D’après le journal israélien Ha’aretz du 2 septembre 2009, l’Agence juive et le Premier ministre Benjamin Netanyahou s’apprêtent à lancer de concert une campagne de sensibilisation sur le thème « Les mariages mixtes dans la Diaspora nous font perdre nombre de jeunes juifs. » Rappelons que l’Agence juive est un organisme para-gouvernemental dont la fonction initiale était de favoriser l’immigration juive en Israël. Mais de fait, aujourd’hui elle installe aujourd’hui plus de Juifs dans les territoires palestiniens occupés qu’à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de l’État d’Israël. Voici l’appel lancé par cette campagne : « Vous connaissez un jeune juif, vivant à l’étranger, qui est sur le point de se faire assimilé (sic) ? L’Agence juive vous demande de lui communiquer son identité, pour lutter contre ce danger stratégique ».
Dans cette campagne faite sous la forme de films publicitaires, les jeunes Juifs, dans le monde entier, qui se lient avec des femmes considérées comme non juives, sont comparés aux « jeunes disparus », dont les portraits sont placardés dans les lieux publics ! La campagne Massa (c’est son appellation en hébreu), demande au public israélien juif de participer au « sauvetage des disparus », en alertant l’Agence juive :
« Le gouvernement israélien et l’Agence juive ont prévu un remède contre ce risque de ‘disparition’ des jeunes juifs de la diaspora : amener ces jeunes gens à effectuer une ‘visite prolongée’ en Israël, afin de leur permettre de retrouver une identité juive et un lien avec Israël. »
Mariages mixtes
La question des mariages mixtes est récurrente et fait l’objet d’un débat parmi les Juifs depuis des siècles. Pour les uns, comme ceux de l’Agence juive, de tels mariages constituent « une menace pour la survie du peuple juif » (propos rapportés par le quotidien Yediot Aharonot). Pour les autres, au contraire, les mariages avec des non-juifs représentent une chance pour le rayonnement de la culture juive, car le conjoint non-juif, ainsi que les enfants issus de telles unions, se trouvent initiés à la culture juive. Certains d’entre eux l’adoptent comme la leur, avec ou sans conversion religieuse.
Dans son dernier ouvrage, l’historien israélien Shlomo Sand démontre qu’à travers les siècles, l’accroissement de la population juive mondiale est davantage dû à la conversion, avec ou sans mariages mixtes, qu’à la croissance naturelle de la population.
À l’UJFP, nous considérons que ceux et celles qui se sentent Juifs et qui revendiquent cette identité font bel et bien partie de la communauté juive, dans le sens large du terme, sans être dans l’obligation de fournir des preuves rabbiniques de leur judéité.
Quant au « remède » proposé par l’Agence juive – une visite prolongée en Israël – il serait peut-être pire que le mal. Violence, racisme, oppression d’un autre peuple, tel est le contexte de la judéité vécue par la minorité des Juifs du monde qui habitent aujourd’hui en Israël. Et ce, en contradiction avec les valeurs juives portées tant par une lecture progressiste de la Torah que par la tradition juive universaliste et laïque.
Leur remède et le nôtre
S’il y a bien une menace qui plane aujourd’hui sur la « survie du peuple juif », c’est sans doute le colonialisme israélien, car « l’État hébreu » prétend, à tort, représenter les Juifs du monde entier. La violence de l’occupation israélienne alimente des réactions antisémites dont souffrent les Juifs dans de nombreux pays. Ainsi, contre le « remède » de l’Agence juive, nous proposons le nôtre : la fin de l’occupation et l’établissement d’un État palestinien indépendant et souverain, sans colonies, sans barrages militaires, sans Mur de séparation, sans prisonniers politiques, sans ingérence israélienne et sans étranglement de l’économie palestinienne.
Si certains Israéliens démocrates et pacifistes désespèrent de voir un jour leur gouvernement appliquer de telles mesures, ils peuvent toujours rejoindre le nombre sans cesse croissant de leur compatriotes qui ont fait leur « alaya » en sens inverse (émigration hors d’Israël). C’est à dire s’installer ici en France et dans des dizaines d’autres pays, sur tous les continents, où les Juifs vivent libres, sans ghettos, ni guerre, ni occupation. C’est peut-être le véritable motif de la campagne qui s’apprête à lancer Netanyahou : la crainte que ce mouvement se développe et que peu à peu, Israël se vide de ses Juifs.
UJFP le 25/09/09