Israël/Palestine : une situation qui s’aggrave

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Motion d’orientation issue de l’Assemblée générale de l’UJFP 2019

Le rapport de force mondial est (momentanément, espérons-le) très défavorable. La brutalité, le mépris absolu de la vie humaine et du droit international ou le racisme décomplexé des dirigeants israéliens sont ouvertement soutenus par les dirigeants de nombreux pays : Trump et les Chrétiens sionistes bien sûr mais aussi les dirigeants du Brésil, de l’Inde, de la Hongrie, de la Pologne… qui imitent par leurs pratiques ce qui se fait contre la Palestine.

Ainsi, les politiques d’épuration ethnique et les crimes de type génocidaire commis contre les Rohingas et les Ouighours, ainsi que la politique indienne à l’égard des musulmans du pays et du Cachemire inquiètent vivement. Avec le souverain MBS d’Arabie Saoudite (qui mène un génocide au Yémen en utilisant entre autres des armes françaises) et le dictateur Sissi en Égypte qui contribue au blocus de Gaza, la direction israélienne dispose d’alliés qui n’hésitent pas à exiger des Palestiniens qu’ils capitulent et à prôner une guerre contre l’Iran. L’Union Européenne continue, de fait, à être complice en refusant toute idée de sanctions contre l’occupant israélien, en maintenant la clause de « la nation la plus favorisée » (qui fait que les produits israéliens arrivent non taxés) et en prêtant une oreille favorable à la criminalisation de la critique d’Israël et du BDS.

Sous la présidence de Macron, le double langage est toujours de mise : des références aux résolutions de l’ONU, alors même que l’on a laissé se développer sur place une situation les rendant caduques, et la poursuite effective d’une reconnaissance de la légitimité du gouvernement israélien malgré sa politique criminelle et d’apartheid, avec maintien des avantages économiques et participation à la tentative de délégitimer les critiques par l’accusation d’antisémitisme, ce qui correspond par ailleurs à des objectifs politiques intérieurs.

La situation dans les différents morceaux de la Palestine fragmentée s’aggrave à tous points de vue. Pourtant, cette société ne s’effondre pas. Elle continue à résister au vol de la terre, aux destructions de maisons, à toutes les discriminations. Malgré les assassinats de civils, les emprisonnements (y compris d’enfants très jeunes), la pratique de la torture, elle s’efforce de vivre, de produire, d’éduquer ses enfants. La division de la Palestine qui n’a pas d’État mais qui a deux gouvernements rivaux irréconciliables est une grande victoire de l’occupant. Notre soutien total doit aller vers la société civile et ses associations. Il doit aussi aller aux réfugiés qui continuent d’exiger leur retour sur les terres dont eux ou leurs parents ont été chassés.

En Israël, les dernières élections ont montré une adhésion majoritaire au colonialisme, au négationnisme des Droits des Palestiniens et à l’apartheid. Deux criminels de guerre s’affrontent pour le pouvoir, il n’y a aucune forme de « rupture » à attendre, sauf si Israël est enfin sanctionné. La loi sur Israël État-Nation du peuple juif officialise ce que le régime sioniste, installé depuis 1948, a toujours souhaité : le suprématisme juif qui fait des non-juifs des parias. Le racisme à l’intérieur de la société juive israélienne s’exerce de plus en plus ouvertement.

Même affaibli, le camp des anticolonialistes israéliens reste très actif. Nous devons populariser leur voix et leurs actions.

En France et en Europe, une partie du mouvement de solidarité est restée sur un agenda obsolète. Il y a aujourd’hui au Proche-Orient une lutte contre l’apartheid sur un espace unique entièrement contrôlé par Israël. Les deux États voulus par Oslo n’ont plus aucun sens avec la colonisation galopante. Il ne s’agit pas de convaincre les dirigeants de ce monde qu’Israël est un État d’apartheid mais de créer le rapport de forces pour qu’ils cessent d’être complices. Le BDS est l’arme essentielle de notre lutte et il est crucial de ne pas se laisser intimider par le harcèlement des lobbys sionistes. Il est essentiel d’affaiblir l’occupant mais aussi de casser l’image du régime israélien. La question de l’idéologie sioniste, présente en permanence dans les médias israéliens et dans les expressions gouvernementales, n’est pas une réflexion historique : elle est une action quotidienne mise en œuvre par ce régime contre le peuple palestinien dans tous ses aspects.

