Le sel ne perdra jamais son goût

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Les dernières calomnies religieuses et raciales incarnées dans la décision de l’Administration Trump de transférer l’ambassade US à Jérusalem ont jeté du sel dans la blessure toujours ouverte de l’occupation par Israël de la Palestine. Cette manœuvre est une preuve supplémentaire de l’absence de toute légitimité morale, sociale et légale de la position politique des États-Unis sur l’occupation.

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Des manifestants participent à une manifestation contre le Président US Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Nenayahu lors d’une protestation place de la République à Paris, France, le 9 décembre 2017. (Nedim/Anadolu Agency)

Dans la situation actuelle du peuple palestinien et des nations arabes et islamiques, Trump a trouvé exactement ce dont Israël avait besoin pour atteindre ses objectifs : le despotisme arabe est le partenaire approprié pour accomplir cette tâche dangereuse.
Cependant, la décision de Trump, aussi choquante qu’elle puisse être, ne devrait pas être une surprise. En 1990, le Congrès US a accepté de déplacer l’ambassade états-unienne de Tel Aviv dans la Jérusalem occupée ; ceci s’est répété sous le Président Bill Clinton en 1995. La décision comporte trois volets : l’unification de la ville de Jérusalem ; la reconnaissance de toute la ville comme étant la capitale d’Israël ; et le transfert « au bon moment » de l’ambassade. L’Autorité palestinienne a fourni le « bon moment », et de ce fait, elle se trouve dans situation extrêmement embarrassante.
La direction palestinienne est responsable pour avoir accepté la décision reportée sur le sort de Jérusalem quand elle a signé l’accord d’Oslo. Abbas et ses officiels ont été incapables de s’opposer à la politique d’Israël qui consolidait l’occupation et la colonisation par le fait accompli d’une ville de Jérusalem judaïsée, et de l’expansion des colonies de peuplement en Cisjordanie en général, et à Jérusalem en particulier.
Même à ce moment-là, après que la décision de procéder conformément aux souhaits du Congrès a été prise, la réponse de l’Autorité palestinienne n’a pas réussi à aller plus loin que de rejeter la décision de Trump et de l’inviter à faire marche arrière. Aucune mesure concrète visant à faire pression sur Israël ou l’Administration US n’a été prise. Et pourtant, la décision de Trump est basée sur le mensonge et la violation de la législation internationale, elle devrait donc nous fournir l’occasion d’invalider les Accords d’Oslo. C’est le moment de nous dresser contre la vague de la normalisation israélienne du processus d’occupation ; c’est le moment de résister au plan US-israélien qui défigure la région avec leur « accord du siècle ».

Le niveau toujours plus haut du danger pour les Palestiniens – en particulier pour les Jérusalémites – les oblige à lutter pour leur survie ; cette fois, quand même, les dirigeants palestiniens ne doivent pas se cacher derrière les écoliers pour s’engager dans la bataille pour Jérusalem. Nous avons besoin de clarté d’esprit et de développer des directives précises pour mettre en œuvre un programme cohérent de libération nationale. Nous avons besoin de nous fixer de nouveaux objectifs pour œuvrer à la fin de l’occupation et au retraits des colonies, et pas seulement à l’abandon de la décision états-unienne de reconnaître Jérusalem comme la capitale des autorités de l’occupation.

Nous ne pouvons pas faire front aux exigences de cette période dangereuse sans avoir le courage d’admettre nos erreurs passées. Afin de réussir à nous forger une voie nouvelle et efficace, il nous faut analyser notre comportement passé et en tirer les leçons. Les Palestiniens doivent reconnaître qu’Israël n’a jamais voulu, et ne veut toujours pas, s’engager dans un accord politique avec eux impliquant une forme ou autre de retrait d’une quelconque partie de la Palestine occupée. Il nous faut reconnaître que les États-Unis n’ont jamais été, et ne seront jamais, un intermédiaire neutre. L’Autorité palestinienne doit reconnaître l’échec de son approche des négociations au cours des 26 années passées ; reconnaître, effectivement, que ces négociations n’ont servi qu’à légitimer l’occupation et à servir ses buts, ne débouchant sur aucun acquis national, seulement sur de nouveaux abandons des droits et de la morale des Palestiniens.

