par Ivar Ekeland.
Intervention lors du colloque organisé par le CVPR, « L’économie de la Palestine, asphyxiée et pourtant vivante » le 11 Avril 2015 au Sénat
Le dé-développement, c’est-à-dire le fait d’empêcher par la force une population de se développer économiquement, et de détruire les industries naissantes et les organisations commerciales qui, laissées à elles-mêmes, en aurait fait un concurrent pour les puissances occidentales, a des racines coloniales qui plongent très loin dans le passé. En 1838, l’Egypte de Mohammed Ali avait investi 12 Millions de livres sterling (une somme énorme pour l’époque) dans l’industrie lourde, qui employait déjà trente à quarante mille personnes. Situation intolérable pour les Européens, comme le soulignait un contemporain « Tout cet excellent coton qui est gaspillé, au lieu de nous être vendu ! Et c’est d’autant plus exaspérant que les travailleurs qui sont ainsi attirés dans les usines sont ainsi retirés du travail de la terre. ». Aussi ne tardèrent-ils pas à y mettre bon ordre : une intervention militaire de la « communauté internationale » en 1839-41 contraignit Mohammed Ali à supprimer son armée (qui était le principal client de son industrie lourde) et supprima les barrières douanières qui protégeaient son industrie naissante. La fin de l’Empire Ottoman consacre la domination économique et militaire de l’Occident. Les grands investissements, comme le canal de Suez, et les ressources naturelles, notamment le pétrole, sont solidement entre des mains étrangères : c’est l’époque où est fondée la Anglo-Persian Oil Company, devenue depuis BP, une des sept sœurs qui se partagent encore aujourd’hui le pétrole mondial.