Madame la Ministre,
Comme Serge Grossvak, comme Liliane Cordova-Kaczerginski, comme Jean-Guy Greilsamer, je défends le boycott des produits israéliens ; comme eux et comme de nombreuses personnes par le monde, juives, non juives, comme de nombreux Israéliens mêmes, je suis en accord avec la campagne BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), une campagne de protestation non-violente lancée par des Palestiniens.
Comme des Israéliens éclairés dont je me flatte d’être l’amie, je défends aussi le boycott universitaire, parce que je crois que la société israélienne tout entière doit être réveillée de sa torpeur et de l’intoxication à laquelle elle est soumise de la part de son gouvernement.
J’ai quatre grands-parents juifs ; cela ne suffit sans doute pas à prouver que je ne suis pas antisémite, mais cela aurait suffit, il a quelques décennies, à mettre ma vie en péril en France, où je vis. Ma mère avait, elle aussi, quatre grands-parents juifs, et a passé sa petite enfance cachée par de braves gens dans le midi de la France. De braves gens qui, à coup sûr, n’étaient pas antisémites, pour qui la question ne se posait pas, il l’ont sauvée, avec ses parents, tous simplement.
Mon père avait lui aussi quatre grands-parents juifs. Il a eu la chance de naître au Maroc, et d’être, comme tous les juifs marocains, sous la protection du roi. Malgré tout, mes grands-parents ont connu les spoliations de Vichy, et mon grand-père en est mort d’amertume.
L’antisémitisme a donc pour dans mon histoire familiale une réalité très sensible. Mais aujourd’hui, l’accusation d’antisémitisme se distribue à tort et à travers. C’est devenu une notion vague, manipulée par l’État d’Israël et par ses défenseurs pour exonérer cet État de tous ses crimes.
Or ces crimes sont très réels, impunis, et se poursuivent à l’heure qu’il est sous la protection de ce bouclier : l’antisémitisme. Ce n’est pas que l’antisémitisme n’existe pas ou plus. Il existe, mais il n’est pas là où vous prétendez qu’il est. Il est, souvent, chez celles et ceux qui croient que défendre Israël coûte que coûte, c’est défendre « les juifs ». Il est chez ceux qui croient le CRIF lorsque le CRIF prétend représenter « les juifs de France ». Il est chez ceux qui ne distinguent pas entre antisémitisme et antisionisme. Il est, surtout, chez ceux qui croient qu’Israël est la patrie naturelle de tous les juifs, et qui supposent donc implicitement que les juifs ne sont vraiment chez eux nulle part ailleurs. Oui, vous m’avez bien lue. L’antisémitisme est surtout chez lui parmi les défenseurs aveugle d’Israël et du sionisme. L’antisémitisme qui se retrouve sionisme, c’est à peine une veste qui se retourne. C’est toujours la même veste.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, mes salutation distinguées,
Joëlle Marelli