Mustafa BARGHOUTI
Secrétaire général du Mouvement d’initiative nationale palestinien, médecin, écrivain. Militant : il est l’un des fondateurs de la résistance populaire et des institutions de la société civile palestinienne. Il a été élu au Conseil législatif en 2006 et a été candidat aux élections présidentielles de 2005, arrivant deuxième. Nominé pour le prix Nobel de la paix.
Les propos tenus par le président américain Donald Trump lors de sa rencontre avec le Premier ministre israélien Netanyahou sont non seulement destructeurs et dangereux, mais aussi criminels. L’appel à l’expulsion des habitants de la bande de Gaza n’a qu’un seul sens : celui de nettoyage ethnique, qui constitue un crime de guerre au regard du droit international quand il s’agit du sort des peuples. Il faut appeler un chat un chat, même si cela vient du président des États-Unis.
Trump a été franc, clair et grossier
Trump a été franc, clair et grossier, disant qu’il voulait expulser tous les habitants de la bande de Gaza sans retour et que les États-Unis s’en empareront et pilleront ses richesses, ainsi que son puits de gaz bien sûr (estimé à 54 milliards de dollars), pour ensuite mettre en œuvre des projets de « développement », avec l’espoir que les entreprises de Trump et son gendre Kushner en seraient les plus grands exécutants, puis les revendre aux riches du monde pour en faire la « nouvelle Riviera » au détriment du sang, des espoirs et des biens du peuple palestinien. Ils avaient violé les droits de peuple palestinien en le massacrant avec des bombes américaines (entre autres) et par le nettoyage ethnique lors de la première Nakba, et maintenant ils veulent les violer à nouveau par le nettoyage ethnique et le vol de leurs terres et de leurs biens. Ils attendent que les pays arabes paient les frais de déportation des Palestiniens, en les installant dans leurs propres pays et en y instaurant de nouveaux camps de réfugiés.
Ce n’est pas une plaisanterie, et les propos de Trump ne doivent pas être pris à la légère. Au contraire, il s’agit de la déclaration la plus grave et la plus dangereuse qui ait été prononcée dans l’histoire des relations entre les États-Unis et le peuple palestinien, et elle n’est pas moins dangereuse que la tristement célèbre déclaration Balfour.
Netanyahou et tout son gouvernement fasciste ont presque perdu la tête de joie pendant la réunion, car le président états-unien a réalisé leur rêve qu’il n’ont pas réussi à réaliser par le génocide, en déportant tous les habitants de la bande de Gaza et en la nettoyant ethniquement, mais la langue du 1er ministre israélien s’est tordue lorsqu’il a entendu Trump dire qu’il prendrait la bande de Gaza pour lui et son pays, les États-Unis, et ne la laisserait pas à Israël comme le pensait Netanyahou, qui devait achever « le sale boulot » : détruire la bande, finir la guerre génocidaire et le nettoyage ethnique, puis remettre le « butin » à Trump, qui s’imagine, très probablement, comme le nouveau cow-boy américain qui s’empare des terres de l’Orient arabe. Le plus insultant est que Trump, selon ses dires, a parlé à tout le monde de son projet, sauf bien évidemment, au premier et seul concerné, le Peuple Palestinien, propriétaire de sa terre, de son histoire de sa civilisation, de sa culture, de son identité et de sa mémoire.
Il n’est pas permis de croire un seul mot des tentatives des responsables états-uniens d’atténuer l’impact de l’appel au crime de nettoyage ethnique lancé par leur président. Après que le monde s’est soulevé dans la colère, en protestant et en rejetant son plan par des manifestations populaires dans les pays arabes, islamiques, nombreux pays de monde et bien évidemment par le peuple palestinien, Trump n’a pas trouvé un seul chef d’État à soutenir son plan, malgré son affirmation que tout le monde l’aimait, à l’exception de Netanyahu, de ses acolytes au pouvoir et des 76% des Israéliens soutenant le nettoyage ethnique des Palestiniens une fois de plus, ce qui confirme, une de fois de plus, la dangereuse transformation fasciste de la société israélienne.
Il n’est pas permis de sous-estimer ce qui a été dit, car cela représente, pour la première fois au niveau international, un soutien criminel à une nouvelle Nakba du peuple palestinien par le biais du nettoyage ethnique, et un soutien de l’administration états-unienne flagrant à la solution finale sioniste et raciste à l’existence du peuple palestinien sur la terre de sa patrie historique, la Palestine.
Le dilemme d’Israël et du mouvement sioniste était, et est toujours, la survie d’une grande partie du peuple palestinien sur sa terre natale, malgré la Nakba, l’occupation, l’apartheid et le génocide. Il y a 7,3 millions de Palestiniens fermement établis sur la terre de Palestine historique, y compris la Cisjordanie, Jérusalem, la bande de Gaza et les territoires occupés de 1948, contre 7,1 millions de Juifs.
