En 2005, 172 associations palestiniennes ont lancé un appel aux peuples du monde entier pour le BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) de l’Etat d’Israël tant que durera l’occupation.
Un changement d’époque
Le compromis auquel l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) avait consenti dès 1988, à savoir limiter la revendication palestinienne à la création d’un Etat sur 22% de la Palestine historique est définitivement mort. Et c’est l’occupant qui l’a consciemment et définitivement tué. Depuis Oslo, le nombre de colons installés au-delà de la « ligne verte » (la frontière d’avant 1967) a été multiplié par 3. La société palestinienne a été fragmentée entre plusieurs entités distinctes (Gaza, Jérusalem, la Cisjordanie, les Palestinien-ne-s vivant en Israël, les réfugié-es) qui toutes subissent des formes d’oppression : expulsion, déportation, colonisation, occupation, blocus, enfermement, crimes de guerre, racisme, apartheid… Il n’y a aucune chance pour qu’une fraction d’un sionisme « à visage humain » accepte un compromis sur la base de l’égalité des droits. Le sionisme a gommé les différences idéologiques et tous les courants sionistes pensent qu’à terme le peuple palestinien devra être marginalisé à l’image des peuples amérindiens ou des Aborigènes. Il n’y a aucun espoir pour que les dirigeants de la « communauté internationale » acceptent volontairement de sanctionner Israël. C’est consciemment que ces dirigeants soutiennent un pays surarmé et à la technologie de pointe qui est une avant-garde de l’Occident au Proche-Orient. On est entré de fait dans une lutte pour l’égalité des droits dans un espace unique où les Palestinien-ne-s (sans compter les réfugié-e-s) représentent près de 50% de la population.
Des hésitations qui n’ont pas de sens
Des courants politiques qui ont toujours dans la tête le mythe de « deux peuples, deux Etats » ont eu des objections ou des restrictions sur l’idée du BDS. Ils ont émis des espoirs sur des campagnes auprès des dirigeants occidentaux ou sur une issue fondée sur l’entrée de la Palestine à l’ONU. Ils ont estimé que le terme « apartheid » ne pouvait pas s’appliquer à Israël puisque les Palestiniens d’Israël peuvent voter. Ils ont voulu que le boycott se limite aux produits des colonies israéliennes à la fois pour « protéger » les militant-e-s de poursuites judiciaires et pour se situer dans le cadre des résolutions de l’ONU.
Dans les faits, tout ceci a volé en éclat. Depuis plusieurs mois, tous les procès que le lobby sioniste engage (pour « antisémitisme ») contre celles et ceux qui font des actions de boycott sont gagnés. L’idée du droit au boycott s’est imposée. Et puis, la troisième session du Tribunal Russell réunie au Cap (Afrique du Sud) en novembre 2011 a conclu que l’Etat d’Israël pratique une politique d’apartheid et que le « droit international » prône le boycott en cas d’apartheid comme cela a été réalisé contre l’Afrique du Sud. Les initiateurs palestiniens du BDS sont contre l’idée d’un boycott partiel. Celui-ci est irréalisable dans les faits puisque la « ligne verte » a disparu et qu’il est impossible de distinguer un produit des colonies d’un produit de Tel-Aviv. Et un boycott partiel est politiquement incorrect : il accepte la fragmentation de la Palestine et se désintéresse des réfugié-es ou des Palestinien-ne-s d’Israël.
La campagne BDS-France
Elle a réuni plus de 130 personnes à Lyon les 14 et 15 janvier. De nombreuses formes de boycott ont été étudiées :
— boycott syndical (convaincre les syndicats de s’engager, expulser la Histadrout du syndicalisme international)
— boycott culturel (convaincre les artistes de ne pas aller en Israël, empêcher des festivals israéliens)
— boycott sportif (empêcher le déroulement du championnat d’Europe junior de football en Israël)
— boycott universitaire (pousser les universités françaises à rompre leurs liens avec les universités israéliennes)
— boycott militaire (s’attaquer à Eurosatory, empêcher le commerce des armes entre la France et Israël).
Après le succès de la campagne contre Agrexco qui a abouti à la liquidation de cette société, des campagnes vont être lancées contre deux autres sociétés israéliennes : Mehadrin (qui possède entre autres la marque Jaffa) et Keter.
Les méthodes d’action et l’aspect juridique de la campagne ont été étudiées. Les succès de la campagne BDS sont de plus en plus importants. De nombreuses multinationales (Dexia, Alstom, Véolia…) ont subi de très lourdes pertes en raison de leurs investissements en Israël et certaines se sont désengagées. Laissons le dernier mot à un dirigeant (criminel) israélien : Ehud Barak écrivait l’an dernier que bientôt l’Etat Israël serait isolé et boycotté partout dans le monde s’il n’était pas capable de prendre une initiative. Donnons-lui raison ! Toutes les associations défendant les droits du peuple palestinien doivent adhérer à la campagne BDS-France.
Pierre Stambul (Ujfp)