La mémoire selon le préfet des Alpes-Maritimes ou l’occultation de l’histoire

Cédric Herrou

Le 22 octobre 2018, Cédric Herrou comparaîtra à nouveau devant le Tribunal correctionnel de Nice, sur une plainte du Préfet des Alpes-Maritimes, Monsieur Georges-François Leclerc, pour injure publique.

En effet, Cédric Herrou a publié le 12 juin 2017 sur sa page Facebook, la phrase suivante : « peut-être, le préfet des Alpes-Maritimes pourrait s’inspirer des accords avec la SNCF pendant la seconde guerre mondiale pour le transport des juifs pour gérer le transport des demandeurs d’asile. Bref, s’inspirer du pire pour faire le meilleur. »

Au-delà d’une légère erreur à propos du terme « accord » les propos de Cédric Herrou ne sont pas injurieux mais sont d’une extrême actualité.

Souvenons-nous, des conséquences de la signature à Rethondes le 22 juin 1940, de la Convention d’armistice, et en particulier de son article 13, transférant les chemins de fer de la zone occupée et la mise à disposition nécessaire du personnel spécialisé à l’occupant. Ce dernier fixant lui-même ses priorités.

Ainsi, l’indépendance de la SNCF fut réduite à la seule zone libre.

C’est au regard de cette nouvelle situation, que nous devons comprendre le rôle exact de la SNCF dans la déportation et l’extermination des juifs de France.

Dans la zone occupée, et selon la Convention, la SNCF n’est que prestataire de service auprès des nazis pour la fourniture des locomotives et leurs équipages de conduite, permettant la déportation des juifs à partir de Drancy et des prisonniers politiques à partir de Compiègne.

Par contre, dans la zone libre, la SNCF reste une société d’État et dans le cas du transfert des juifs parqués dans les camps de concentration du Sud et celui des juifs victimes de rafles, celle-ci répond aux demandes des préfets des départements concernés. Elle fournit le matériel nécessaire et facture le transfert de chaque interné, au tarif d’un voyage en troisième classe. Les factures sont régulièrement adressées aux préfets concernés comme l’attestent les rappels pour impayé, émis par le Service de Recouvrement des Impayés de la SNCF, aux mêmes préfets, bien après la Libération de la France.

Petite précision : le plombage des wagons où sont enfermés les malheureux, est effectué sous l’autorité d’un Commissaire divisionnaire de la police française.

Ces pratiques sont en vigueur dans tous les départements de la zone libre.

Dans celui des Alpes-Maritimes, elles sont interrompues à partir de l’occupation italienne du 11 novembre 1942, au grand dam du préfet Marcel Ribière, ardent pétainiste qui, dans son rapport du 14 janvier 1943, exprime « son irritation de voir la souveraineté de la France bafouée. »

Nous devons nous souvenir que sous la férule de ce préfet, les 26 et 27 août 1942, 557 juifs étrangers avaient été arrêtés -dont une vingtaine d’enfants- et transférés à Drancy.

Ces pratiques reprennent après l’occupation totale de la zone libre par les Allemands, à la suite du retrait italien.

C’est cette participation active et dûment facturée, à la destruction des juifs de France que le président de la SNCF, Guillaume Pépy a été contraint en novembre 2002 aux États-Unis, d’exprimer au nom de la SNCF : « ses profonds regrets pour son rôle dans la déportation des juifs de France et sa profonde peine », afin d’obtenir au bénéfice de son entreprise, de juteux contrats.

Pour mémoire : 76000 juifs dont 11000 enfants furent déportés. 4169 dont près de 430 enfants avaient été arrêtés et transférés à Drancy pour le seul département des Alpes Maritimes.

Tout cela, naturellement, Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes, en tant que représentant de l’État – ne peut l’ignorer.

C’est bien ce que Cédric Herrou rappelle à juste titre ; affirmation que l’UJFP partage totalement.

L’Histoire et notre Mémoire, ne peuvent être à géométrie variable, n’en déplaise à Monsieur le Préfet.

Pour l’UJFP, Georges GUMPEL
Fils de déporté, mort pour la France, à Melk camp annexe de Mauthausen en avril 1945. Partie civile au procès de Klaus Barbie.