Israël se range du côté des antisémites

Éditorial de Haaretz du 13 juillet 2017 publié en hébreu et en anglais. Traduction de l’anglais : Michel, UJFP.

Plus Israël devient nationaliste, plus il se rapprochera ceux qui font la promotion du nationalisme et de la xénophobie, même s’ils sont antisémites. C’est ce que nous avons pu voir dans les relations entre Netanyahou et le gouvernement hongrois.

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Que le gouvernement hongrois ait annoncé qu’il allait retirer ses affiches anti-Soros (qui s’en prennent au magnat juif né en Hongrie Georges Soros) avant l’arrivée dans le pays du Premier ministre Benjamin Netanyahou n’atténue en rien l’attitude scandaleuse de ce dernier.

Le Premier ministre de Hongrie Viktor Orban et son parti, le Fidesz mènent une campagne nationaliste, raciste et islamophobe. Usant d’une rhétorique familière à la plupart des oreilles israéliennes, ceux-ci signalent que Soros subventionne des organisations de la société civile ainsi que des ONG démocratiques en Hongrie. La communauté juive de Hongrie a exprimé son inquiétude sur cette campagne qui encourage l’antisémitisme ; l’ambassadeur d’Israël a même émis une condamnation et exigé que les affiches soient enlevées. Mais la droite hongroise partenaire idéologique de l’extrême-droite israélienne a été rendue furieuse par les demandes de l’ambassadeur israélien, prenant ostensiblement la défense de Soros, en qui ils voient quelqu’un qui soutient le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions), un mouvement qu’ils considèrent anti-israélien.

Netanyahou, comme d’habitude, a cédé à la pression et son cabinet a ordonné au ministre des Affaires étrangères de publier une clarification. Celle-ci précisant que la déclaration de l’ambassadeur n’avait pour but « en aucun cas de délégitimer la critique de Georges Soros qui sape continuellement le gouvernement démocratiquement élu d’Israël en soutenant des organisations qui diffament l’État juif et ne cherchent qu’à lui nier le droit de se défendre ».

L’ultranationalisme en soi est et a toujours été lié à l’antisémitisme. Il inclut la haine du « Juif cosmopolite » dont l’existence est présentée comme une menace de subversion des différentes nations du monde. Le comportement du gouvernement Netanyahou montre qu’Israël, l’État juif, n’est pas immunisé contre cette haine.

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Les Israéliens n’ont pas besoin de Soros pour savoir que des Juifs peuvent être déclarés hostiles dans leur propre pays. Ceux qui promeuvent des programmes universalistes et se battent pour la défense des droits humains, y compris les droits des minorités et des étrangers, sont dénoncés en Israël comme ennemis. Leur judéité n’est même pas prise en compte dans cette vision de la loyauté. De surcroit, plus les Israéliens voient l’occupation non pas comme un problème à résoudre mais comme le phare du nationalisme juif, plus ses opposants sont perçus comme des ennemis.

Il semble que la fidélité à Israël soit évaluée à l’aide de nouveaux paramètres qui collent à l’esprit des temps. Il y a 2 semaines, Orban faisait l’éloge de Miklos Horthy, homme fort de la Hongrie pendant la période de la Shoah qui a collaboré avec les nazis, période pendant laquelle un demi millions de Juifs hongrois ont été envoyés dans les camps de la mort. Israël a protesté contre les commentaires d’Orban mais de telle sorte de ne pas affecter la réunion prévue avec lui et Netanyahou la semaine prochaine et faisant avec les faibles clarifications offertes par le ministre hongrois des Affaires étrangères.

Plus Israël devient nationaliste, plus la haine envers ceux qui portent la bannière des valeurs morale et d’identité universelle va croître. Ils seront perçus comme ennemis même s’ils sont Juifs. Mais simultanément, l’amitié d’Israël ira grandissante envers les promoteurs du nationalisme et de la xénophobie, même s’ils sont antisémites.


L’article originel publié dans Haaretz le 13 juillet 2017 :

Editorial // Israel Sides With anti-Semites

The more nationalistic Israel becomes, the more its affection will grow for those who promote nationalism and xenophobia, even if they are anti-Semites, as seen in Netanyahu’s dealings with Hungary’s government.

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The Hungarian government’s announcement that it will remove posters denouncing Hungarian-born Jewish tycoon George Soros before Prime Minister Benjamin Netanyahu’s arrival in the country does not in any way mitigate the premier’s scandalous behavior in this matter.

Hungarian Prime Minister Viktor Orban and his party, Fidesz, are conducting a nationalist, racist and Islamophobic election campaign. With rhetoric that is most familiar to the Israeli ear, they claim that Soros is funding civil society organizations and liberal nonprofits in Hungary. The Jewish community in Hungary has expressed concern that the campaign is encouraging anti-Semitism, and the Israeli ambassador in Hungary issued a condemnation and demanded the posters be removed. But the Hungarian right’s ideological partners among the Israeli right wing were infuriated by the ambassador’s announcement, as it ostensibly defended Soros, whom they see as assisting the BDS (boycott, divestment and sanctions) movement against Israel.

Netanyahu, as usual, succumbed to the pressure, and his office ordered the Foreign Ministry to issue a clarification, stating that the earlier condemnation “in no way was meant to delegitimize criticism of George Soros, who continuously undermines Israel’s democratically elected governments by funding organizations that defame the Jewish state and seek to deny it the right to defend itself.”

Ultra-nationalism is and has always been inherently linked to anti-Semitism, including hatred of the “universal Jew,” whose very existence is seen as a threat to subvert the world’s division into nations. The behavior of the Netanyahu government shows that even Israel, the Jewish state, is not immune to this hatred.

Israelis don’t need Soros to know that Jews can be declared subversives in their own country. Those who advance universalist agendas and fight for human rights, including the rights of minorities and foreigners, are denounced in Israel as enemies. Their Jewishness is irrelevant to this loyalty test. Moreover, the more Israelis view the occupation not as a problem to resolve but as the flagship of Jewish nationalism, the more its opponents are perceived as enemies of the people.

It seems loyalty to Israel is being evaluated by new parameters in keeping with the spirit of the times. Two weeks ago Orban praised the Holocaust-era Hungarian ruler Miklos Horthy, who collaborated with the Nazis and under whom half a million Hungarian Jews were sent to the death camps. Israel protested Orban’s comments, but so as not to affect Netanyahu’s planned meeting with him next week, made do with the weak clarification offered by the Hungarian foreign minister.

The more nationalistic Israel becomes, the more the hatred of those carrying the banner of moral values and a universalist identity will grow, and they will be perceived as enemies even if they are Jews. At the same time, Israel’s affection will grow for those who promote nationalism and xenophobia, even if they are anti-Semites.

The above article is Haaretz’s lead editorial, as published in the Hebrew and English newspapers in Israel.