Par André Rosevègue.
C’est un incident qu’il serait dommage de laisser dans l’oubli.
Les 23 et 24 mai, se tenait à Bordeaux un colloque de type universitaire « Procès Papon, 20 ans après », organisé par le Centre d’études des mondes moderne et contemporain (Université Bordeaux Montaigne), le Réseau aquitain pour la mémoire et l’histoire de l’immigration, le Comité Sousa Mendes et l’Association « Anonymes , Justes et Persécutés durant la période nazie dans les communes de France ».
La séance du 24 mai se déroulait dans les locaux du Conseil régional de Nouvelle Aquitaine, et c’est le matin même que les participants apprenaient qu’Aliza Bin Noun, l’Ambassadrice d’Israël, interviendrait l’après-midi. Les organisateurs avaient ainsi appris qu’elle s’était invitée, avec l’accord du président de la Région Alain Rousset qui devant les objections d’organisateurs mis devant le fait accompli avait parait-il déclaré : « je suis chez moi, je fais ce que je veux ».
Mal lui en pris. L’annonce a créé des remous. Jean-Pierre Labroille, un militant de la LDH Gironde, est intervenu : « « Je profite de ces quelques minutes pour vous faire part de ma surprise et de mon désaccord pour la présence cet après-midi d’un ambassadeur d’un pays étranger pour saluer ce colloque. L’histoire de ce procès appartient à tous, elle ne saurait être captée par un Etat étranger. Cette présence est d’autant plus choquante dans un colloque où l’on parle de droit, de justice, de mémoire et d’histoire que cet Etat bafoue le droit international et tire sur des manifestants désarmés. A quand le procès des assassins des manifestants de Gaza ? »
Il y a eu une tentative de la présidence de séance de le faire taire, mais en vain. Il y a eu des applaudissements, des soutiens dont l’avocat Raymond Blet, un des avocats des parties civiles au procès « on nous prend en otages ! », mais aussi des insultes « agent du Hamas ! »,…
Alerté (alors qu’il recevait une délégation de cheminots en manifestation devant le bâtiment au même moment), Alain Rousset faisait savoir avant la fin de la matinée que « l’Ambassadrice n’interviendrait pas ». Et il ne semble pas qu’elle soit même venue en spectatrice. En tout cas, personne n’a remarqué sa présence.
Leçon 1 : tous les universitaires ne sont pas encore acquis au Boycott universitaire, certains envisageaient de poursuivre leurs travaux devant l’Ambassadrice d’Israël, et même d’écouter son intervention dans un colloque où elle s’invitait.
Leçon 2 : il n’est pas toujours nécessaire de s’y prendre longtemps à l’avance pour contrecarrer une opération de propagande de la « hasbara » israélienne. L’Ambassadrice aura pu remarquer qu’il y a partout des personnes qui sont horrifiées par la politique menée par l’État qu’elle représente et qui, en l’occurrence, ne supportaient pas qu’elle puisse se présenter comme une représentante des victimes de la barbarie nazie.
André Rosevègue (UJFP Aquitaine, absent au colloque)