Soutenir la cause palestinienne : oui
Donner des leçons aux Palestiniens : non !
En commençant j’aimerais préciser que nous Palestiniens, apprécions beaucoup la solidarité internationale avec notre cause juste et noble et que nous comptons beaucoup sur les mouvements de solidarité qui se développent partout dans le monde afin de soutenir les Palestiniens dans leur lutte pour la liberté et pour la paix.
Nous sommes convaincus que l’évolution de l’opinion publique internationale dans son soutien à la Palestine, est liée, outre les sacrifices des Palestiniens, aux différentes actions de ces solidaires de bonne volonté et de leurs structures et associations dans presque tous les pays.
Comme Palestinien francophone, je vais parler dans cet article des mouvements de solidarité dans le monde francophone, notamment en France. Je ne veux ni critiquer ni accuser ou décourager qui que ce soit, au contraire, mais je veux donner un point de vue objectif sur quelques propos et réactions de ces mouvements qui se définissent comme pro-palestiniens, mais qui sont souvent en train de donner des leçons aux Palestiniens sur leur façon de résister à l’occupation israélienne et sur le choix de leurs dirigeants et partis politiques. Ils sont heureusement minoritaires.
Ces mouvements ne se rendent pas compte, même si leur soutien à la cause palestinienne est sans relâche, que leurs propos blessent et choquent les Palestiniens qui souffrent de toutes les mesures de l’occupation israélienne, et que ces Palestiniens dans leur résistance au quotidien contre ces mesures, ont besoin d’une vraie solidarité internationale. Ces mouvements accusent les autres associations de solidarité et jugent souvent les Palestiniens dans leurs choix et leurs façons de résister à l’occupant. Dans ce cas, le combat se retourne contre les Palestiniens et les autres mouvements, au lieu de rester dirigé contre les crimes de leurs oppresseurs israéliens.
Personnellement, invité par les associations de solidarité et au travers des différentes conférences que j’ai données en France sur la Palestine, j’ai constaté cette réalité.
Depuis dix ans, je fréquente les associations de solidarité avec la Palestine dans ce pays, et j’ai décidé de travailler avec presque toutes ces associations, malgré leur division et leurs stratégies différentes, car, pour ma part, je n’interviens pas dans leurs affaires internes. Et quand ils me demandent comment aider les Palestiniens, et ce qu’on peut faire pour qu’en France les choses liées à notre cause avancent, ma réponse est claire : à vous de voir, à vous de décider, je ne suis pas venu pour donner des leçons, mais pour informer de la situation actuelle en Palestine et dans la bande de Gaza en particulier, avec le blocus et les différentes agressions israéliennes contre cette prison à ciel ouvert.
Ces mouvements font un travail remarquable pour la Palestine et je l’ai constaté moi même : manifestations, soutien, conférences, informations, mobilisation, actions de boycott, visite de solidarité, efforts, projets.
En France, j’ai rencontré des personnes solidaires magnifiques qui gardent la Palestine dans leur cœur. La Palestine c’est leur vie, leur quotidien, et, je ne vous le cache pas, ils font plus que certains Palestiniens pour notre cause. Ils donnent de leur temps, de leur argent.
En France, j’ai rencontré un grand soutien populaire, des personnes de bonne volonté, de vrais solidaires, de vieilles personnes qui parcourent des centaines de kilomètres pour assister à mes conférences, qui m’attendent à l’aéroport vers 5h du matin, qui m’hébergent, qui soutiennent mon département de français et les jeunes de Gaza.
Chaque fois, les militants m’accordent un accueil chaleureux, c’est ça la France pour moi : les amis, les solidaires, les gens de bonne volonté, les associations de solidarité. Pour moi, la France, ce n’est pas quelques politiques qui soutiennent trop souvent un Etat qui viole le droit international, tous les jours, en Palestine.
