La lutte contre l’antisémitisme instrumentalisée à l’Assemblée Nationale

Publié sur le site de l’Agence Média Palestine le 18 juillet 2019.

Une résolution, portée le 20 mai 2019 par le député LREM de la première circonscription de Paris Sylvain Maillard, a pour objectif de faire adopter par l’Assemblée Nationale la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (International Holocauste Remembrance Alliance) [note]http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion1952.asp. Celle-ci tend dangereusement vers la restriction de toute expression critique vis-à-vis de la politique d’Israël, et donc de toute solidarité avec la résistance palestinienne à l’occupation, la colonisation et l’apartheid [note]https://www.agencemediapalestine.fr/blog/2019/06/14/10-raisons-pour-lesquelles-lanti-sionisme-nest-pas-lantisemitisme-et-pourquoi-les-deputes-francais-doivent-rejeter-la-resolution-sur-ce-sujet/.

Cette tentative s’inscrit dans une longue série de manœuvres ayant commencé peu après l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République [note]https://blogs.mediapart.fr/dominique-vidal/blog/020619/colin-maillard-lassemblee. Tout récemment encore, l’examen de la résolution ayant été reporté au mois d’octobre, Sylvain Maillard et quelques-uns de ses collègues ont tenté de soumettre plusieurs amendements allant dans le même sens, lors de l’examen de la proposition de loi « visant à lutter contre la haine sur Internet » [note]http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion1785.asp, https://lcp.fr/actualites/haine-sur-internet-le-debat-sur-l-antisemitisme-s-invite-dans-l-examen-de-la-proposition.

Concernant la juste lutte contre l’antisémitisme, il y aurait matière à louer une telle persévérance. Malheureusement, la démarche mise en avant par les parlementaires à l’origine de la résolution, fait ici l’objet d’une instrumentalisation patente.

En effet, le zélé rédacteur de la résolution, vice-président du Groupe d’amitié France-Israël de l’Assemblée Nationale, est un habitué des « rencontres stratégiques » organisés par Elnet (European Leadership Network). Elnet est l’organisation qui organise depuis quelques années des voyages en Israël de délégations parlementaires françaises [note]https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/lobbys-un-encadrement-encore-insuffisant-132645, dénoncés comme partisans par les militants soutenant l’application du droit international en Palestine/Israël [note]https://www.agencemediapalestine.fr/blog/2013/06/05/une-delegation-eelv-en-israel-pilotee-par-une-officine-pro-israelienne/.

Le directeur exécutif de Elnet, Arié Bensemhoun, candidat malheureux à la présidence du Crif, est aussi connu pour ses discours extrémistes, qui n’ont rien à envier à la rhétorique de l’extrême-droite israélienne [note]https://www.jforum.fr/Arie-Bensemhoun-les-juifs-doivent-quitter-Toulouse.html. Il affiche sans complexe sa proximité avec le ministère israélien des affaires stratégiques [note]https://twitter.com/ariebens/status/1141030797421535233]], dont les méthodes de manipulation de l’opinion et d’intimidation des militants pro-palestiniens, mises en œuvre en toute impunité dans plusieurs pays, sont désormais largement avérées et décriées [note]https://orientxxi.info/magazine/un-si-mysterieux-ministere-israelien-des-affaires-strategiques,2707, http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2019/07/05/comment-les-espions-israeliens-inondent-facebook-et-twitter/.

Elnet offre en surface un discours assez policé, se proclame « indépendante et apolitique », et prétend œuvrer pour « la paix et la prospérité ». Des professions de foi particulièrement peu crédibles pour une organisation qui compte parmi ses partenaires et intervenants réguliers des responsables de groupes de colons en Cisjordanie [note]http://elnetwork.fr/rencontres-strategiques-delnet-28-mai-2019]]…

Ce n’est donc pas un hasard si le voyage organisé par Elnet en juillet 2019 pour des parlementaires français incluait une visite de Jérusalem-Est occupée, et en particulier un site archéologique illégalement géré par Israël et par l’organisation d’extrême droite Elad. L’AFP rapporte dans une dépêche [note]http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion1952.asp que « Ces députés et sénateurs français y ont visité une route souterraine inaugurée récemment par l’association israélienne nationaliste Elad, qui gère le lieu avec l’Autorité nationale israélienne de la nature et des parcs. Selon Elad, dont le but avoué est de renforcer la présence des colons juifs dans ce quartier palestinien, cette route était utilisée il y a environ 2000 ans pour le pèlerinage vers le Second Temple juif. » [note]https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/201907/16/01-5234092-israel-des-parlementaires-francais-en-visite-sur-un-site-controverse.php.

Complice de ces raisonnements religieux intégristes et révisionnistes, Sylvain Maillard va d’ailleurs jusqu’à inclure, dans la résolution qu’il propose, une revendication majeure de ces colons fanatiques et de tous les soutiens du régime d’extrême droite israélien actuellement au pouvoir. En effet, il veut que l’Assemblée nationale française reconnaisse Israël en tant qu’État juif, en dépit du droit international et des résolutions de l’ONU. Alignée sur la loi dite de l’ « État nation », votée par le gouvernement israélien en juillet dernier, cette résolution se place donc en défense d’un régime officiel d’apartheid et de ségrégation en Israël, et vise à criminaliser encore un peu plus les défenseurs des droits humains.

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