Le 2 juin, des habitants de Bil’in, village palestinien de Cisjordanie coupé en deux par le Mur, ont manifesté pacifiquement, comme ils le font toutes les semaines, aux côtés de militants israéliens et internationaux. Parmi eux se trouvait Muhammed Barakeh, député à la Knesset élu sur la liste Hadash (Front démocratique pour l’égalité et la paix, animé par le Parti communiste israélien). Un de ses homologues palestiniens des Territoires a également participé à cette manifestation : Mustafa Barghouti, membre du Conseil législatif palestinien et ancien candidat à la présidence de l’Autorité palestinienne. Une nouvelle unité de l’armée israélienne a été chargée du secteur de Bil’in et le commandant, qui a la réputation d’être un « dur », s’est fixé comme objectif de casser le mouvement, rien de moins.
Après les brutalités habituelles contre les manifestants non armés, plusieurs blessés ont été à déplorer, victimes des matraques de Magav (la Police des frontières, une unité redoutée de Tsahal). Lors des incidents, un commandant de Magav a crié, s’adressant à ses troupes (il fut entendu par plusieurs témoins) : « Cassez leurs os ! ». C’était le célèbre ordre donné par le feu général Yitzhak Rabin durant la première Intifada dans les années 1980. Cette outrance, avec la férocité de la répression qui s’est en suivie, a soulevé de nombreuses critiques et provoqué une crise morale dans la société israélienne. Cette dernière, bercée de l’illusion d’une occupation « douce » et humaine, fut mise devant la réalité d’une répression sans retenue contre des civils non armés. Au moment de l’incident, le député Muhammed Barakeh s’est adressé à l’officier de Magav sur place : « Votre homme a donné l’ordre de casser nos os. Je déposerai une plainte contre vous ! ». Ces propos ont été reportés par Adam Keller, porte-parole de Betselem, une association israélienne qui dénonce les violations des droits humains dans les Territoires occupés. On dirait que l’ancien Premier ministre assassiné, Yitzhak Rabin, est revenu hanter ses compatriotes. Des manifestants pacifiques, des soldats qui s’acharnent contre des civils puis, soudain, l’ordre « Casser leurs os ! ». Décidément, les Israéliens n’ont pas fini de revivre le cauchemar de la répression comme seule réponse à une occupation illégale de plus en plus difficile à défendre.