Vingt-cinq anciens chefs et commandants de police auraient écrit au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour l’avertir que les politiques du ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, conduiraient à une troisième « intifada » – un soulèvement palestinien.
Un coupable……des responsables
On se rappelle comment dans l’affaire Weinstein la presse, en bon relais de la bien pensance populaire, a cloué au pilori l’homme en tant que personne représentant la criminalité sexuelle la plus inacceptable. Il était certes coupable des crimes commis, mais il n’est pas le seul responsable de ses crimes. Il est le symbole de notre rapport collectif à la femme et ses crimes parlent aussi de la passivité complice de tous.
Il l’a fait parce que c’était possible. Sur le pilori de Weinstein il aurait fallu réserver quelques places pour ses silencieux complices.
Ensuite cette condamnation d’un individu a conduit, grâce au courage et à la puissance de femmes, à un mouvement populaire, « Metoo » qui a permis de mettre sur la place publique la question de la complicité passive. Mais qui a surtout permis de sortir de la stratégie d’évitement qui consistait à trouver un coupable.
De la même manière dans les affaires de pédo-criminalité de l’église catholique on a su, au-delà de la condamnation des individus criminels, condamner la complicité silencieuse de l’institution.
Avec ce qui se passe actuellement en Israël qu’on pourrait appeler l’affaire Ben Gvir, on voit certains représentants des communautés juives du monde occidental se sentir obligés de condamner les agissements des dirigeants sionistes. Ne pouvant pas faire autrement devant l’évidence. D’autres préfèrent continuer à détourner le regard et à nier l’évidence, sortant leur atout maître de « victime de la Shoah » pour tenter de faire taire l’évidence.
En désignant comme coupable les dirigeants israéliens en tant que personnes, alors qu’ils ne sont que les produits du sionisme, les institutions du monde occidental contournent le problème et évitent ainsi de prendre conscience du vrai problème : la complicité silencieuse de la majorité des États.
Au pilori du sionisme il faudra bien laisser la place au silence complice des communautés religieuses et politiques du « monde occidental ».
On peut comprendre, comme une compromission complice, l’attitude des communautés juives qui hésitent à condamner le sionisme et préfèrent désigner les dirigeants. Mais on peut espérer que ce ne soit qu’une étape vers une réflexion sur le sionisme.
Que les sociétés du « monde occidental » persistent à soutenir l’apartheid sioniste relève de l’aveuglement intellectuel. Ou cela peut etre simplement de l’ignorance ? L’ignorance d’un président de la République qui affirme sans sourciller que l’antisionisme est une forme déguisée de l’antisémitisme.
Ces mêmes États, promptes à lutter contre les tentatives de créations d’États religieux islamiques, détournent le regard quand il s’agit d’un État religieux qui prend comme alibi la religion juive alors qu’aucun des principes de cette religion ne se manifestent dans la manière de gouverner.
Cette réticence à condamner est à questionner : pendant longtemps le monde occidental a vu dans la création d’Israël la possibilité d’avoir une tête de pont dans un monde arabe qu’il avait du mal à contrôler. C’est sans doute cela qu’achetaient les flots financiers déversés sur ce pays longtemps sous perfusion financière.
Mais en dehors de l’intérêt financier, on peut faire l’hypothèse qu’il existe d’autres aspects plutôt psychologiques et moins évident à révéler :
Le monde occidental a sans nul doute été choqué de découvrir qu’en son sein la Shoah a pu être perpétrée sans qu’il la voie venir. Après le choc, c’est la culpabilité qui s’est installée quand les témoins ont commencé à pouvoir parler. Au fond, la création d’un État « juif » même s’il n’a de juif que le nom, a été une manière d’évacuer le problème, le déplacer vers un ailleurs. « Maintenant que vous avez une terre…. ».
Mais qui de ces dirigeants a entendu la majorité des juifs qui ne s’est pas laissé blousé par cette proposition illusoire ? Trop prompts à tenter de se débarrasser de la question juive en la mettant en terre.
Combien de juifs ont affirmé, à juste titre, qu’ils appartenaient à une pays même s’ils avaient une foi marginale et stigmatisée ?
Au fond le monde occidental se comporte comme une mère qui culpabiliserait de ne pas avoir vu que son enfant était victime de violences et qui, cet enfant une fois devenu adulte, n’arriverait pas à condamner cette victime devenue à son tour bourreau.
Mais que le monde occidental se rassure : on n’hérite pas du statut de victime.
Ce n’est pas de l’antisémitisme que de condamner un État d’apartheid qui se sert des plaies de ses ancêtres comme sauf conduit de ses crimes.
De la même manière, on peut se demander si les communautés juives n’attirent pas la violence des ignorants qui, comme beaucoup, font l’amalgame « Israël= juif », en refusant de condamner explicitement l’État sioniste en affirmant : pas en notre nom.
Comme le rappelle Shlomo Sand dans ses ouvrages, les différentes tentatives de créer un État juif en Amérique du Sud ou en Asie, ont toutes échoué. Elles ont échoué pour une raison évidente et bien connue : on n’organise pas un État autour de principes qui sont supposés accompagner le grandissement des individus. Toutes les religions qui ont tenté de s’instituer en gouvernement en ont fait l’expérience. La durée exceptionnelle de l’expérience israélienne est à trouver dans des facteurs économiques et psychologiques de dimension internationale : sans la perfusion financière et le silence complice du monde occidental cette expérience aurait tourné court plus rapidement et on aurait ainsi économisé beaucoup de morts et de destruction.
Les dirigeants israéliens ne sont pas seuls responsables de leurs actes, même s’ils sont coupables de les avoir commis. S’ils l’ont fait c’est que c’était possible. Si on en est arrivé là c’est que, d’aveuglement en petites compromissions, on a laissé faire un pays qui en son temps a soutenu l’apartheid d’Afrique du Sud sous boycott, ou a formé certaines polices à la lutte anti-émeute.
Ce qui se passe en Israël n’est pas de la seule responsabilité des dirigeants, c’est la conséquence logique et inévitable d’un paradoxe sans solution : la création d’un État religieux.
Continuer à dire qu’Israël est « une démocratie qui est en crise » c’est faire preuve d’un aveuglement intellectuel. Le semblant de démocratie qui peut y exister au bénéfice d’une classe dominante colonisatrice, ne peut exister que grâce à l’exploitation et l’oppression des peuples alentour et le pillage des ressources. Une réelle démocratie n’aurait pas pu se construire sans l’assistance financière du « monde occidental » qui tentait de racheter sa culpabilité tout en y voyant une opportunité d’installer une société industrielle sur une terre qui n’était pas encore pillée.
On continue à nier l’évidence dans les institutions religieuses et publiques en France.
Comment font-ils ceux-là même qui culpabilisaient de ne pas avoir vu venir la shoah pour refuser de voir en l’État d’Israël autre chose que du colonialisme et un pillage des ressources ?
Si le statut de victime ne s’hérite pas, il semble que la capacité à s’aveugler puisse perdurer d’une génération à l’autre.
Verra-t-on comme pour l’affaire Weinstein ou l’église catholique se créer un mouvement, porté par des courageuses et des courageux pour condamner la complicité passive du monde occidental ?
L’an prochain à Nuremberg ?