samedi 28 mars 2020 par Collectif Justice pour Angelo
À nos corps défendant, les raisons sanitaires nous ont fait reporter notre Marche pour Angelo, et toutes les victimes du racisme et de la violence de l’État. Trois ans après la mise à mort d’Angelo le 30 mars 2017 à Seur, il sera douloureux de ne pas nous rassembler ce 28 mars à Blois pour honorer sa mémoire, et crier notre exigence de Justice et Vérité, comme nous le faisons et le referons chaque année. De même, pour toutes nos familles de victimes mobilisées contre l’impunité des violences policières, il a été douloureux de ne pas marcher le 14 mars dernier à Paris. Nous n’en avons pas décidé ainsi sous la contrainte des autorités de ce pays, mais par nécessité, avec ce souci de chacun·e et du bien commun, cette conscience solidaire qui puissamment nous anime et nous rend libres.
La Marche « Un procès doit avoir lieu » pour Angelo et toutes les victimes est reportée, mais le combat continue, qui nous relie encore davantage alors que nous devons momentanément, pour préserver les vies, tenir nos corps distanciés.
La Marche est reportée mais nos raisons de l’appeler sont encore plus grandes. Plus que jamais nous voulons « protéger les vies, les corps, les droits de toutes et tous, face aux forces chargées de nous imposer un ordre toujours plus violemment inégalitaire, antisocial et autoritaire » ; et donc dénoncer ce régime dont on ne sait jusqu’où il ira dans le cynisme et l’opportunisme afin de s’installer irréversiblement.
Nous refusons que la crise sanitaire serve de prétexte pour accentuer à outrance ses causes-mêmes, la guerre qui nous est faite, la prédation économique, le pillage du bien public, le massacre de nos droits sociaux et démocratiques, l’inégalité dans la prise en compte des vies. Celles qui étaient déjà déconsidérées, sacrifiées hier, le sont toujours plus aujourd’hui.
Nous refusons que la lutte contre le Covid-19 serve de prétexte pour totaliser l’arbitraire policier. Chaque jour nous devons nous tenir informés de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires liberticides et coercitives, écrasant un peu plus notre désir, notre volonté de renforcer nos solidarités, de nous organiser par nous-mêmes pour fonder une autre société.
Hier nous dénoncions les abus de la force publique, ses contrôles racistes au faciès, ses vexations et brutalités mortifères. Aujourd’hui nous sommes toutes et tous officiellement contrôlables sans autre motif que notre présence dans l’espace public. Les agents décident à leur guise si nous y circulons dans les règles ou pas, et peuvent en fonction réprimer et violenter leurs cibles privilégiées à volonté.
Hier nous dénoncions les non-lieux dans les homicides causés par la force publique armée, ces décisions de justice prises à huis-clos qui sanctifient la parole de l’auteur assermenté, pour décriminaliser sans procès son acte meurtrier. Aujourd’hui aucun procès public ne peut plus avoir lieu.
Hier nous dénoncions l’engrenage carcéral dont Angelo est mort pour avoir cherché à y échapper. Aujourd’hui toutes les personnes qui étaient déjà privées de liberté dans des conditions indignes sont potentiellement condamnées à mourir de la pandémie, ou de la répression lorsque comme en Italie, elles s’insurgent.
Dans ce contexte renforçant un état d’exception déjà permanent, la légitimité de notre lutte contre les pouvoirs illimités dévolus aux forces de l’ordre, et notre détermination à la porter, continuent de grandir. On ne sait jusqu’à quand va durer la nécessité du confinement, mais le temps passant sous l’empire étouffant d’une loi d’urgence scélérate fait grandir en nous la colère et l’impatience de se retrouver, pour tout changer.
La Marche est reportée, mais nos revendications contre l’impunité des violences policières restent de la plus vitale actualité.
• Plus que jamais, songeant aux lendemains qui se préparent, nous exigeons l’interdiction des techniques d’immobilisation meurtrières et l’utilisation d’armement de guerre dans nos quartiers et nos mobilisations.
• Plus que jamais nous revendiquons l’abrogation de l’article L435-1 du code de la sécurité intérieure, ce permis de tuer autorisant l’ouverture du feu par les forces de l’ordre au-delà du cadre général de la légitime défense ; et nous dénonçons le recours aux non-lieux dans les homicides par balles commis au nom de l’État. Quand la force publique tue, un procès public doit avoir lieu.
• Plus que jamais notre appel reste ouvert à la signature des collectifs de familles et des structures souhaitant ré-affirmer ainsi leur soutien toujours plus précieux, la puissance de nos solidarités.
Quand malgré la menace virale beaucoup doivent continuer à travailler, parfois contre leur gré dans des secteurs d’activité non-essentiels, parfois au contraire pour soigner et répondre à tous les besoins vitaux, nous n’oublions pas qu’il y a peu, tant de ces personnes indispensables ont été confrontées aux gaz, aux coups, à la violence policière et à la répression judiciaire, parce qu’elles combattaient la dégradation de leurs conditions de travail et du service vital rendu au public.
Plus que jamais nous restons mobilisé·es « comme une seule famille, pour toutes les victimes tuées, blessées, humiliées, discriminées, précarisées, exilées, réprimées, enfermées par la violence d’État, et pour ne pas laisser tuer l’espoir et l’avenir de nos enfants. »
Nous trouverons des voies pour mener le combat, continuer à faire entendre nos voix, dans les semaines de confinement restant à venir. Puis quand il sera temps, nos corps en lutte reprendront massivement l’espace public. D’ici là prenons soin de nous tout·es, en force et en responsabilité, individuelle et collective.
Aurélie Garand pour la famille,
Et le collectif Justice pour Angelo
26 mars 2020