LE MONDE: LA PENSÉE L’A QUITTER




C’est très révélateur. Ce que l’ordre établi appelle un journal objectif de référence, construit l’air de rien sa parole prescriptive comme pour couvrir les coupables du génocide en cours et les maintenir du bon côté de la propagande.

Le Monde en ligne du 10 mai 2024 nous donnait en une seule édition la grille de lecture idéale pour hiérarchiser comme il faut notre perception de la réalité nationale et internationale:
    – 1er titre distant ou objectif, c’est selon: « Après la conquête du terminal de Rafah par Israël, les opérations humanitaires à Gaza au point mort »
    – 2è titre proche ou compassionnel, c’est selon: « Le calvaire des élèves officières à Saint-Cyr »
    – 3è titre proche ou compassionnel, c’est selon: « De la guerre à Gaza aux bombes d’Odessa: le calvaire de familles ukrainiennes évacuées de l’enclave palestinienne »

Le 1er titre avait la vertu de nommer comme il se doit les actions de guerre d’Israël qu’on ne saurait confondre de près ni de loin avec celles de l’envahisseur russe. C’est normal, puisque les lecteurs du journal savent faire la différence entre une conquête et une guerre d’agression. Un infléchissement cependant: le lien du 11 mai en Une du monde.fr conduisant vers l’article de la veille au titre inchangé s’intitule, lui « Depuis qu’Israël s’est emparé du terminal de Rafah, l’essentiel de l’aide humanitaire pour la bande de Gaza est bloqué ». Cette fois c’est un peu moins noble car Israël s’est « emparé » mais personne n’est responsable du blocage.

Les 2è et 3è titres présentaient l’avantage de remettre les souffrances dans l’ordre où nous devons décemment les éprouver, sachant par omission que les Palestiniens restés à Gaza ne sont pas dans le « calvaire ».

Par comparaison, on reste étonné de découvrir que même Le Figaro en ligne du 10 mai traite la réalité avec plus de sérieux dans un article intitulé « Gaza: sous le feu des projecteurs, le conflit israélo-palestinien fait vaciller le concours de l’Eurovision ».

Mais toute la perspective du Monde ne consiste-t-elle pas à nous fabriquer un discours étroitement codé par une intelligence artificielle qui ne dit pas son nom? La question est posée.

Guy Lavigerie