Alors que le gouvernement israélien demande à nouveau l’annexion de la Cisjordanie, des ONG et des associations demandent à la France et à l’UE de prendre des mesures restrictives face à cette violation du droit international.
À partir du 1er juillet, le gouvernement israélien veut procéder à l’annexion d’une nouvelle partie de la Cisjordanie. Une décision unilatérale illégale au regard du droit international, face à laquelle la France et l’Union européenne doivent agir. Nous, ONG de défense des droits de l’homme, de solidarité internationale et organisations syndicales, exigeons de la part de nos représentants un courage politique et des mesures restrictives à la hauteur de la gravité de cette menace.
Argument de campagne de Benyamin Nétanyahou depuis plusieurs années, l’annexion formelle et unilatérale d’une grande partie de la Cisjordanie occupée semble à présent imminente. Cette violation flagrante du droit international sonne le glas de la solution à deux Etats et enterre le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, sous les yeux passifs de la communauté internationale. En plus d’aggraver la situation des droits humains de centaines de milliers de personnes, l’annexion israélienne représente un dangereux précédent pour les relations internationales, et ce dans le voisinage européen direct.
La France, l’UE, et d’autres pays membres se sont pour le moment contentés d’avertissements auprès des autorités israéliennes, mais sans résultats. Le Premier ministre israélien, secondé par son nouvel allié Benny Gantz et conforté par le « Plan Trump », est déterminé à assumer jusqu’au bout son projet du « Grand Israël ». En 2018 déjà, la « loi sur l’État-nation juif » avait institutionnalisé le statut discriminatoire des Palestiniens et considéré « le développement de colonies juives comme une valeur nationale », avec la volonté d’agir « pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement », préparant ainsi l’annexion.
La colonisation s’accélère
Si l’annexion de facto est déjà en cours depuis de nombreuses années par l’accaparement continu de terres palestiniennes, les transferts forcés, le renforcement du maillage des colonies et l’incorporation progressive du droit israélien aux territoires occupés, l’annexion de jure va considérablement accentuer ces violations des droits humains. La colonisation s’accélère déjà sur le terrain et l’annexion formelle ne ferait que renforcer cela. L’exemple de Jérusalem-Est annexée par une loi en 1980 est évocateur : en l’espace de vingt ans, la population de colons israéliens a doublé.
Près de 150 villages palestiniens rassemblant 140 000 habitants pourraient être inclus dans les zones annexées, les rendant encore plus vulnérables aux transferts forcés, à l’expropriation et l’accaparement des terres agricoles. Cette politique a débuté il y a plusieurs années déjà, par la mise en place d’un environnement coercitif où les démolitions, les refus d’accès aux services de base et la violence des colons sont légion.
Enfin, l’accès aux zones annexées sera encore plus restreint par de nouveaux checkpoints et nouvelles routes de contournement, limitant davantage la liberté de circulation des Palestiniens. Les ONG sur le terrain s’inquiètent également du renforcement des affrontements et violences que l’annexion définitive pourrait provoquer entre l’armée israélienne, les colons et les Palestiniens.
La solution des deux États
Alors que la France et l’UE soutiennent la solution à deux États, palestinien et israélien, vivant côte à côte et dans des frontières sûres et reconnues, l’annexion – aussi bien de facto que formelle à venir – est un obstacle funeste à cette solution. La France et l’UE ont des obligations légales internationales claires pour faire cesser ce fait illégal et la responsabilité de préserver, conformément à leur politique actuelle, la solution des deux États. Il en va aussi de leur crédibilité sur le plan international.
La France, fidèle à son attachement aux droits de l’homme et leader au sein de l’UE, dispose de plusieurs leviers pour édicter des mesures restrictives proportionnelles à la gravité de l’annexion et qui auraient le poids nécessaire pour la stopper. Elle doit également pousser à ce que le gouvernement israélien soit sanctionné de manière collective si l’annexion formelle a lieu, à l’image des sanctions prises contre la Russie après l’annexion de la Crimée.
À défaut de consensus européen, nous attendons de la France un courage politique à la hauteur pour édicter des mesures sur le plan national et bilatéral. Le moment est venu de reconnaître l’État de Palestine, selon les paramètres définis par les accords d’Oslo mis en avant par la France et l’Europe.
Il est temps, également, de se mettre en conformité avec l’obligation de ne pas contribuer au développement des colonies israéliennes, et donc d’exclure du marché français les produits issus des colonies, exclure les colonies du champ d’application des traités bilatéraux et dissuader activement les entreprises d’avoir des relations commerciales et d’investissement avec les colonies. Les enjeux sont trop importants pour adopter une approche prudente et attentiste. Nos responsables politiques ont l’obligation d’agir, et ils doivent le faire maintenant.
Signataires : l’association des Universitaires pour le respect du droit international en Palestine (AURDIP), l’association France Palestine Solidarité (AFPS), l’association Pour Jérusalem, l’association pour le Jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF), Avaaz, CCFD-Terre Solidaire, CFDT-Confédération française démocratique du travail, CGT-Confédération générale du travail, collectif Judéo arabe et citoyen pour la Palestine, comité de vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient (CVPR-PO), Crid-Centre de recherche et d’information pour le développement Enfance Réseau Monde/Services (ERM-S), fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Générations solidaires groupe d’amitié islamo chrétienne (GAIC), la Cimade, la Ligue de l’enseignement, la Ligue des droits de l’homme, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Mouvement de la paix, Mouvement international de la réconciliation-France, Mouvement pour une alternative non-violente (MAN), One Justice, Pax Christi France, Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, Première urgence internationale, REF-Réseau Euromed France, Association démocratique des Tunisiens en France (ADTF), ritimo, Solidarité laïque, Union des Tunisiens pour l’action citoyenne (Utac), l’Union juive française pour la paix (UJFP) ; l’Union syndicale Solidaires, Zembra Echo.Voir en ligne : cette tribune sur le site du journal Libération
Par un collectif d’associations — Tribune publiée sur le journal Libération du 21 juin 2020.