27.07.2018 – La première conférence sioniste à Bâle en 1897 a annoncé que « le sionisme cherche à établir un foyer national pour le peuple juif sur la terre d’Israël » et malgré la Déclaration d’Indépendance déclarant la création d’un ‘Etat juif sur la terre de Israël’, la droite israélienne n’a manqué aucune occasion de renforcer et de réaffirmer cette idée et de s’assurer qu’elle est pleinement appliquée.
La loi sur l’Etat juif : une guerre de religion en puissance
La loi notoire et controversée adoptée la semaine dernière ne fait que renforcer la discrimination, l’ethnocratie et le statut d’apartheid d’Israël. Elle a déclaré qu’Israël est un État national pour les juifs du monde entier et a mis la judéité de l’État avant sa démocratie, a réduit le statut non seulement de la langue arabe mais aussi des 20% de la population palestinienne d’Israël à celui de citoyens de seconde classe.
Ce ne fut pas la seule tentative d’adoption de la loi. Elle a échoué à plusieurs reprises car même le parti de droite Likoud a réalisé les dégâts de relations publiques qu’elle pouvait causer à l’image d’Israël et rendre le travail de ‘hasbara’ et du Ministère des affaires stratégiques (les machines de propagande internationale d’Israël) plus difficile. Cette fois, cependant, elle a été adoptée à la Knesset.
Ignorer les effets dommageables
Les législateurs israéliens de droite étaient tout à fait conscients des dommages que ce projet de loi leur causerait, mais ils ont continué d’essayer de le faire adopter à la Knesset (pour que d’autres les rejoignent) jusqu’à ce qu’il soit approuvé lors du dernier vote.
Ils espèrent sans doute tirer des bénéfices supérieurs aux dommages qu’ils ont causés en bloquant toute tentative future de parvenir à une solution à un État (avec la solution d’un État démocratique, ou la solution d’un Etat bi-ethnique/binational) qui les obligerait à « concéder » un territoire aux « Arabes » (les Palestiniens de 1948 dont ils ne veulent pas à reconnaître l’existence).
Au moment où la nouvelle loi est votée, Israël traverse une bataille démographique où 20% de sa population est composée de Palestiniens qui ont survécu au nettoyage ethnique de leur patrie en 1948. Les responsables israéliens savent pertinemment que la population palestinienne croît beaucoup plus vite que la population juive. D’ici 2020, si ce n’est pas bien avant, les Palestiniens à l’intérieur de la Palestine historique (Palestine mandataire) dépasseront en nombre la population juive d’Israël ; 56% de la population devrait être palestinienne contre 44% juive. Certains estiment qu’en ce moment même, les Palestiniens ont légèrement dépassé le nombre de Juifs à l’intérieur de la Palestine historique.
D’un autre côté, la décision ne consiste pas seulement à se débarrasser du peuple palestinien. La judéité de l’État est devenue une question d’incitation politique parmi les partis. Plus vous sonnez juif, plus vous avez de votes, et pire encore : plus vous sonnez de droite, plus vous gagnez de voix. Cette formule a même rendu la gauche (à l’exception du parti d’extrême-gauche Meretz) timide dans son « rejet » de la loi.
D’une manière ou d’une autre, la loi comporte aussi des aspects du fossé religieux-laïque en Israël. Depuis le tout début, les juifs religieux (en particulier les Sépharades et les Haredim) ont été marginalisés alors qu’ils s’échinaient à pousser pour un mode de vie plus juif en Israël. Cela se manifeste dans les vacances, les pauses du samedi entre autres choses. Cette loi renforcera les revendications de cette section d’Israël.
Conséquences politiques
Cette loi n’est rien d’autre qu’une « auto-déclaration effective d’Israël en tant qu’État d’Apartheid ». Elle a légitimé la ségrégation et la discrimination non seulement contre les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza mais contre les citoyens palestiniens d’Israël et les communautés druzes qui ont historiquement combattu pour Israël. Leur langue est dévaluée, leur identité a été légalement rendue étrangère à la terre qu’ils possèdent. Les citoyens palestiniens d’Israël sont désormais des citoyens de seconde classe dans l’ethnocratie d’Israël, tandis que ceux qui vivent en Cisjordanie et à Gaza continueront à vivre sans droits politiques. La solution impliquée par la nouvelle loi est simple : Pars ou meurs !
Le plus dangereux dans cette loi, c’est qu’elle bloque toute perspective de solution politique puisque le gouvernement ne peut pas négocier sur ce que la Knesset a officiellement légalisé. Le pouvoir législatif appartient au Parlement, c’est-à-dire à la Knesset, et l’exécutif ne peut que manœuvrer autour de ce que la Knesset a ordonné lorsqu’il négocie avec les Palestiniens.
D’une manière générale, la nouvelle loi a officiellement légalisé le statu quo. Les colonies, Jérusalem-Est, la discrimination systématique, tout est devenu la loi ! Elle a effectivement fait d’Israël une ethnocratie et un État d’apartheid par la loi comme cela l’est par la pratique.
Beaucoup de lois discriminatoires sont renforcées par cette loi, à savoir : la loi sur les Terres d’Israël (1960) qui prive les Palestiniens du droit d’acquérir et de louer des terres ; la Loi sur les biens des Absents (1950) qui nie le droit des Palestiniens à retourner dans leurs maisons et leurs propriétés ; la « violation de la loi de loyauté » (2018) qui révoque la résidence de milliers de Palestiniens à Jérusalem ; l’interdiction du regroupement familial (2003) qui empêche que les familles palestiniennes se réunissent ; la loi Nakba (2011) qui interdit aux Palestiniens d’Israël de commémorer la Journée de la Nakba. Pour n’en citer que quelques-unes.
Les mauvais traitements, la discrimination sur le plan légal, bureaucratique et même social, rapprocheront Israël d’un Etat qui ne sera pas mieux que les Etats totalitaires du 20ème siècle !
Et après
La nouvelle loi pourrait non seulement accroître la discrimination, mais (j’espère que je me trompe) elle pourrait redéfinir la lutte en tant qu’une guerre de religion, et, oui, c’est la Knesset qui en est responsable. Ceux qui se soucient de paix et de justice doivent s’efforcer d’empêcher que cela ne se produise et redéfinir la lutte avec la terminologie correcte : une lutte coloniale entre des colonisés et des colonisateurs. Ceux qui veulent la liberté, les droits politiques et civils, et ceux qui veulent sucer le sang et les ressources des personnes plus faibles d’un point de vue physique et organisationnel, et qui les veulent morts ou absents.
La nouvelle loi ne laisse aucune place à la solution à un État, sans parler de la solution à deux États techniquement morte en raison de la politique de colonisation et de confiscation des terres. Malheureusement, Israël n’a laissé place à aucune des deux solutions.
La mégalomanie et la folie des grandeurs délirantes d’Israël le conduiront à devenir un fardeau pour ses alliés et tôt ou tard le monde réalisera quel monstre il est. Alors, et seulement alors, Israël pourrait regarder dans le miroir et penser à agir décemment.
Quant aux Palestiniens et aux partisans des droits palestiniens, suivre les mesures prises pour mettre fin à l’injustice en Afrique du Sud semble une bonne voie à suivre.
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM