La victime, le lampiste et les intouchables : ce que révèle le meurtre d’Abdel Fattah al-Sharif

Le 26 mars 2016, le soldat franco-israélien d’origine marocaine Elor Azaria assassinait d’une balle dans la tête Abdel Fattah al-Sharif, Palestinien de 21 ans, qui avait brandi un couteau contre son unité opérant au cœur de la Palestine occupée, à Al-Khalil/Hébron.

Rien ne justifiait ce meurtre : l’assaillant avait été arrêté, blessé et immobilisé au sol, et donc mis hors d’état de nuire. C’était un acte de revanche, un message envoyé à l’ensemble des Palestiniens vivant sous le joug de la dictature militaire israélienne : la soumission ou la mort.

Si l’assassinat n’avait pas été filmé, Elor Azaria n’aurait sûrement jamais été inquiété. Il aurait continué sa mission de sous-traitance de l’occupation : raids nocturnes, cassages de manifestations, protection des « propriétés » de colons, gestion humiliante des check-points.

Mais le fait est qu’Elor Azaria a été jugé. Et condamné. Le verdict est une insulte à l’humanité des Palestiniens. Leur vie vaudrait à peine dix-huit mois de prison…

D’ailleurs, de nombreux responsables politiques israéliens ont déjà indiqué que l’emprisonnement serait revu et aménagé par la justice militaire. Toutefois, dans le contexte israélien, la condamnation d’un soldat est un fait rarissime. On ne compte plus le nombre d’exécutions extra-judiciaires restées impunies, et dont les auteurs sont ensuite portés aux nues et considérés comme des protecteurs de la nation.

Seulement voilà : elles sont menées par des membres d’unités d’élite. Y faire ses armes est une garantie de s’insérer ensuite dans les strates sociales les plus élevées de la société. Et lorsqu’on les regarde de plus près, à de rares exceptions quoique notables, seuls des ashkénazes les intègrent. On voit ici la ligne de fracture ethnique qui divise non seulement la société entre Israéliens juifs et Palestiniens d’Israël, mais aussi les Israéliens juifs eux-mêmes entre ashkénazes et juifs orientaux « mizrahim ».

Aux ashkénazes, les postes plus gradés, les honneurs et l’impunité ; aux mizrahim, les sales besognes, le maintien de l’occupation raciste sur le terrain et la prison. C’est peut-être là l’un des paramètres d’explication du soutien excédé de ceux qui constituent la majorité de la population israélienne.

Le racisme est un élément indissociable du colonialisme. Il fait partie de son ADN. Le jugement d’Elor Azaria le prouve une fois encore. L’establishment militaire israélien, ashkénaze, s’en tire une fois de plus sans égratignure : en condamnant le soldat à une peine de prison – certes à une peine minimum –, il donne des gages à bien peu de frais aux organisations de défense des droits humains et à la communauté internationale afin que « Tsahal » continue d’être appréhendé comme une « armée morale » capable de se réformer.

La France s’enferme dans un silence assourdissant qui confine au mutisme. N’a-t-elle rien à dire lorsque l’un de ses citoyens est reconnu coupable d’un crime aussi odieux ? Va-t-elle ainsi valider la légèreté de la condamnation ? Nous aimerions qu’elle affirme haut et fort qu’aucun de ses citoyens – fussent-ils également militaires ou colons israéliens – n’est au-dessus des lois et risque un jour de répondre de leurs actes devant la justice française. Un peu de courage politique à la fin de votre mandat, monsieur le Président…

Pendant ce temps, l’occupation se poursuit, et son lot d’injustices avec : les victimes palestiniennes continuent de tomber, les lampistes mizrahim sont encore et toujours des variables d’ajustement, tandis que l’establishment politique et militaire ashkénaze reste intouchable et conserve ses privilèges.

Le Bureau de l’UJFP, le 25 février 2017


Le communiqué au format pdf : com_ujfp_soldat_condamne_25-2-17-2.pdf