Le problème juif de Tel-Aviv à Téhéran

Les déclarations antisémites du président iranien sont certes outrancières. Après son célèbre « rayer Israël de la carte » en 2006, Mahmoud Ahmadinejad a poussé la provocation jusqu’à organiser une conférence à Téhéran en décembre dernier mettant en doute la réalité de la Shoah, sous-entendant qu’elle n’était qu’une invention (ou une exagération) de la propagande israélienne.

Nombreux sont ceux qui croient que les diatribes du président ultra-conservateur d’Iran ont pour origine des arrières pensées diplomatiques, bien que provocateurs, qui sont tout à fait caractéristiques du maître de Téhéran. Sur ce registre, le journaliste indépendant Jonathan Cook, basé à Nazareth (Israël), pose la question suivante : si Ahmadinejad veut « rayer les Juifs de la carte, pourquoi ne commence-t-il pas par ses propres Juifs ? »

En effet, avec ces 25 000 citoyens de confession israélite, l’Iran est le pays de la région avec la plus grande population juive en dehors d’Israël. Et Cook pose de nouveau une question : pourquoi ces Juifs « sont-ils si peu disposés à quitter l’Iran malgré les sollicitations répétées d’Israël et des Juifs américains ? » Car la communauté juive iranienne « trouve ses racines jusqu’à 3 000 ans en arrière. En tant que communauté non musulmane d’Iran, parmi d’autres, les Juifs y subissent une discrimination mais ils ne sont certainement pas dans une situation pire que celle que connaît le million de citoyens palestiniens en Israël – et ils sont bien loin de connaître celle des Palestiniens sous occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza. Les Juifs iraniens ont peu d’influence sur les décideurs de leur pays et ne sont pas autorisés à postuler à des postes dans l’armée ou dans la fonction publique. Mais ils profitent de beaucoup de libertés. Ils ont un représentant élu au parlement, ils pratiquent leur religion ouvertement dans les synagogues, leurs organisations caritatives sont financées par la diaspora juive et ils peuvent librement se déplacer, y compris venir en Israël.

À Téhéran, il y a six bouchers casher et environ 30 synagogues. Le cabinet d’Ahmadinejad a récemment fait une donation à un hôpital juif de Téhéran. Comme Ciamak Moresadegh, dirigeant juif iranien, le fait observer : ‘Si vous pensez que le judaïsme et le sionisme ne font qu’un, c’est comme si vous pensiez que l’Islam et les Talibans c’est la même chose, et ce n’est pas la même chose.’ En absence de menaces contre les Juifs iraniens, les médias israéliens ont informé récemment que le gouvernement israélien essayait de trouver d’autres moyens pour attirer les Juifs iraniens en Israël. Le journal Ma’ariv précise que les propositions précédentes avaient trouvé peu de preneurs. Il y a, note l’article, ‘un manque de désir chez ces milliers de Juifs iraniens pour le départ’.

Selon le journal Forward de New York, une campagne menée pour convaincre les Juifs iraniens d’immigrer en Israël n’a obtenu, entre octobre 2005 et septembre 2006, que 152 départs sur les 25 000 Juifs vivant en Iran, et la plupart d’entre eux ont déclaré immigrer pour des raisons économiques et non politiques. »

La réponse des Juifs iraniens aux sollicitations israéliennes est sans équivoque. Cook rapporte que l’appel à « l’alya » des autorités de Tel-Aviv « n’a rencontré que du dédain dans la société des Juifs iraniens et ceux-ci ont publié une déclaration disant que leur identité nationale n’était pas à vendre. ‘L’identité des Juifs iraniens n’est pas monnayable, quelle que soit la somme. Les Juifs iraniens comptent parmi les plus anciens Iraniens. Les Juifs d’Iran aiment leur identité et leur culture iraniennes, alors les menaces et les incitations politiques immatures ne réussiront pas à rayer l’identité des Juifs iraniens.’ ».

Cook conclue son article en prévenant que Tel-Aviv pourrait faire recours à des provocations graves, déjà utilisées dans d’autres pays musulmans, pour inciter les Juifs perses à immigrer en Israël. L’auteur de ces lignes ne souscrit pas à l’ensemble des propos relatés par Cook, mais il trouve cet article, par ailleurs fort instructif sur la communauté juive en Iran, d’un intérêt certain. Il jette une lumière nouvelle sur les complexités de la politique iranienne. Ainsi, vous trouverez l’article au complet dans le fichier sur ce site .