Le président du CRIF, Francis Kalifat, a rencontré le Premier ministre Jean Castex. Au-delà des manipulations habituelles, il aurait exigé et obtenu – selon la newsletter du Conseil – que le gouvernement maintienne la circulaire Alliot-Marie et considère toujours le boycott d’Israël comme illégal. Sauf que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France sur ce point.
Francis Kalifat, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a rencontré le Premier ministre Jean Castex. On lira ci-dessous le compte-rendu de leur échange par la newsletter de la communauté juive organisée.
À juste titre, Kalifat a attiré l’attention de Castex sur la multiplication des actes antisémites. Mais, comme à son habitude, il a isolé la haine des juifs des autres formes de racisme. Cette hiérarchisation ne peut évidemment qu’alimenter l’expression de l’antisémitisme – l’idée de défendre les seuls juifs contre une violence qui cible aussi d’autres catégories de Français conforte les préjugés dont les juifs sont victimes.
Or le président du CRIF le sait : les statistiques annuelles de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) confirment le développement de TOUTES les formes de racisme. Kalifat contourne la réalité des chiffres en affirmant que de nombreux juifs victimes d’insultes ou d’agressions ne portent pas plainte. C’est certainement le cas. Mais à qui fera-t-il croire que des personnes musulmanes, arabes, noires ou roms franchissent plus facilement la porte d’un commissariat, surtout en période de « bavures » policières racistes ?
Mais Kalifat ne s’est pas contenté de ces manipulations : il a aussi exercé des pressions indécentes pour que le Premier ministre viole le droit européen.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), on le sait, a rendu, le 11 juin dernier, à l’unanimité, un arrêt qualifiant le boycott de « droit citoyen ». Sur cette base, elle a considéré comme illégale la condamnation par la justice française de militants de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanction (BDS). Elle a même exigé que la France verse 100 000 euros de dommages et intérêts aux militants BDS de Colmar sanctionnés jusqu’en Cassation…
Voici le texte de son communiqué de presse, qui résume bien le fond de l’arrêt :
« Dans son arrêt, rendu ce jour dans l’affaire Baldassi et autres (…), la Cour européenne des droits de l’homme dit qu’il y a eu à la majorité, non-violation de l’article 7 (pas de peine sans loi) de la Convention européenne des droits de l’homme, et, à l’unanimité, violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.« Ces affaires concernent la plainte de militants de la cause palestinienne pour leur condamnation pénale pour incitation à la discrimination économique, en raison de leur participation à des actions appelant à boycotter les produits importés d’Israël dans le cadre de la campagne BDS “Boycott, Désinvestissement et Sanctions”.« La Cour observe qu’en l’état de la jurisprudence à l’époque des faits, les requérants pouvaient savoir qu’ils risquaient d’être condamnés sur le fondement de l’article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet 1881 en raison de l’appel à boycott des produits importés d’Israël. La Cour constate que les actions et les propos reprochés aux requérants relevaient de l’expression politique et militante et concernaient un sujet d’intérêt général.« La Cour a souligné à de nombreuses reprises que l’article 10 § 2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions d’intérêt général. Par nature, le discours politique est souvent virulent et source de polémiques. Il n’en demeure pas moins d’intérêt public, sauf s’il dégénère en un appel à la violence, à la haine ou à l’intolérance.
« La Cour considère que la condamnation des requérants n’a pas reposé pas sur des motifs pertinents et suffisants. Elle n’est pas convaincue que le juge interne ait appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 10 et se soit fondé sur une appréciation acceptable des faits. »
Or la CEDH vient, le 16 septembre, de rendre cet arrêt définitif. Car le gouvernement français n’a pas exercé de recours auprès de sa Chambre d’appel. Cela n’a pas empêché Kalifat d’exiger de Castex qu’il réaffirme la validité de la circulaire Alliot-Marie appelant les parquets à porter plainte contre les actions BDS. Et il a obtenu de lui cette violation du droit européen !
On sait que Prades est loin de Strasbourg. Mais Jean Castex ne peut ignorer que la CED
H est la juridiction la plus élevée d’Europe. En ignorant et a fortiori en violant son arrêt, la France se retrouverait aux côtés des régimes populistes de Biélorussie, de Hongrie ou de Pologne dans la violation du droit et des libertés. N’est-ce pas Emmanuel Macron qui se présentait comme le champion de la lutte contre les « illibéraux » ?
Il est vrai que Benyamin Netanyahou s’entend fort bien avec ces dirigeants, malgré leur négationnisme et leur antisémitisme. Et que Francis Kalifat n’a JAMAIS réprouvé ces alliances contre nature. La boucle est bouclée.
D. V.
29 SEPT. 2020 | PAR DOMINIQUE VIDAL | BLOG : DOMINIQUE VIDAL
Voir en ligne : l’article sur le blog Médiapart de Dominique Vidal