Le Rectorat de Poitiers victime du syndrome de Charles Martel

Un « power point » excentrique est diffusé par le Rectorat de Poitiers aux chefs d’établissements du département de la Vienne pour leur apprendre à reconnaître parmi leurs élèves les futurs djihadistes potentiels. Entre autres signes à surveiller, porter une barbe en rasant sa moustache, ou s’intéresser particulièrement à l’injustice dont le peuple palestinien serait victime.

Quand des policiers et des gendarmes collaborent avec des fonctionnaires de l’administration scolaire pour former les chefs d’établissement en « profileurs », on se dit que les séries télé font des dégâts au-delà de la population adolescente.

On avait le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam qui avait déjà semble-t-il une certaine tendance à contribuer à la panique devant l’engagement djihadiste de jeunes Français sous prétexte bien sûr de rassurer et de « faire comprendre ». Le rapport du centre savait au moins expliquer que ces « radicalisations » n’avaient pas grand chose à voir avec le concret de la vie des musulmans, de leurs mosquées et de leurs communautés dans notre pays.

Là, il semble bien que les conseillers du Recteur aient abandonné toute précaution et apportent une contribution signalée au développement de l’islamophobie. Comme en 732, d’aucuns doivent penser qu’il s’agit urgemment d’arrêter les Arabes à Poitiers.

On remarquera également que c’est en réalité l’engagement des jeunes qui est présenté comme suspect, avec pour philosophie imparable que tout engagement aussi sincère soit-il peut être dévoyé par les manipulateurs qui rôdent sur internet.

Comme le fait remarquer Dominique Comelli dans sa contribution au
livre « Israël Palestine, le conflit dans les manuels scolaires », « (…) profond changement politique en France depuis une vingtaine d’années, à savoir la disqualification de la rue et des acteurs non-étatiques. Jusque là, la légitimité politique a toujours reposé en France, depuis la Révolution française, sur deux piliers : les élections et la « rue », c’est-à-dire l’intervention du peuple. Mais la violence actuellement acceptée est celle des Etats.(…) L’enseignement de l’histoire aujourd’hui en France ne vise plus principalement à transmettre le roman national, mais à lutter contre l’ « insurrection qui vient » en assimilant le moindre acte de défense d’un peuple à du terrorisme(…) ».
Israël Palestine, le conflit dans les manuels scolaires, 2014,
Editions Syllepse

Dans ces conditions, pas question pour le gouvernement de reprocher à des jeunes, en revanche, de s’engager dans l’armée régulière de l’Etat d’Israël, quels que soient les crimes qu’elle peut commettre !

Pouvons-nous attendre du Ministère de l’Education nationale qu’il désavoue totalement ce document et en fasse arrêter la diffusion sans délai ? Pouvons-nous attendre du Recteur de l’Académie de Poitiers qu’il présente ses excuses pour cette erreur manifeste de jugement de ses services ? Pouvons-nous attendre des élus qu’ils exigent que l’Education nationale ait un souci permanent d’avoir une politique éducative, sans sombrer dans la psychologie policière.

André Rosevègue, 23 novembre 2014


Note de la rédaction :
Sur le même sujet lire :
– l’article de Médiapart : http://www.mediapart.fr/article/offert/aca654485c69f76b9cde49a87ad32e0c
– la réaction du CCIF (Collectif contre l’Islamophobie en France) : http://www.islamophobie.net/articles/2014/11/22/islamophobie-education-nationale