Dans le cadre d’un débat à l’UJFP en vue du prochain congrès de l’association, un texte rédigé par un groupe de militants faisait référence au sionisme, parlant d’un « nationalisme juif radical que nous condamnons. C’est contre celui-ci que se dressent les Israéliens pour la paix, comme le fit Arna Mer Khamis, après avoir combattu pour la création d’Israël ». Liliane Cordova-Kaczerginski, membre de l’UJFP et ancienne citoyenne israélienne qui a connu Arna personnellement, conteste cette description de la fondatrice du Théâtre de la Liberté de Jénine.
Dans une réponse au texte en question, Liliane écrit au sujet d’Arna : « À l’opposé de certains, qui ont tourné leur veste avec l’âge (sous prétexte de « réalisme »), elle a évolué dans le sens de la radicalité. » Puis en parlant des contradictions au sein des jeunes de Mapam, parti avec des références marxistes dans laquelle Arna a milité dans sa jeunesse, Liliane précise que ces contradictions ont « conduit Arna à s’engager au PCI (Parti communiste israélien). Les fondamentaux que soutenait ce parti : deux États, l’acceptation de thèses qui défendent une majorité juive dans les frontières de 67 (Ligne verte), et donc l’acceptation de la loi du retour (ce n’est pas le droit au retour des réfugiés palestiniens, mais la loi selon laquelle tout Juif peut immigrer en Israël et jouir de la citoyenneté dès l’arrivée). Les Palestiniens résidents en Israël ont été considérés jusqu’aux années 80 comme « les Arabes d’Israël », sans mentionner leur identité palestinienne. Depuis il y a eu un aggiornamento, mais pour le moment, la revendication d’un statut pour ces Palestiniens comme minorité nationale reconnue par le pouvoir israélien ne fait pas unanimité dans les rangs de ce parti. Arna a été, les 15 dernières années de sa vie, une marxiste-libertaire. Elle a quitté le PCI, a adhéré aux orientations de la gauche radicale comme Matzpen et a milité dans des associations diverses. Elle était favorable à un seul État et condamnait tout nationalisme et même patriotisme, mais avec une empathie pour le patriotisme des opprimés. Elle exprimait son profond mépris pour l’obscurantisme, le machisme, l’arrogance de tout côté et de toute nationalité. En même temps elle déployait une attitude pédagogique pour apporter des valeurs d’émancipation à son entourage, notamment envers ceux qui se trouvent en situation de domination. Le raccourci que le texte de ce groupe de militants fait de la personne d’Arna est réducteur et tendancieux. Arna était contre tout nationalisme juif, pas seulement celui qui est le plus faucon ; Arna n’était pas une « pacifiste » dans le sens classique. Elle soutenait la résistance civile mais aussi armée. Je pense que le film « Les enfants d’Arna » témoigne de ce point de vue. Les Israéliens qui contestent le nationalisme juif faucon sont ceux qui répondent au cadre de La Paix Maintenant, ou frôlent un peu Gush Shalom. Les Juifs israéliens anticolonialistes sont antinationalistes ; ils compatissent avec le patriotisme nationaliste des Palestiniens dû au contexte. » Merci à Liliane pour cette mise au point, qui approfondit notre connaissance de la gauche israélienne. Que le débat continue !