On constate que ces mouvements de solidarité sont divisés, et je pense que cela est normal. Même en Palestine, il y a division entre les différents partis politiques.
Cependant, ce qui me blesse, ainsi que beaucoup de Palestiniens, c’est que quelques mouvements essayent dans leurs analyses, leurs réactions et leurs propos, de se mettre à la place des Palestiniens, notamment dans trois cas précis :
Le choix des Palestiniens de leur futur Etat après l’indépendance, un Etat ou deux Etats. Ces mouvements demandent instamment aux Palestiniens d’opter pour la solution d’un Etat, même si cette solution est utopique. A mon avis, les Palestiniens sont conscients, et connaissent bien leur réalité sous occupation, et ce sont eux qui décident s’ils veulent faire la paix avec les Israéliens, ou non, s’ils veulent vivre seuls dans leur propre Etat, ou vivre dans un seul Etat. C’est à eux que revient le choix et à personne d’autre.
Le choix de forme de résistance en Palestine, armée, non-violente, populaire Je pense que ce sont la conjoncture et la réalité sur le terrain qui imposent le choix de forme de résistance. Ces mouvements demandent, sinon exigent, aux Palestiniens de prendre les armes pour lutter contre les soldats israéliens. Sachez que pour nous, toute forme de résistance est légitime et que la vraie résistance est la résistance au quotidien de toute une population civile : pêcheurs, femmes, familles, jeunes, travailleurs, étudiants, paysans, une population qui a décidé de rester digne sur sa terre et de continuer à s’attacher à sa patrie. Nous sommes pour la vie et non pour la mort !
Le choix de leurs partis, le Hamas, l’Autorité, le Fatah, la gauche : il y a quelques mouvements qui ne veulent pas travailler avec Gaza et ses différentes structures, car elle est contrôlée par le Hamas .Je leur dis, on est d’accord ou non avec le Hamas, mais ce parti a été élu démocratiquement. Après, c’est aux Gazaouis-et à eux seuls- d’accepter ou non le pouvoir de ce parti. D’autres accusent l’Autorité palestinienne à Ramallah d’être traître et complice avec les Israéliens. Mais l’Autorité existe, elle est élue, elle rend service aux milliers de Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, et ce sont aux Palestiniens de Cisjordanie-et à eux seuls- de décider de maintenir cette Autorité ou non.
Et quand un Palestinien critique n’importe quel parti politique, soit à Gaza soit en Cisjordanie, ces mouvements l’accusent et l’attaquent .Je vous rappelle que le Hamas, le Fatah, ou autres, sont des partis politiques palestiniens, et que n’importe quel Palestinien a le droit de les critiquer.
N’oubliez pas que votre soutien avant tout est un soutien à la population et à la société civile, aux associations, aux mouvements, c’est cette population qui résiste, contre le mur, la colonisation en Cisjordanie, et contre le blocus et les agressions israéliennes dans la bande de Gaza.
C’est pourquoi nous ne demandons jamais, nous, aux Français solidaires, s’ils sont de gauche ou de droite. Ces militants, quelques fois oublient que le vrai combat c’est le combat contre l’occupation. Et on les voit, soit attaquer les autres mouvements de solidarité, soit accuser les Palestiniens de leurs choix qui sont pourtant souverains. Nous subissons déjà le colonialisme israélien pour accepter des volontés extérieures d’interférer dans nos choix. Parmi ces militants, certains n’ont jamais mis les pieds en Palestine, ils sont déconnectés de la réalité vécue par les Palestiniens, et malgré tout cela, ils veulent que les Palestiniens agissent ou choisissent selon leurs propres critères. Comment accepter cela ?
Ces explications pour vous dire à vous solidaires de notre noble cause ces quelques mots venus du cœur :
Soyons tous vigilants
La lutte continue en Palestine
Le combat, c’est notre combat à nous tous
Palestiniens et solidaires pour la justice en Palestine.
Vive la solidarité internationale avec les Palestiniens.