Malgré l’approbation par les dirigeants de l’Autorité palestinienne de l’idée de la solution à deux États, qui ne donne aux Palestiniens que 22 % du territoire de Palestine, soit moins de 50 % de ce que les Nations Unies avaient décidé dans la résolution de partage qui a été utilisée pour accorder une légitimité internationale à la création de État d’Israël qui a rejeté, par la suite, et à plusieurs reprises, cette solution et qui a continué à construire des colonies illégales en Cisjordanie pour tuer l’idée d’un État palestinien. Benjamin Netanyahu a consacré sa vie politique à détruire cette solution et il a réussi. Quant à la deuxième solution, qui est l’émergence d’un État démocratique unique dans lequel les peuples sont égaux en droits et en devoirs, et qui avait été adoptée auparavant par l’Organisation de libération de la Palestine avant de tomber dans le piège d’« Oslo », elle est également rejetée par la majorité de la société israélienne, ses dirigeants et tous ses partis sionistes.
La conspiration de nettoyage ethnique ne réussira pas, grâce au courage et à la détermination du peuple palestinien
La conspiration de nettoyage ethnique ne réussira pas, grâce au courage et à la détermination du peuple palestinien, mais elle n’échouera pas à moins que nous n’adoptions une approche pour l’affronter avec une force stratégique.
Le peuple palestinien résistera de toutes ses forces au complot visant à l’expulser de sa patrie, et les peuples arabes ne peuvent et ne doivent pas permettre à leurs dirigeants de participer au crime de nettoyage ethnique contre le peuple palestinien. Si la solution à deux États ou celle d’un seul sont rejetées, même s’il s’agit d’un régime d’apartheid raciste, alors il ne reste plus que la déportation et le nettoyage ethnique du peuple palestinien, et c’est là l’essence de la stratégie sioniste actuelle pour faire face au dilemme démographique palestinien.
Trump a légiféré sur ce que le sionisme n’osait justifier, et s’est allié aux fascistes Smotrich et Ben Gvir, et au mouvement messianique fondamentaliste haineux envers le peuple palestinien. Mais il oublie que lui et Netanyahou ne sont pas les seuls à décider de ce qui va se passer, et que le peuple palestinien affrontera tous les complots visant son existence et sa survie.
La position officielle égyptienne, jordanienne et saoudienne est catégorique dans son rejet de ce plan dangereux. Mais les mots ne suffisent pas. Les condamnations internationales sont importantes, mais elles doivent être appuyées et soutenues avec force.
Afin de ne pas sous-estimer le danger qui se profile, il faudra prendre plusieurs mesures immédiates, qui sont les suivantes (dans l’ordre) :
Premièrement, mettre fin à la division interne palestinienne et unifier les rangs nationaux en appliquant immédiatement l’accord de Pékin, en formant un gouvernement de consensus national, en appelant la direction nationale provisoire approuvée en 2011 à prendre ses responsabilités et en affrontant Trump et Israël avec des rangs et une direction unifiés, à la lumière des deux dangers tangibles qui sont en phase d’exécution : le nettoyage ethnique de Gaza et l’annexion et la judaïsation de la Cisjordanie. Il n’y a plus aucune justification pour qu’un dirigeant palestinien fasse obstruction à cette mesure, quels que soient les prétextes. Quiconque penserait qu’en s’écartant de la voie de l’unité nationale, il aurait plus de chance auprès de l’administration Trump, a reçu une réponse décisive et claire : il n’y a pas de place pour les Palestiniens, quelles que soient leurs tendances, dans l’agenda de Trump et de son administration, hormis leur expulsion et la saisie de leurs terres.
Deuxièmement, il faudra convoquer un nouveau sommet arabo-islamique, incluant 56 pays, pour annoncer une position ferme, stricte et claire contre le plan de Trump, et pour soutenir les positions égyptienne et jordanienne qui rejettent la déportation des Palestiniens, et même pour soutenir financièrement ces pays si Trump menace d’utiliser un chantage financier contre eux, et pour établir un réseau de soutien financier immédiat pour soutenir la Résistance du peuple palestinien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, la reconstruction de Gaza et pour faire face aux obstacles posés par Israël.
Troisièmement, il faudra faire appel à une conférence et à une position internationales communes contre la conspiration de nettoyage ethnique, car il ne s’agit plus seulement de protéger le peuple palestinien, mais de protéger l’idée du droit international et de l’ordre mondial des ténèbres de la loi de la jungle, qui fera de dizaines de pays une cible facile pour les puissances tyranniques et les régimes oppressifs.
La conspiration de nettoyage ethnique ne réussira pas, grâce au courage et à la détermination du peuple palestinien, mais elle n’échouera pas à moins que nous n’adoptions une approche stratégique forte pour l’affronter.
Beaucoup seront surpris, alors, par la rapidité avec laquelle Trump renonce à ses idées dangereuses lorsqu’il ressent la force (et la solidité) du rejet et de la confrontation. Il n’est, en fin de compte, qu’un homme d’affaires qui essaie de faire des profits par le harcèlement et l’intimidation, et qui renonce quand il estime que ses pertes lui coûteront plus chers que les gains.
Traduction Abderrahim Afarki pour l’UJFP