Juifs, juives et en colère / Solidaires avec Subversive Film

Een Andere Joodse Stem et l’UPJB le clament et l’affirment : Nous sommes juifs et juives. Nous sommes en colère. Nous sommes solidaires de Subversive Film. 

Nous, Juif·ves vivant en Belgique, sommes solidaires du collectif palestinien Subversive Film, basé à Bruxelles, et de l’ensemble de la communauté lumbung, contre les suspicions et les attaques injustes dont ils font l’objet depuis le lancement du projet documenta fifteen. En particulier, les accusations injustes et trompeuses d’antisémitisme.

La contribution inspirante de Subversive Film à l’exposition avec Tokyo Reels (parmi d’autres contributions) est précieuse pour sa valeur historiographique et artistique, et revêt une grande importance.

Nous souhaitons préciser que l’antisionisme, ainsi que les critiques de l’expansion coloniale et de la violence militariste israéliennes en violation du droit international, ne sont pas antisémites. Nous rejetons l’utilisation de l’antisémitisme comme un outil cynique pour faire taire toute critique légitime de l’injustice qui se produit quotidiennement en Israël / Palestine.

Nous refusons l’instrumentalisation de l’antisémitisme par les forces conservatrices européennes qui tentent de faire taire et/ou de discipliner les voix et les actions des collectifs et des individus du Sud global, et de saper le mouvement croissant des communautés racialisées en Europe et dans le Sud global qui demande la décolonisation et la justice.

Certain·es d’entre nous sont né·es et ont grandi en Belgique ou ailleurs en Europe et ont fait l’expérience directe de l’antisémitisme. Certain·es d’entre nous ont émigré d’Israël vers la Belgique, où nous avons été les témoins directs de la violence de l’État israélien contre les Palestinien·nes. Ensemble, nous déclarons que nous ne soutenons pas les organisations juives conservatrices ou les « experts en antisémitisme » autoproclamés qui ont pris part à cet exercice d’instrumentalisation – pas en notre nom !

Nous condamnons les tentatives européennes, et en particulier allemandes, de détourner la culpabilité de leurs propres crimes historiques en projetant la responsabilité de l’antisémitisme sur les personnes du Sud et les personnes de couleur en général. Cette dynamique racialisée insidieuse présente les personnes de couleur et celles du Sud comme la cause première de l’antisémitisme, et l’État allemand, aux côtés des Européens blancs, comme les protecteurs bien intentionnés et innocents des Juifs face au « migrant antisémite ». Ce récit encourage commodément une forme d’amnésie collective quant à l’origine réelle de l’antisémitisme et de la Shoah et sert à masquer notre véritable ennemi commun : la montée en flèche de l’extrême droite et du nationalisme blanc sur tout le continent – y compris en Allemagne.

Nous rejetons l’utilisation de la définition de l’IHRA, qui a été examinée et discréditée par de nombreux spécialistes de l’antisémitisme et intellectuels juif·ves en raison de l’amalgame qu’elle fait entre antisémitisme et critique légitime de l’État d’Israël. Près de 350 signataires, dont de nombreux universitaires de renom, ont maintenant signé la déclaration alternative de Jérusalem, élaborée en réponse à la définition de l’IHRA afin de fournir « des orientations claires pour identifier et combattre l’antisémitisme tout en protégeant la liberté d’expression » – estimant que l’IHRA n’a pas réussi à trouver un juste équilibre et qu’elle a été utilisée bien trop souvent pour faire taire stratégiquement la critique d’Israël et de l’occupation.

Nous rejetons la projection des outils conceptuels et politiques qui ont été développés pour combattre l’antisémitisme en Europe – lieu où l’antisémitisme est historiquement enraciné et s’est développé avec des conséquences génocidaires – sur le Sud global. Les tentatives d’application de ces outils au Sud suivent les traces de l’impérialisme intellectuel européen.

Nous sommes en colère contre le fait que les attaques physiques réelles contre les artistes de couleur qui ont participé à documenta fifteen, par la main d’individus et de groupes allemands, aient été minimisées et ignorées par ceux qui se sont simultanément placés à l’avant-garde de la lutte contre l’antisémitisme. Soyons clairs, nos luttes sont interconnectées : l’antisémitisme est une forme de racisme qui doit être combattue aux côtés de toutes les formes de racisme.

Nous soutenons le mouvement anticolonial dans le monde de l’art, dans les universités et dans d’autres arènes publiques, et la nécessité de soutenir la construction du pouvoir et la résistance à l’hégémonie occidentale dans le Sud. Nous accueillons favorablement toute réflexion sur le rôle de l’Europe et de l’Occident dans la mise à mal continue de ces efforts.

La proposition généreuse de ruangrupa et des collectifs invités de documenta fifteen est un changement de cap du monde de l’art qui aurait dû avoir lieu depuis longtemps et dont nous nous réjouissons et dont nous continuons à tirer des enseignements au fur et à mesure que l’exposition se poursuit. Nous sommes reconnaissants pour les immenses efforts qui sont déployés quotidiennement afin que cette édition de documenta résiste (avec dignité et humilité) aux calomnies et aux attaques dont elle fait actuellement l’objet.

Nous tendons la main aux communautés qui ont été la cible du colonialisme européen et des entreprises génocidaires, du racisme et de l’exploitation européens, de la discipline et du silence européens. Comme l’indique la déclaration de lumbung, « we are all in this together. » 

Que ce soit le début d’une véritable camaraderie face à ceux qui tentent de nous séparer.

Pour soutenir cette déclaration : https://linktr.ee/eajs

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