Le mur d’apartheid dans la Vallée de Crémisan

Lettre de la Coalition nationale des Organisations chrétiennes en Palestine et du Forum Palestine-Israël du Conseil œcuménique des Églises aux représentants de gouvernements étrangers en Israël et Palestine et message du Secrétaire Général du Conseil œcuménique des Eglises

A l’occasion de la semaine mondiale pour la paix en Israël-Palestine du 20 au 27 septembre organisée par le Conseil œcuménique des Églises, le réseau Chrétiens de la Méditerranée porte à votre connaissance les deux messages suivants :


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FORUM ŒCUMÉNIQUE PALESTINE-ISRAËL – PIEF.

Ce 17 septembre 2015.

Vos Excellences,

Représentants de gouvernements étrangers en Israël et Palestine,

Nous, chrétiens palestiniens, en solidarité avec les gens de bonne volonté de la communauté mondiale, sollicitons votre diligence pour intervenir sur une question particulièrement urgente.

Récemment, une situation scandaleuse dans la vallée de Crémisan et à Bir Ouna a retenu l’attention du monde. Les Forces israéliennes ont déraciné des centaines d’oliviers en vue de faire place à la construction d’une nouvelle tranche de la Barrière de Séparation. Cette nouvelle tentative d’annexion du territoire palestinien occupé porte directement atteinte au bien-être des Palestiniens. Ces mesures affectent l’ensemble de la communauté palestinienne, et elles ont des conséquences directes pour les chrétiens palestiniens en particulier, dont la condition est rendue encore plus précaire par ces initiatives du gouvernement d’Israël. Elles représentent une violation, évidente du Droit international.

Dans son Avis consultatif,

émis en 2004, la Cour de Justice internationale concluait qu' »Israël ne pouvait pas se réclamer du droit à l’auto-défense … ou d’un état de nécessité pour faire disparaître le caractère injustifié de la construction du mur … C’est pourquoi la Cour considère que la construction du mur, et tout ce qui l’accompagne sont contraires au droit international » (Para. 142).

Fr. Aktham Hijazin, prêtre de la paroisse de Bir Ouna, a alerté le monde: « Quand vous détruisez les oliviers, vous tuez aussi les gens qui vivent là. » Et nous rappelons ce que dit la Bible : « Vous ne détruirez pas les arbres fruitiers des environs. Vous pourrez en manger les fruits, mais vous ne couperez pas les arbres » (Deutéronome 20,19).

Il y a juste quatre mois, la Haute Cour d’Israël a rejeté le projet israélien de tracé du mur au centre même de la vallée de Crémisan. Il a été reconnu que ce tracé nuirait beaucoup au couvent, au monastère et à l’école, qui se trouvent là. Ce tracé constituerait aussi un préjudice direct pour les parcelles privées du secteur en détruisant les oliveraies, et aussi pour le bien-être des communautés locales.

Malgré son jugement antérieur, et sous la pression officielle des autorités israéliennes, la Haute Cour a autorisé, de façon inexplicable, une nouvelle interprétation de sa décision pour son application. Il s’en est suivi que les travaux ont immédiatement commencé pour la construction du mur à travers la vallée de Crémisan.

Nous sommes solidaires de la population de Crémisan, restant solidement engagés dans une lutte non¬violente et dans la prière pour cette région. Le système juridique israélien semble avoir été manipulé au profit di régime de l’occupation. Tous les recours du système juridique israélien ont été épuisés. Nous en appelons à une intervention internationale afin de contraindre Israël de revenir à la première décision de sa Haute Cour. Sans de telles pressions, l’État d’Israël continuera à agir dans l’impunité, à humilier la dignité de notre population, à compromettre les moyens d’existence des communautés palestiniennes, et à saboter toute tentative de construction d’une paix juste.

La construction, du mur sur un territoire occupé est une violation du droit international – la vallée de Crémisan en est seulement la dernière victime. Les communautés chrétiennes palestiniennes vous demandent instamment de faire pression sur Israël afin de :

– arrêter immédiatement la construction illégale de la Barrière de Séparation en territoire occupé.

– procéder au démantèlement des parties du mur déjà construites sur tous les territoires occupés,

– de replanter les oliviers arrachés, et de verser des compensations aux paysans privés de leurs arbres.

