion publique et d’appliquer une pression positive sur les décideurs politiques.
3.Qui soutient le Tribunal Russel sur la Palestine ?
Le Tribunal Russell sur la Palestine est composé d’un groupe international élargi de citoyens concernés qui comprend des ONG, des organismes de charité, des syndicats et des organisations confessionnelles. Dans de nombreux pays, des Comités nationaux d’appui au Tribunal Russell sur la Palestine se sont créés, regroupant différentes associations, partis politiques et syndicats. Internationalement, le Tribunal Russell sur la Palestine a reçu le soutien de nombreuses personnalités. De manière non-exhaustive, nous pouvons citer :
– Tariq Ali, écrivain, Royaume-Uni.
– Henri Alleg, journaliste, France.
– Kader Asmal, professeur, ancien ministre, député, Afrique du Sud.
– Étienne Balibar, professeur émérite, France.
– Mohammed Bedjaoui, ancien président de la Cour Internationale de Justice de La Haye, ancien ministre des Affaires étrangères, Algérie.
– Ahmed Ben Bella, ancien président de la République algérienne démocratique et populaire.
– Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU, Égypte,
– Judith Butler, professeure, États-Unis.
– Eric Cantona, sportif, acteur, France.
– Noam Chomsky, professeur au MIT, États-Unis.
– Mairead Corrigan Maguire, Prix Nobel de la Paix 1976, Irlande du Nord.
– John Dugard, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur la Palestine, Afrique du Sud.
– Norman Finkelstein, écrivain, États-Unis.
– Gisèle Halimi, avocate, ancien ambassadeur à l’UNESCO, France.
– Éric Hazan, écrivain et éditeur, France.
– Stéphane Hessel, Ambassadeur de France, France.
– Albert Jacquard, professeur, France.
– Alain Joxe, Directeur d’Études à l’EHESS, France.
– Naomi Klein, écrivaine, Canada.
– Ken Loach, réalisateur de cinéma, Royaume-Uni.
– Radhia Nasraoui, défenseur des Droits de l’Homme, Tunisie.
– Madame Nguyễn Thị Bình, ancienne vice-présidente du Vietnam.
– Ilan Pappe, professeur, Israël.
– Harold Pinter, écrivain, Prix Nobel de Littérature 2005, Royaume-Uni.
– Elias Sanbar, écrivain, Palestine.
– José Saramago, Prix Nobel de Littérature 1998, Portugal.
– Philippe Texier, Magistrat et membre de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, France.
– Desmond Tutu, Archevêque et figure de la lutte contre l’apartheid, Afrique du Sud.
– Michel Warschawski, militant, Israël.
– Betty Williams, Prix Nobel de la Paix 1976, Irlande du Nord.
– Jody Williams, Prix Nobel de la Paix 1997, États-Unis.
– Jean Ziegler, sociologue, Suisse.