L’arme ultime des dirigeants israéliens et de leurs courroies de transmission (comme le CRIF, dirigé aujourd’hui par un ancien du Betar), c’est l’instrumentalisation de l’antisémitisme. Là, l’UJFP doit répondre à ce qu’on attend de nous : le sionisme continue à détruire la Palestine en poursuivant la fragmentation du peuple palestinien, la colonisation, et par la confirmation du régime d’apartheid donnée notamment par la loi Etat-nation. C’est la raison pour laquelle l’UJFP se déclare antisioniste et lutte avec toutes les forces anticolonialistes palestiniennes et israéliennes pour la décolonisation et la fin de l’apartheid qui passent obligatoirement par la désionisation d’Israël. L’UJFP, organisation portant une parole juive, est aussi antisioniste parce que le sionisme s’attaque à la mémoire et aux identités juives et menace les juifs du monde entier. Nous devons répondre à chaque attaque.

Unifier les Juifs progressistes du monde entier pour faire entendre une autre voix est une nécessité absolue. L’émergence d’organisations juives étatsuniennes telles que JVP qui parviennent à lutter contre l’AIPAC en étant au côté des minorités racisées est très encourageante. Leurs pratiques exemplaires sont une source d’inspiration pour l’Europe et la France.

En France, l’offensive raciste se fait plus intense

Islamophobie d’État qui repart à l’assaut des femmes porteuses de foulard après avoir réprimé leurs enfants (Mantes-la-Jolie), négrophobie qui utilise les moyens policiers pour réprimer celles et ceux qui dénoncent les crimes policiers, nième durcissement de la politique xénophobe qui s’en prend à la vie même des migrant.e.s à travers la réduction de leur droit à la santé : le racisme d’État est plus que jamais à l’offensive et encourage de fait la pire expression publique des Zemmour et Cie, largement relayée par les médias.

La montée des groupes d’extrême droite en Europe se fait sentir dans toutes les politiques gouvernementales centrées sur la sécurité et la « protection des valeurs européennes » ainsi que l’UE le formule.

Ce racisme décomplexé vise et atteint les populations postcoloniales, les Noirs, les Rroms, les Musulmans, les Arabes, les Asiatiques et contribue à une recrudescence de l’antisémitisme.

Face à cette offensive, l’UJFP tient une place particulière qui se manifeste dans des partenariats resserrés avec les associations de racisés.

Il s’agit d’abord d’agir au nom de la mémoire dont nous sommes porteurs, de développer les interventions éducatives véritablement antiracistes, la participation à la défense des délinquants solidaires, d’être présents dans la solidarité avec les familles des victimes de violences policières, avec les migrants et avec les sans-papiers.

Mais cela signifie surtout de contribuer à faire vivre un espace antiraciste « respirable » à la création duquel nous avons largement contribué, afin de ne pas laisser instrumentaliser les actes antisémites, et de susciter aussi la solidarité contre ces actes, de manifester aux côtés des organisations qui représentent les cibles principales du racisme, comme nous l’avons fait à Ménilmontant.

Le partenariat renoué avec le CCIF, avec La Voix des Rroms, la BAN, le CRAN et d’autres est l’une des pistes que nous voulons développer. Nous y tiendrons notre place, pas plus que notre place, mais avec détermination.

Quel avenir ?

L’avenir, reconnaissons-le, est en partie imprévisible.

Mais dans de nombreux pays dont la France, une résistance se développe face aux politiques racistes, sécuritaires, coloniales, xénophobes promus par l’État d’Israël, qui est à l’avant-garde d’un axe Trump/Bolsonaro/Modi/etc et vante son matériel répressif testé contre le peuple palestinien. Les soulèvements des sociétés civiles algériennes, libanaises, irakiennes, soudanaises, à Hong Kong, au Chili, les résistances brésiliennes, marocaines, françaises avec les Gilets jaunes, sont autant d’espoir de sortie de cette crise féroce du capitalisme sauvage.

Soyons-en, en tant qu’association juive antisioniste et pour l’égalité des droits, la justice et la libération des peuples opprimés.