Dans l’espérance,

La Coalition nationale des Organisations chrétiennes en Palestine
Le Forum Palestine-Israël du Conseil œcuménique des Églises.

Trad. G. Charbonnier

Your Excellencies,

Representatives of foreign governments to Israel and Palestine,

We, Palestinian Christians, along with people of goodwill in the global community, ask for your prompt intervention on a matter of utmost urgency.

Recently the shocking situation in the Cremisan valley and Bir Ouna has come to the attention of the world. Israeli forces have been uprooting hundreds of olive trees in order to clear space for a new section of the Separation Barrier. This new effort to annex occupied Palestinian territory directly affects Palestinian well-being. These developments have been distressing for the entire Palestinian community. It has a direct impact especially on Palestinian Christians, who are made more vulnerable by these actions from the Government of Israel. This is a clear violation of international law.

In its Advisory Opinion,

released in 2004, the International Court of Justice concluded « that Israel cannot rely on a right of self-defence … or on a state of necessity in order to preclude the wrongfulness of the construction of the wall…. The Court accordingly finds that the construction of the wall, and its associated régime, are contrary to international law » (Para. 142).

Fr. Aktham Hijazin, parish priest for Bir Ouna, has warned the world: « When you destroy the olive trees, you also kill the people here. » And we remember the words of the Bible, « You must not destroy trees by wielding an axe against them. Although you may take food from them, you must not cut them down » (Deuteronomy 20.19).

Just four months ago the High Court of Israel rejected the Israel-planned route for the wall along the heart of the Cremisan Valley. It was acknowledged that this route would bring great harm to the convent, monastery, and school located there. The route would also directly impact privately-owned parcels of land, destroying olive groves and with them the wellbeing of local communities.

Despite this previous judgment, under official Israeli pressure, the High Court inexplicably allowed a new interpretation of its ruling to take force. As a result, work began immediately on construction of the wall through the Cremisan Valley.

We stand in solidarity with the people of Cremisan, remaining firmly committed to non-violent struggle and prayer for the area. The Israeli legal system appears to have been manipulated for the benefit of the occupation régime; all options within the Israeli legal system have been exhausted. We therefore call on international intervention to pressure Israel to return to the original ruling of its High Court. Without such pressure, the State of Israel will continue to act with impunity, humiliating the dignity of our people, threatening the livelihood of Palestinian communities, and insulting any effort toward building a just peace.

The construction of the wall on occupied land is a breach of international law – the Cremisan Valley is only the latest victim. Local Palestinian Christian communities urge you to put pressure on Israel to:

– immediately stop the illegal construction of the Separation Barrier on occupied land,

– dismantle the sections already constructed on all occupied territory, and

– replant the uprooted olive trees and compensate farmers who have lost their trees.

In hope,

National Coalition of Christian Organizations in Palestine

Palestine Israel Ecumenical Forum of the World Council of Churches


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[MESSAGE POUR LA SEMAINE MONDIALE POUR LA PAIX
EN PALESTINE-ISRAËL 2015->doc2244],
du Dr Olav Tveit, Secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises – Samedi 19 septembre 2015.

« Il a détruit le mur de séparation, la haine. » – Éphésiens 2,14

Chers Sœurs et Frères en Christ,

Je vous écris à l’occasion de la nouvelle Semaine mondiale pour la Paix en Palestine-Israël (SMPPI). J’ai moi-même déjà participé à de telles prières convaincu que la prière est l’expression la plus forte de notre engagement pour une paix juste. Sur notre itinéraire commun, dans notre « Pèlerinage de Justice et de Paix », de nombreux membres de nos Églises ont fait de la paix en Israël et Palestine leur principale priorité. Les efforts de l’Église universelle pour susciter prise de conscience et plaidoyer se développent, à l’instigation des chrétiens de Palestine et d’Israël. La voix des Églises se fait écouter dans beaucoup d’instances nationales et internationales. Cette Semaine mondiale pour la Paix nous donne l’occasion de concentrer nos efforts en vue de faire grandir notre solidarité mondiale. Je vous encourage donc à participer pleinement à cette semaine de témoignage et d’action pour la paix.

