La Palestine abandonnée – Sionisme et révisionnisme, une histoire ancienne

Deux articles de Pierre Stambul parus dans le numéro 256 d’Alternative Libertaire page 16.

La Palestine abandonnée

Quand les historiens analyseront avec recul ce que l’on vit en ce moment dans la guerre que l’État d’Israël mène contre le peuple palestinien, l’histoire sera hélas facile à raconter.
La « communauté internationale » a fait pression dès les accords d’Oslo sur les Palestiniens pour qu’ils capitulent sur leurs revendications essentielles et pour qu’ils acceptent de vivre dans une réserve qu’on aurait appelée « État palestinien ». Mais les Palestiniens ont refusé d’abdiquer.
Ils sont punis depuis maintenant plus de 20 ans. De façon éhontée, la « communauté internationale » est complice de ce qu’Israël inflige à la Palestine : occupation, colonisation, apartheid, fragmentation, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La Palestine n’a pas d’État, mais elle a deux gouvernements rivaux préoccupés essentiellement à leur propre survie. Avec le chaos que vit le Proche-Orient, la contre-révolution menée en Égypte permet à la dictature militaire de boucler l’unique point de passage avec Gaza non contrôlé par l’occupant. L’Arabie Saoudite qui n’a jamais aidé les Palestiniens consacre ses milliards de dollars à combattre au Yémen au côté d’al-Qaida. Et en Syrie, les Palestiniens sont pris entre deux feux. Quand ils ne sont pas bombardés par les troupes d’Assad, ils sont égorgés par Daech.

Une révolte spontanée et désespérée
Il n’y a aucun chef d’orchestre et aucune direction organisée dans ce qu’on appelle « l’Intifada des couteaux ». Les Palestinien-ne-s disent à l’unanimité qu’ils n’ont aucun avenir. Mahmoud Abbas a reconnu avec 20 ans de retard qu’Oslo était caduc.
Les provocations israéliennes sont incessantes et impunies : la famille Dawabcheh brûlée vive dans sa maison par des colons facilement identifiables, une secte millénariste juive défilant sur l’esplanade des mosquées et Nétanyahou proposant de transformer al-Aqsa en synagogue, sept adolescents assassinés pendant une manifestation près de la « barrière de sécurité » à Gaza, des militant-e-s non-violent-e-s connu-e-s des internationaux assassinés à Hébron et Bethléem, un réfugié érythréen pris pour un « Arabe », lynché et achevé à Beersheba… Alors, même en donnant leur vie, des Palestinien-ne-s de base essaient de « faire mal » à ce rouleau compresseur.

Sanctionner l’occupant
Bien sûr, on sent qu’en Israël même, des intellectuels commencent à avoir des doutes et ressentent le caractère suicidaire de la politique menée. L’Europe a fini par demander « l’étiquetage » des produits des colonies, ce qui est d’une hypocrisie rare : imagine-t-on une vente libre de médicaments empoisonnés avec juste un étiquetage : « attention poison » ? Puisque l’Europe considère la colonisation illégale, elle doit interdire les produits des colonies.
Le gouvernement français est le pire dans la complicité avec l’apartheid comme il est déjà le pire en vendant des armes à l’Arabie Saoudite (qui combat au Yémen aux côtés de ceux qui ont commandité l’attentat contre Charlie).
Avec le jugement de la cour de cassation du 20 octobre condamnant nos camarades de Mulhouse, l’État français voudrait criminaliser le BDS. Nous ne laisserons pas faire. Nous sommes un des rares espoirs des Palestiniens.
Le mouvement de solidarité ne doit pas se tromper d’objectif : il n’y a rien à attendre d’une hypothétique solution diplomatique ou d’une reconnaissance de la Palestine à l’ONU. La diplomatie pourra aider un rapport de force établi sur le terrain mais ce sont la résistance du peuple palestinien et l’aide que nous saurons lui apporter qui sont en mesure d’arrêter le sociocide à l’œuvre.


Sionisme et révisionnisme,
une histoire ancienne

« Hitler ne voulait pas à l’époque exterminer les juifs, il voulait expulser les juifs. Et Hadj Amin al-Husseini est allé voir Hitler en disant : “Si vous les expulsez, ils viendront tous ici.” “Que dois-je faire d’eux ?”, demanda-t-il. Il a répondu : “Brûlez-les.” »
Il ne faut pas être surpris par cette déclaration faite par Nétanyahou devant le Congrès Juif Mondial. La surprise, c’est plutôt qu’elle n’a provoqué sur le coup aucune réaction.
D’un côté, on retrouve un leitmotive de la politique israélienne : « nous sommes des Européens. Notre ennemi, c’est le monde arabe, les musulmans, les sauvages, les bronzés. Nous sommes à l’avant-garde dans la guerre du bien contre le mal ». Il faut donc diaboliser au maximum cet empire du mal. Ces slogans sont anciens en Israël : « Arafat est un nouvel Hitler », « les Palestiniens sont des nouveaux nazis, il veulent jeter les Juifs à la mer ». Nétanyahou est allé beaucoup plus loin en dédouanant Hitler du judéocide pour l’attribuer aux Palestiniens. Il faut dire qu’Israël reçoit un appui important de toute l’extrême droite antisémite : les chrétiens sionistes, les partis héritiers des collabos d’Europe orientale, et à présent Marine le Pen.
Le père de Nétanyahou, Bentsion, fut le secrétaire particulier de Zeev Jabotinsky (mort en 1940). Ce dernier a fondé l’aile du sionisme qui s’est elle-même intitulée « révisionniste ». Jabotinsky fut un grand admirateur de Mussolini. À la même époque (1933), son adversaire, Ben Gourion signait avec les Nazis les accords de Haavara qui permettaient aux Juifs allemands de partir avec leurs biens en Palestine.
Le futur Premier ministre israélien Itzhak Shamir, disciple de Jabotinsky ne fut pas seulement un terroriste mais un collabo : il a fait assassiner des dirigeants britanniques jusqu’en 1944 alors que la destruction des Juifs d’Europe était à son paroxysme.
Nétanyahou retrouve donc les « accents » de son courant politique. Quant au mufti de Jérusalem, s’il fut un authentique collaborateur des Nazis, il fut bien isolé dans un monde arabe beaucoup moins contaminé que l’Europe (lire à ce sujet « les Arabes et la Shoah » de Gilbert Achkar).
Chaque fois qu’on critique la politique israélienne ou le sionisme, on est instantanément traité d’antisémite. Le révisionnisme de Nétanyahou aidera sans nul doute à faire apparaître l’obscénité de cette instrumentalisation.

Pierre Stambul