02 février 2017 par Guy Keren
À quelques kilomètres au nord de Ramallah, la colonie de Beit El est l’une des plus établies de Cisjordanie occupée. Grâce aux subsides provenant de l’entourage de Donald Trump.
Lorsqu’ils se sont installés en 1977 sur une colline dénudée située au nord de Ramallah pour y créer la colonie de Beit El (« La maison de Dieu »), Yaakov Katz, alias « Katzale », et la poignée de militants nationalistes religieux qui le suivaient n’imaginaient probablement pas que leur implantation deviendrait l’une des plus prospères de Cisjordanie occupée. Et que s’y établirait ensuite la chaîne d’information des colons Arutz 7 ainsi qu’une « yeshiva » (école talmudique) préparant ses étudiants à une carrière d’officier au sein de Tsahal, l’armée de l’État hébreu.
« Pourtant, c’est bien ce qu’il s’est passé. Quarante ans après sa fondation, Beit El est désormais une colonie établie », lâche Katz en montrant fièrement le panorama.
Ancien député d’extrême droite à la Knesset, le colon vante le caractère paisible de son « yishouv » (bourgade de 157 hectares de superficie) et ses allées bien entretenues et ses jardins publics.
Sauf que Beit El est entouré de clôtures et de systèmes d’alertes censés prévenir les infiltrations provenant de villages palestiniens voisins sur les terres desquels une partie de la colonie s’est étendue.
Friedman, Trump, Kushner…
Son développement, la colonie le doit au gouvernement israélien mais également aux « Amis des institutions de Beit El », une association présidée par David Friedman, un avocat d’affaires new-yorkais que Donald Trump allait nommer ambassadeur des Etats-Unis en Israël au lendemain de son élection à la Maison-Blanche.
Car Friedman a récolté d’importantes sommes pour Beit El et au début des années 2000, il a également convaincu Trump, alors simple businessman, d’effectuer un don de 10.000 dollars.
Parmi les soutiens de la colonie figure aussi Jared Kushner (le gendre du Président) qui a donné 38.000 dollars. Ces contributions ont servi à créer et à développer des « yeshivot » (écoles talmudiques) dont les élèves, éduqués dans le culte du « Grand Israël », deviennent ensuite les fers de lance de la colonisation.
La connexion entre Beit El et Friedman, Kushner et Trump est un motif de fierté dans la colonie. « David Friedman est un ami fidèle », se vante Katz. « Il nous aide en tant que juif pieux et parce qu’il sait que nous avons raison sur le fond. Lui et de nombreux autres généreux donateurs permettent donc au projet de « Grand Israël » de se concrétiser sur le terrain. » Et de poursuivre : « Il m’a dit et répété que Donald Trump nous aidera. Je le crois. »
Cette proximité, et le fait que Benyamin Netanyahou a autorisé la reprise des constructions dans les territoires occupés confortent en tout cas les colons dans l’idée que la roue tourne en leur faveur. Et que le grand frère US va désormais favoriser leur enracinement en Cisjordanie contrairement à ce qu’il se passait du temps de Barack Obama.
« On va se développer, même si les Palestiniens, l’ONU et les gauchistes s’agitent », lâche Shoshana, une mère au foyer dont le mari travaille à Jérusalem. « Puisqu’il autorise de nouveau de construire massivement en Judée-Samarie (la Cisjordanie occupée, NDLR), le gouvernement doit également appliquer la loi israélienne à nos ‘yishouvim’. Ce sera un pas important avant leur annexion pure et simple. »
Annexion en vue
Un délire ? Pas sûr, car le « Yesha » (le puissant lobby des colons) a lancé une tapageuse campagne baptisée « Annexion maintenant » et le Foyer juif (parti politique qui est l’émanatation du lobby des colons) prépare un projet de loi prévoyant l’intégration de plusieurs colonies ou blocs de colonies dans l’État hébreu.
« C’est le seul moyen de régler le problème qui nous pourrit la vie depuis la libération de la Judée-Samarie en juin 1967 », assène Ofir Stern, jeune militant du Foyer juif. Qui poursuit : « Une fois que nos ‘Yishouvim’ seront intégrés à Israël, on ne pourra plus retourner en arrière. L’opinion internationale et les Palestiniens seront obligés de s’y faire. »
Mince comme un clou, pâle comme un linge et torturé par « les menaces qui pèsent sur le peuple juif », Stern (23 ans) ne réside pas à Beit El mais il y vient souvent en autobus. Sur son chemin, il croise plusieurs villages palestiniens dont il ne connaît pas les noms et dans lesquels il n’a d’ailleurs jamais mis les pieds.
« Pourquoi le ferai-je puisque je n’ai rien à voir avec eux ? », interroge-t-il. « En tout cas, lorsque nous aurons annexé les parties les plus importantes de la Judée-Samarie, nous ne les expulserons pas. Ils n’auront pas les mêmes droits que nous mais ils ne mourront pas de faim. »
Cisjordanie
Israël évacue une colonie emblématique, mais annonce des milliers de nouveaux logements.
Trois mille policiers israéliens ont lancé mercredi matin l’opération « Jardin verrouillé » visant à évacuer de force les 200 habitants d’Amona, un « avant-poste » (colonie non reconnue par Israël mais qu’elle protège) crée en 1995 sur des terres privées palestiniennes.
En 2014, la Cour suprême d’Israël a donné raison aux propriétaires palestiniens spoliés et ordonné l’évacuation d’Amona avant le 25 décembre 2016. Mais les colons ont toujours refusé de s’en aller malgré un accord avec Benyamin Netanyahou prévoyant de larges compensations financières ainsi qu’un relogement à proximité. Mardi matin, les policiers se sont en tout cas heurtés à des jets de pierres et d’eau de javel. Dix-huit d’entre eux ont été blessés et une vingtaine de manifestants arrêtés.
Retranchés dans les maisons et dans la synagogue de la colonie dont ils avaient scellé les accès, certains colons appelaient les policiers à déserter. D’autres les accusaient de se comporter avec eux « comme les nazis dans les camps ».
Quelques heures avant le déclenchement de « Jardin verrouillé », Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense Avigdor Lieberman avaient pourtant tenté d’atténuer le choc en annonçant la prochaine construction de 3.030 nouveaux logements en Cisjordanie occupée. Et la mesure a produit un certain effet puisque beaucoup moins d’opposants à l’évacuation qu’annoncé sont venus « résister à Amona ». Mille au mieux, mais les plus radicaux.
Parmi ceux-ci, le député d’extrême droite Bezalel Smotrich pour lequel « la destruction de ce beau village est comparable au viol d’une femme ».