Le sionisme n’est pas une idéologie statique, achevée avec la création de l’Etat d’Israël en 1948. Comme tout colonialisme, il est surtout mouvement. Sa pierre angulaire, en pratique et sans faux-semblants, est contenue dans cette phrase simple : « s’emparer d’un maximum de terres avec le moins d’Arabes dedans ». L’actualité brûlante de la menace d’expulsion qui plane sur le village de Jabal al-Baba le rappelle amèrement. C’est toute une communauté qui est menacée.
Jabal al-Baba se situe au cœur de la zone dite E1 (Est 1) qui s’étend du nord-est de Jérusalem au bloc de colonies Maale Adumim, en Cisjordanie. La convoitise des autorités israéliennes pour ce territoire qui, une fois accaparé, leur permettrait de rattacher le bloc de colonies à Israël, n’est pas nouvelle[note]https://972mag.com/resource-what-is-the-e1-area-and-why-is-it-so-important/61298/. Dès 2004, le ministère du logement lança un plan de construction de plusieurs milliers de logements réservés aux Juifs, en contradiction évidente avec le droit international. Tellement évidente qu’il dut faire machine arrière sous la pression internationale. A peine un an plus tard, la municipalité de Maaale Adumim a repris peu ou prou le plan de construction, s’attirant – une fois n’est pas coutume – les foudres conjointes de l’Union européenne et des États-Unis. Le plan fut gelé…mais pas abandonné. Le prétexte pour le faire sortir de l’étagère où il semblait prendre la poussière fut tout trouvé avec les offensives diplomatiques du Président de l’Autorité palestinienne visant à faire reconnaître l’État de Palestine en 2012.
La stratégie des gouvernements israéliens qui se sont depuis succédé au pouvoir n’a pas bougé d’un iota : c’est celle dite de « la réalité sur le terrain », qui ne répond qu’à la seule logique de la loi du plus fort. Il s’agit de construire le plus de logements possible dans la zone E1 pour justement la rendre non négociable, au mieux tout juste bonne à brader contre un territoire du nord d’Israël peuplé presqu’exclusivement de Palestiniens et à l’importance stratégique bien moindre. Car avec E1, c’est la continuité territoriale entre la Cisjordanie et Jérusalem qui est en jeu. Si les Israéliens s’en emparent, ils feront d’une pierre deux coups : ils sécuriseront le contrôle qu’ils exercent sur l’intégralité de Jérusalem tout en empêchant de fait la possibilité même d’un État palestinien.
Et tout cela, les habitants de Jabal al-Baba le savent très bien, eux qui vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes depuis le 16 novembre dernier, date à laquelle ils ont reçu l’ordre militaire d’expulsion. La résistance s’organise, mobilisant tout le village et une petite centaine de personnes solidaires de leur lutte contre leur dépossession. Bien sûr, rien de nouveau ne se joue ici. Bien des villages palestiniens ont déjà été détruits, vidés de leurs populations et remplacés par des logements réservés aux colons. Mais la localité stratégique de celui-ci en fait un symbole : celui de la lutte contre l’arrachement de Jérusalem à la Palestine. Si la communauté internationale, toujours si prompte à défendre une solution à deux États pourtant bien moribonde depuis l’échec patent des accords d’Oslo, ne condamne ni ne sanctionne, alors le rouleau compresseur israélien achèvera d’imposer la « solution » d’un seul État d’apartheid.
L’UJFP tient à apporter sa solidarité pleine et entière aux habitants de Jabal al-Baba qui, en luttant pour leur droit à vivre sur leur terre, mènent la bataille de Palestine.
Le Bureau national de l’UJFP, le 29 novembre 2017