Plus de 210 Palestiniens tués en six mois, dont 47 mineurs par l’armée en tous types de circonstances, abattus lors d’attaques au couteau ou au tournevis, désarmés sur des checkpoints, blessés à terre, achevés par un soldat fier de son acte.
Des dizaines de maisons détruites et de terres confisquées, au point que l’UE s’est inquiétée auprès du gouvernement israélien de la forte augmentation de cette pratique. Un gouvernement qui vient d’annoncer l’autorisation de 82 unités de logements dans les colonies.
Et c’est dans ce contexte là que soudain il devient fondamental (pour qui et pourquoi, nous devons nous poser la question) de dénoncer la violence de l’attentat de Sarona Tel Aviv. Le plus souvent sans avoir jamais dit un mot sur la violence que nous venons de décrire.
L’UJFP a toujours dénoncé toute violence contre des civils, qu’ils soient palestiniens ou israéliens, juifs ou non, et a toujours en même temps refusé toute symétrie entre occupant et occupé, oppresseur et opprimé, notamment au niveau des attaques de civils, et a toujours pointé les responsabilités politiques écrasantes de ces attaques de civils, c’est-à-dire les régimes israéliens successifs d’oppression, d’occupation, de colonisation.
Le désespoir d’une vie écrasée et sacrifiée d’avance, d’un avenir bouché, d’un horizon inexistant dû :
– à l’impuissance politique d’une direction palestinienne divisée et au chaos que traverse le monde arabe,
– à l’arrogance et à la violence grandissante du gouvernement israélien, de l’armée et des colons contre eux,
– au refus des puissances occidentales de sanctionner Israël, ce qui revient à un permis de tuer.
Tels sont les responsables qui poussent aujourd’hui des jeunes gens à des attaques où et quand ils le peuvent, sans objectif autre qu’exprimer ce désespoir.
Les médias israéliens glosent actuellement sur les trous dans le Mur et son inefficacité. Ainsi la population israélienne (et d’autres avec elle) devrait se croire à la fois blanche de toute violence, victime d’une violence palestinienne sans cause, « radicalisée » comme ils disent, et protégée de cette violence par des murs. Le seul et pathétique espace de questionnement qui lui est ouvert est celui de leur herméticité.
Une population enfermée, qui vit sous la botte de l’armée et des colons, à la merci d’une rencontre malheureuse avec un soldat ou un colon, avec impunité acquise pour l’oppresseur, alors que ses fils et filles sont condamnés devant des tribunaux d’exception à des dizaines d’années de prison pour des jets de pierre, a le droit de résister.
La population palestinienne résiste massivement et quotidiennement dans la non-violence et le sumud [note]Sumud un terme palestinien désignant une forme de résistance faite de détermination et de ténacité.]] le plus souvent. Parfois, plus rarement, des combattants organisent une opération militaire (mais ces opérations sont de toute façon assimilées par le régime et les médias israéliens, voire européens à des attentats contre les civils) et parfois aussi des groupes, aujourd’hui des individus, organisent des attentats contre des civils.
Ceux qui ont vécu la guerre d’Algérie savent ce que cela signifie, tortures et violences de l’armée coloniale contre des civils, exactions impunies de l’OAS contre des civils, attentats du FLN contre des civils…
Pouvait-on décemment mettre sur le même plan, ces divers types de combattants ? Il y a aussi ceux qui se souviennent de l’occupation de la France et de la requalification des opérations de la Résistance en opérations terroristes. Une résistance dont personne n’aurait décemment exigé qu’elle soit désarmée ou « non violente ».
De même, pendant la guerre du Viêt Nam, on retrouvait l’idéologie coloniale dans la dénonciation systématique des opérations du Viêt-Cong par une presse tout aussi coloniale. Mais du Viêt Nam nous avons retenu une leçon : le colon ne peut gagner, aussi puissant soit-il, contre un peuple en lutte pour son indépendance et ses droits. La seule issue lorsqu’une population indigène et une population coloniale doivent coexister dans le même espace est celle du compromis, et du partage des droits, comme de la souveraineté.
L’écho français actuel sur les violences policières contre les manifestants opposés à la loi travail, devrait résonner à nos oreilles. Les médias du pouvoir se contentent de pointer la violence des manifestants et s’appliquent à gommer la répression policière qui accompagne la politique de mise au pas du salariat français, à coup de 49-3 et de démantèlement des systèmes de protection du travail. La méthode est globale, ne nous y trompons pas. Elle n’est pas nouvelle, mais le temps d’aujourd’hui est celui de l’effacement des causes et des responsabilités et du TINA (there is no alternative). Cela sert à imposer la loi du plus fort, envers et contre tout.
Le bureau national de l’UJFP, le 14 juin 2016.