Les dirigeants palestiniens qui ont été les pionniers de cette approche ratée doivent à présent annuler tout ce qui peut l’être et tout ce qui en découle ; cela inclut la coordination de la sécurité avec les Israéliens, de même que les institutions et les accords, notamment les Accords d’Oslo. Ces dirigeants doivent demander pardon au peuple palestinien avant de quitter leur poste. À l’heure actuelle, il faut que le peuple réactive et réforme l’Organisation de libération de la Palestine de sorte qu’elle puisse prendre les rênes et conduire au but qui doit être le sien d’une véritable libération nationale. Alors c’est seulement quand la direction palestinienne aura pris une direction claire, en considérant Israël tel qu’il est, un ennemi occupant, que nous pourrons faire honte aux autres régimes arabes et musulmans qui parlent d’Israël comme d’un « voisin » ou d’un « allié ». Ce n’est qu’alors que nous serons capables de résister à toutes les initiatives et pressions qui viennent du monde arabe et veulent nous imposer un accord politique injuste.

Les ambassadeurs de l’OLP ont la responsabilité de mobiliser les communautés palestiniennes dans la diaspora et de les inciter à recruter des militants de solidarité dans tous les pays où elles vivent. Avec une bonne direction, cette vague de solidarité sera bientôt soutenue massivement par beaucoup de gens justes dans la communauté internationale.

Nous ne pouvons pas compter sur les régimes officiels. Notre espoir se situe sur le terrain de la volonté populaire et du rôle de la société civile internationale à travers le monde arabe, musulman et libre, pour soutenir une révolte durable. Cette révolte doit partir de la Palestine, mais elle peut se propager internationalement avec le symbolisme de Jérusalem pour impacter directement l’occupation et l’Administration US. Une telle action internationale ne peut se limiter à des manifestations, des ralliements et des protestations ; elle doit englober tous les aspects d’un engagement populaire venant des syndicats, des organisations professionnelles et des autres institutions de la société civile, afin d’intégrer une action parlementaire efficace, au nom de Jérusalem et de la Palestine. Les objectifs de ce mouvement doivent aller au-delà de la mobilisation initiale visant à annuler la décision de Trump sur Jérusalem, vers un vaste programme pour accroître la sensibilisation et rassembler une influence politique pour la libération de la Palestine.

Il ne s’agit pas d’un fantasme héroïque ; l’action qui découle du peuple a déjà fait ses preuves en matière de changements politiques et des pratiques de l’occupation ; l’exemple le plus récent est la décision concernant les portes électroniques de la mosquée Al-Aqsa, où les Israéliens ont dû faire marche arrière, cédant devant la révolte populaire.

La liberté ne concerne pas seulement les opprimé-es, tout comme la santé ne concerne pas seulement les malades et la pauvreté ne concerne pas seulement les pauvres. Jérusalem n’est pas seulement une question palestinienne mais elle concerne aussi tous les Arabes, musulmans et chrétiens, et toutes les personnes justes et généreuses à travers le monde. La communauté internationale a tendance à attribuer la responsabilité de Jérusalem aux Palestiniens, mais tous les mouvements arabes, islamiques et de libération doivent continuer à agir en commun, à se mettre en réseau et à mobiliser pour cette cause. Le but n’est pas seulement de prouver que Trump et ses conseillers ont tort dans leur présomption que la résistance sera temporaire et transitoire, mais aussi de soutenir la révolte populaire palestinienne et de faire pression sur leurs gouvernements pour influencer la politique états-unienne.
De par sa valeur symbolique, la question de Jérusalem peut isoler Israël et les États-Unis, comme nous venons de l’observer dans le vote aux Nations-Unies. Si la colonisation a été établie avec la Déclaration de Balfour, alors qu’elle soit démantelée avec la déclaration de Trump.

La ferveur des Palestiniens ne sera pas altérée par la décision de Trump. Nous avons vu comment Ibrahim Abu Thurayya, ce Palestinien qui a perdu ses deux jambes durant le bombardement israélien de Gaza en 2008, s’est dressé pour protester contre le vol de Jérusalem. Les Palestiniens n’ont pas perdu leur salinité ; en effet, leur sel ne perdra jamais son goût. Nous ne partirons pas de Jérusalem à cause de la décision de Trump ; l’hégémonie US-israélienne n’ébranlera pas notre foi dans notre cause et dans nos droits légitimes à notre patrie. La décision de Trump ne fera qu’accroître notre détermination à affronter la politique israélienne avec tout notre potentiel. Nous inspirerons le sel de la terre pour relever le goût d’une révolution mondiale contre l’occupation israélienne et la domination des États-Unis, jusqu’à ce que toutes les deux soient vaincues.

Dr Samah Jabr – 24 décembre 2017

La docteure Samah Jabr dirige l’unité psychiatrique du ministère de la Santé. Elle est psychiatre et psychothérapeute, professeure clinicienne adjointe, Université George Washington.

Elle est l’auteure du livre « Derrière les fronts – Chroniques d’une psychiatre psychothérapeute palestinienne sous occupation » – http://www.pmneditions.com/?p=463

Traduction : JPP pour les Amis de Jayyous

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