Ce samedi matin, des chrétiens de nombreuses Églises et de diverses familles chrétiennes se réuniront à Beir Ouna, dans la vallée de Crémisan. Cette zone appartient à la commune de Beit Jala, toute proche de Bethléem. Ce rassemblement de fidèles chrétiens se déroule sous les yeux des Forces de Sécurité israéliennes placées là en vue de protéger les engins servant à arracher des oliviers centenaires et situés sur des terres appartenant à des chrétiens palestiniens, afin de créer le champ libre pour la dernière section de la Barrière de Séparation israélienne. Les Forces de Sécurité, armées jusqu’aux dents avec des armes de guerre et des équipements anti-émeute, vont affronter la Bible et la prière. Ce témoignage stratégique et non-violent ne vise pas ces soldats ou forces de police en particulier, mais les systèmes et structures injustes qui permettent l’occupation illégale de la terre palestinienne par Israël.

Ces toutes dernières années ont été particulièrement difficiles pour le Moyen-Orient, en particulier pour les communautés d’Irak et de Syrie. Au cours des deux dernières semaines, nous avons vu un nombre effarant de réfugiés à la recherche d’une vie nouvelle en Europe. Cet exode effarant montre combien la vie de ces gens est devenue difficile. Comme Églises, nous ne devons pas oublier d’être attentifs au grand problème du conflit israélo-palestinien. La résolution de ce conflit, si elle consistait en un juste accord de paix, serait de grande portée pour la résolution d’autres problèmes au Moyen-Orient. Une des sources de ces conflits qui favorisent l’extrémisme religieux serait alors éliminée, au profit de la paix dans la région et au-delà.

Les chrétiens palestiniens sont douloureusement meurtris, tout comme leurs voisins dans le reste du Moyen-Orient. Dans la vallée de Crémisan, les chrétiens subissent directement les conséquences de la politique israélienne d’occupation. Crémisan, place historiquement chrétienne, depuis des siècles, comporte un monastère, un couvent, et des établissements scolaires chrétiens, tout comme des hectares de terres privées appartenant à des chrétiens palestiniens. Pour les Églises, insister sur le caractère chrétien de ce secteur n’enlève rien au fait que tous les Palestiniens partagent le même combat. L’occupation israélienne nuit à la vie de tous les Palestiniens. Toutefois, dans ce cas particulier, ce sont les chrétiens qui sont touchés.

Que faire ? Quand nous nous trouvons dans la vallée de Crémisan, dans un nuage de gaz lacrymogènes, et que des grenades assourdissantes explosent tout autour, nous pouvons « lever les yeux vers les montagnes », et demander  » d’où me viendra le secours ? » (Ps 121,1). La coalition écrasante des puissances mondiales qui favorise le développement de l’occupation israélienne peut sembler toute-puissante. Mais nous savons que nous ne sommes pas livrés seuls à nous-mêmes. Nous savons que les chrétiens de la vallée de Crémisan et que les Églises dont ils sont membres ne seront pas vaincus par les manœuvres d’un système illégal. Mais il est essentiel qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls, tout comme les autres chrétiens du Moyen-Orient. Il est capital qu’ils sachent que des sœurs et des frères sont attentifs à leur appel à « parler pour défendre ceux qui n’ont pas la parole et pour prendre le parti de tous les délaissés » (Pr 31,8). En cela, nous sommes confortés parce que nous savons que la victoire de Dieu a déjà été remportée puisque, par la foi, « tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde » (I Jn 5,4). Comme le dit l’épître aux Éphésiens, « Il … a abattu le mur de séparation. »

C’est notre désir le plus sincère, et c’est notre prière partagée par de nombreux juifs et musulmans qu’il n’y ait pas de haine entre voisins, en Israël et Palestine, et au-delà dans toute la région du Moyen-Orient. Pour que cela se fasse justice et paix doivent toujours être comprises et envisagées comme inséparables. Nous prions et travaillons sans relâche pour la paix dont ont besoin Palestiniens et Israéliens. En priant pour que le mur tombe, je vous invite à participer activement à cette semaine mondiale 2015. J’espère que vous serez fortifiés dans votre solidarité, et que des mesures concrètes seront bientôt prises pour l’institution d’une juste paix en Palestine et Israël, et dans tout le Moyen-Orient.

En Christ, le Pasteur et Dr Olav Fykse Tveit.

Trad. G. Charbonnier