La « Marche des vivants » a eu lieu le 5 août. Non, il ne s’agit pas de Juifs qui défilent en pèlerinage au camp d’extermination d’Auschwitz, événement auquel on associe habituellement le nom « Marche des vivants ». Il s’agit d’une manifestation de personnes âgées, rescapées du génocide, qui ont défilé à Jérusalem entre la Knesset et le bureau du Premier ministre.
Ce n’était pas une des nombreuses commémorations officielles de la Shoah en Israël, mais bien une manifestation revendicative où les marcheurs ont exprimé leurs doléances devant les autorités israéliennes. En clair, quelques 240 000 Israéliens âgés, survivants du génocide, ont poussé un cri de colère contre le gouvernement Olmert qui leur propose une augmentation mensuelle ridicule de 15 euros à leur maigre pension. « L’État hébreu », créé au lendemain de la Seconde guerre mondiale, prétend représenter les Juifs du monde entier.
À ce titre il a déjà reçu des milliards d’euros de l’Allemagne, qui verse encore des indemnisations à Israël, même si le gouvernement allemand actuel ne peut d’aucune manière être comparé au régime nazi, ni confondu comme héritier politique du nazisme.
Qu’en est-il de cet argent aujourd’hui ? Une bonne partie est sans doute perdue dans le gouffre du déficit budgétaire israélien, creusé par des dépenses militaires et des coûteux projets de colonisation dans les Territoires palestiniens. Il reste donc peu d’argent pour les plus démunis, y compris pour des rescapés de la Shoah, dont la plupart vivent en dessous du seuil de la pauvreté.
Les autorités israéliennes proposent d’étaler sur quatre ans l’augmentation des indemnités. Au cours d’une conférence de presse à Jérusalem le 4 août, Ruth Tatarko, une des rescapées, a dit d’une voix tremblante : « Le gouvernement nous traite comme si nous étions un fardeau et mise sur une solution biologique du problème ».
En effet, d’ici quatre ans, bon nombre de ces personnes âgées ne seront plus de ce monde. Nathan Dor, porte-parole d’une des associations qui a organisé la marche à Jérusalem, a enchaîné : « D’ici 2011, la moitié d’entre nous aura disparue » s’indigne-t-il.
Outre des paiements versés à Israël, Berlin indemnise aussi directement les victimes du génocide qui résident encore sur son sol, et il n’est pas le seul gouvernement européen à le faire. Les rescapés israéliens soulignent à titre d’exemple que l’Allemagne, mais aussi la France et les Pays-Bas, indemnisent mieux leurs citoyens survivants de la Shoah que « l’État juif ». Pour les Israéliens, ce constat est douloureux. À noter par ailleurs que la majorité des rescapés du génocide hitlérien ne vit pas en Israël, mais en Europe et en Amérique.
L’affirmation des manifestants israéliens a été confirmée par un reportage accablant sur les conditions de vie des survivants, diffusé sur la deuxième chaîne privée de la télévision israélienne. Un coup dur pour les rescapés, mais aussi pour les fondements de la société israélienne elle-même, qui se veut le dernier refuge contre l’antisémitisme et le champion dans la défense des intérêts juifs dans le monde. Le sort qu’il réserve aux survivants des camps d’extermination constitue une révélation cynique sur les véritables priorités de Tel-Aviv.