Le 11 octobre, au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, un élu du RN, Julien Odoul, s’en est pris en pleine séance à une mère de famille portant le hijab. Elle accompagnait une sortie scolaire d’élèves de CM2 venus observer la démocratie en action et l’application des valeurs de la République. C’est d’un déchaînement de violence raciste qu’ils seront finalement témoins.
Les propos de l’élu d’extrême-droite sont insupportables : « Je vais vous demander, s’il vous plaît, au nom de nos principes laïques, de bien vouloir demander à l’accompagnatrice qui vient d’entrer dans cette salle de bien vouloir retirer son voile islamique. Nous sommes dans un bâtiment public, nous sommes dans une enceinte démocratique (sic), madame a tout le loisir de garder son voile chez elle, dans la rue, mais pas ici ! Après l’assassinat de nos quatre policiers, nous ne pouvons pas tolérer cette provocation communautariste. »
Tous les élus RN quittèrent ensuite avec fracas la salle, après que la présidente PS du conseil, Marie-Guite Dufay, a refusé d’expulser la maman. Une vidéo montre le petit garçon, pleurant, le visage enfoui dans la robe de sa mère qui est restée digne et silencieuse. Un peu plus tard, dans les toilettes du Conseil régional, la maman est à nouveau agressée par une élue du RN : « Vous êtes soumise, vous allez voir, quand les Russes vont arriver, vous allez dégager ! »
On assiste à une falsification de plus de la laïcité, pour reprendre les mots de Jean Baubérot, l’ancien titulaire de la Chaire d’Histoire et de sociologie de la laïcité à l’École pratique des hautes études. Rappelons que la laïcité concerne l’État, qui doit être neutre par rapport aux religions et garantir la liberté de conscience de tou.te.s. « Seuls les agents qui exercent une mission de service public sont tenus à une stricte neutralité en application du principe de laïcité ». Le Conseil d’État a d’ailleurs annulé les dispositions de la circulaire Chatel de 2012, qui dévoyait ce principe au point de vouloir l’appliquer aux accompagnantes des sorties scolaires.
Si ça et là, des réactions hostile au RN ont été enregistrées, leurs motivations sont pour le moins douteuses. Ainsi quand Marlène Schiappa indique, sur Twitter, que « C’est en humiliant les mères publiquement devant leurs enfants qu’on crée du communautarisme. » Et que dire de l’attitude du Ministre Blanquer qui, plutôt que de rappeler la règle et de condamner son interprétation abusive, se range du côté des falsificateurs de la laïcité en déclarant que « le voile islamique n’est pas souhaitable dans la société » ?
La gauche non plus n’est pas à la hauteur des évènements. Que lui faut-il de plus pour qu’elle cesse d’ergoter sur l’étymologie de l’islamophobie et qu’elle constate sa réalité et ses effets dévastateurs ? Dénoncer son instrumentalisation par le pouvoir néolibéral, qui monte les fractions des classes populaires les unes contre les autres alors qu’il s’attaque à notre système de retraite, ne suffit pas. Elle doit faire de la lutte contre l’islamophobie une priorité de son agenda politique. Encore faut-il qu’elle admette une fois pour toute la réalité de cette forme de racisme qui se déploie du sommet de l’État jusqu’à nos rues, et qu’elle réalise que ses silences et sa tiédeur la rendent complice de l’humiliation de millions d’enfants, de femmes et d’hommes.
L’élu RN du Conseil régional de Dijon a logiquement pris appui sur l’appel à la « vigilance citoyenne » lancé par Emmanuel Macron, après l’attaque à la préfecture de police de Paris, pour justifier le fait de prendre à partie une mère de famille voilée. Le gouvernement porte une lourde responsabilité dans cette affaire, en ce qu’il organise la légitimation et une libération toujours plus profonde de la parole raciste.
A quand des campagnes d’éducation civique avec dévoilement des mères voilées, pour rappeler notre grande Histoire et les cérémonies de dévoilement dans l’Algérie coloniale ?
La Commission antiracisme politique pour la Coordination nationale de l’UJFP, le 15 octobre 2019
L’UJPF appelle au rassemblement contre l’islamophobie, le 19 octobre 2019 à République