Pierre Haski | Cofondateur Rue89
Au moment où j’écris ces lignes, il est 4 heures du matin ce jeudi : le Samu, les pompiers et des policiers de différentes unités viennent de quitter mon appartement parisien. Vous l’avez deviné : Ulcan a encore frappé.
Le « mode opératoire » est signé : le pseudo hacker sioniste Grégory Chelli, alias Ulcan, basé en Israël et agissant depuis des mois en toute impunité, a pris le contrôle de ma ligne téléphonique et appelé la police pour dire, en mon nom, que j’avais poignardé ma femme, et – variante fantaisiste par rapport à la précédente fois – que j’avais ouvert le gaz dans l’immeuble.
Ça a beau être la deuxième fois que je suis censé avoir tué ma femme – la première fois était en août l’an dernier –, ça n’a pas empêché la mobilisation d’une trentaine de personnes de plusieurs corps pour débouler chez moi en pleine nuit.
Et la nuit n’était pas terminée, puisque les policiers se rendaient visiblement à une autre adresse parisienne pour un cas en tout point similaire. On a appris depuis qu’il s’agissait de Denis Sieffert, le directeur de l’hebdomadaire Politis, lui-aussi réveillé en pleine nuit par la descente de police. Les policiers se sont également rendus au siège de Politis sur la base des mêmes appels, et ont brisé les vitres pour pénétrer dans les bureaux… vides.
Ulcan à l’offensive
Ulcan est reparti à l’offensive, après quelques mois de relative discrétion. Visiblement, c’est l’affaire Stéphane Richard, avec la sortie du patron d’Orange sur Israël, qui l’a réveillé. Il a aussitôt publié les numéros de portable de Stéphane Richard sur sa page Facebook et laissé entendre qu’il avait envoyé la police chez lui en pleine nuit.
Depuis, Stéphane Richard a porté plainte, et Ulcan a effacé le message en question. Mais comme il le sait bien, Internet a de la mémoire…
Capture d’écran de la page Facebook d’Ulcan montrant le message, effacé depuis, avec les numéros de Stéphane Richard
Depuis, il multiplie ses canulars téléphoniques qui sont autant de harcèlements, réussissant à faire croire aux policiers du Raid que le militant pro-palestinien de Marseille Pierre Stambul avait tué sa femme. Ça lui a valu des portes enfoncées en pleine nuit, et sept heures de garde à vue.
J’ai eu plus de chance que lui, juste une nuit gâchée et, surtout, une perte de temps pour des professionnels de services d’urgence qui ont d’autres choses à faire la nuit à Paris que de courir après les délires d’un défenseur autoproclamé d’on ne sait trop quoi.
Me fait-il payer d’avoir relayé sur Rue89, mercredi matin, la chronique de notre ami Daniel Schneidermann, le patron d’Arrêt sur images, racontant comment il avait eu droit la veille à la visite de forces de police chez lui (en son absence), là encore pour avoir « tué sa femme » ?
La question de l’impunité
Toujours est-il que nous sommes confrontés, encore et toujours, au même problème : celui de l’impunité dont bénéficie cet homme, né à Paris mais vivant aujourd’hui en Israël, et qui n’est pas inquiété même pour les faits qu’il a amplement revendiqués, comme le harcèlement des parents de notre collègue de Rue89 Benoît Le Corre, qui a entraîné le décès de son père l’an dernier.
La justice française suit son cours avec des dizaines de plaintes, dont les nôtres. Elle le fait à son rythme, c’est-à-dire lentement, handicapée par l’absence de traité d’extradition entre la France et Israël.
Mais surtout, elle agit, ou n’agit pas, dans un contexte marqué par l’absence de signal politique du gouvernement français.
Plusieurs ministres se sont rendus au « chevet » de TV5 Monde lorsque cette station francophone a subi une attaque informatique au printemps dernier ; mais le gouvernement n’a toujours pas dit publiquement un mot sur les activités de ce hacker qui fait tomber des sites et harcèle pêle-mêle journalistes, militants politiques ou associatifs, personnalités politiques comme Martine Aubry, ou patrons comme Stéphane Richard.
Les autorités israéliennes, pour leur part, tout en affirmant leur disponibilité à aider la justice française, n’ont pas non plus levé le petit doigt pour faire cesser ces agissements. S’il s’était agi d’une situation inversée – un hacker en France, agissant à visage découvert, harcelant des Israéliens –, gageons que le problème aurait été réglé en l’espace de quelques jours…