Un aveu: il y a exactement 15 ans, le 13 octobre 2000 j’ai eu un grand moment de doute sur mon engagement au côté de la lutte de libération palestinienne. Des centaines de Palestiniens en colère avaient lynché à mort deux soldats israéliens qui s’étaient égarés à Ramallah.
Lyncher quelqu’un, que ce soit dans l’Oklahoma ou à Ramallah a toujours été à mes yeux l’expression de la barbarie qui peut se cacher dans notre humanité. « Est-ce que la barbarie de l’occupation coloniale israélienne a pu déteindre à ce point sur la victime palestinienne, qu’ils en ont perdu leur humanité? » Est-ce que le conflit colonial a pu dégénérer en choc des barbaries? Et si tel est le cas, ai-je encore ma place dans ce conflit?
Après quelque temps, la raison a repris le pas sur les tripes: l’occupation coloniale reste la mère de toutes les barbaries, et un comportement sauvage de la part des victimes n’est qu’un effet secondaire, horrible certes, de cette occupation sanglante dont ma société porte l’entière responsabilité.
15 ans plus tard, un nouveau lynchage, à Beer Sheva cette fois: une foule d’Israéliens en folie bat à mort Habtoum Zarhoum, un refugie érythréen qui avait le malheur de se trouver là. « on croyait que c’était un Arabe » ont dit les passants en guise d’excuse… comme si un Arabe on avait le droit (le devoir?) de le lyncher.
Ce 18 octobre 2015, nous sommes passés d’une société coloniale à une société barbare, qu’il faut mettre au ban des sociétés dites civilisées, une société potentiellement génocidaire.
À la tête de cette société, Benjamin Netanyahou et son équipe de tueurs, qui depuis plusieurs semaines incitent la population à s’armer, à se servir de ses armes, et à tirer pour tuer. Leur appel au meurtre est si récurant, que des policiers ont déjà tiré sur des policiers, des citoyens sur des passants. Israël est devenu un Far West, Netanyahou le sheriff sanguinaire.
La seule issue pour les Israéliens qui rejettent la barbarie dans laquelle nous sombrons, c’est de neutraliser le sheriff et ses sbires, maintenant. Par centaines de milliers nous devrions occuper la rue et exiger qu’ils partent, de préférence à la Haye où ils devront être juges pour leurs crimes. Mais où sont-ils ces centaines de milliers? N’ont-ils pas sombrés eux aussi dans la barbarie, non pas en tant que tueurs aux mains couvertes de sang, mais en détournant les yeux alors que Habtoum Zarhoum se faisait massacrer en pleine rue?