Une lettre de Georges Gumpel au journal La Croix en réponse à un article paru début juin faisant la promotion touristique de la vallée de la Waschau – en Autriche – entre les villes de Krems et de Melk sans qu’il soit fait mention du camp d’extermination – annexe de celui de Mauthausen – pourtant en plein cœur de la ville de Melk.
Je réagis à votre article « En Autriche, la magie de la vallée de la Wachau. »« Cette vallée traversée par le Danube court entre les pittoresques villes de Krems et de Melk », écrivez-vous dans La Croix du 17 mai. Je ne suis pas un passionné des voyages touristiques, moins encore dans cette région… En effet, de Melk, je ne connais qu’un seul lieu : le camp d’extermination – un des nombreux camps satellites de Mauthausen (camp forteresse entièrement construit par les Républicains espagnols internés en France puis livrés par Vichy aux nazis) dans lequel, mon père – Alfred Gumpel – est entré le 29 janvier 1945, venant de Mauthausen où il était arrivé le 25 janvier 1945. Survivant d’une marche de la mort effectuée entre Auschwitz et Mauthausen, quelques jours avant la libération du camp par l’Armée Rouge. Le nom de Melk est entré dans mon histoire personnelle en mai 1945 lorsque ma mère a reçu l’avis de décès de mon père, identifié par La Croix Rouge internationale parmi les cadavres qui jonchaient les restes du camp de Melk. Sur la fiche individuelle concernant mon père conservée au Mémorial de Mauthausen, outre son matricule d’enregistrement – 117 796 – il est indiqué qu’il est un déporté politique classé Schuzthafling, c’est-à-dire qu’il représente un danger pour la sécurité de l’État… Puis, figure le nom de code du camp de Melk, sobrement intitulé Quarz. En effet, les déportés de Melk travaillaient et mourraient presque exclusivement dans les commandos intitulés « Quarz Gesmbh Compagnie dépendants de la firme Steyr Daimler Puch – SDP – chargée de creuser des usines souterraines dans les collines de Roggendorf. » Le camp de Melk a été ouvert le 22 avril 1944 dans l’ancienne caserne dite Freiherr von Birago, en plein centre de Melk. Un four crématoire a été construit dans l’enceinte du camp fin octobre 1944. La place d’appel du camp et le four crématoire étaient parfaitement visibles par les moines qui occupaient la superbe abbaye baroque qui surplombe la ville de Melk… Mais ils se sont tus, ils n’ont rien vu, comme la majorité des Autrichiens qui vivaient à proximité des camps d’extermination nazis.… La particularité de Melk est que ce camp n’a pas été libéré par l’armée américaine comme ce fut le cas à Mauthausen, puis à Ebensee. En effet, les nazis ont transféré tous les déportés encore valides et susceptibles de travailler à Ebensee le 11 avril 1945, les moins malades à Mauthausen. Ne laissant sur place que les morts et les mourants. Mon père était du nombre… Je ne suis pas un adepte de la Mémoire, évoquée sans principe en permanence, y compris par les plus hauts représentants de l’État. Mais je pense que la vérité est le meilleur outil pour lutter contre l’oubli et, aujourd’hui, pour lutter contre la falsification de l’Histoire.