vendredi 4 octobre 2013, par Alain Gresh
« Une défaite de l’israélièneté » (« A defeat for Israeliness »), tel est le titre de l’éditorial du quotidien Haaretz du 4 octobre.
« Le refus de la Cour suprême d’approuver la pétition de 21 citoyens israéliens qui cherchent à être reconnus comme membres de la nation “israélienne” plutôt que juive, et de changer la façon dont leur nationalité est consignée dans le registre de la population, est une indication supplémentaire que la lutte civique sur la nature de l’Etat d’Israël a échoué. Soixante-cinq ans après la création de l’Etat, les autorités ne reconnaissent toujours pas une nationalité israélienne indépendante de l’appartenance religieuse ou ethnique. »
(…)« dans leur décision, les juges ont nié l’existence d’une nationalité israélienne, affirmant que les pétitionnaires n’ont pas réussi à prouver qu’une nationalité israélienne sans lien avec l’appartenance religieuse ou ethnique avait été effectivement créée. Le juge Hanan Melcer est allé encore plus loin, affirmant que la vision du monde qui fait la distinction entre citoyenneté et nationalité est ancré dans le statut constitutionnel d’Israël en tant qu’Etat juif (…). »
Comme je le rappelais dans De quoi la Palestine est-elle le nom ? :
« Israël est la seule démocratie qui opère une distinction entre citoyenneté et nationalité : tous les titulaires de la citoyenneté (ezrahut) ont, en principe, des droits égaux, mais seuls certains, les Juifs, forment la nationalité (le’um). En 1970, Shimon Agranat, président de la Cour suprême, a confirmé que l’on ne pouvait pas parler de “nationalité israélienne”, parce qu’il n’existait pas de nation israélienne séparée de la nation juive et qu’Israël n’était même pas l’Etat de ses citoyens juifs, mais celui des juifs du monde. »
Selon la loi du retour adoptée par le Parlement le 5 juillet 1950, « tout juif a le droit d’immigrer dans le pays ».
Ce qui signifie, comme le rappellent les Palestiniens, qu’un des leurs né à Haïfa ou à Jérusalem et dont la famille a été expulsée en 1948 n’a pas le droit de rentrer chez lui, alors qu’un citoyen américain ou russe, du simple fait qu’il est de confession juive, peut s’installer en Israël (je dirais même, s’il est « blanc », puisque 20 % à 30 % des Russes immigrés en Israël ne seraient pas juifs).
David Ben Gourion, fondateur de l’Etat, déclarait : « Ce n’est pas l’Etat qui accorde aux juifs de l’étranger le droit d’installation, mais ce droit est en chaque juif dans la mesure où il est juif. »
Comment s’étonner, dès lors, que les Palestiniens citoyens d’Israël se sentent de plus en plus aliénés dans cet Etat ?
En mars 2010, Scandar Copti, codirecteur arabe du film israélien Ajami, nominé pour un Oscar à Hollywood, déclara qu’il ne représentait pas Israël : « Je ne peux représenter un pays qui ne me représente pas. »
Une opinion que partagent nombre de citoyens arabes d’Israël : il existe plus de trente lois accordant des droits spécifiques et supérieurs aux juifs, y compris dans les domaines de l’immigration, de la naturalisation, du travail ou encore de l’accès à la terre.