Israël ne reviendra pas combattre à Gaza

Dr Abdel Sattar Qasem
Jeudi 31 juillet 2014

Israël pensait que Gaza était littéralement à prendre et qu’il serait facile d’y éliminer les groupes de résistance. C’est pourquoi de nombreuses voix s’élèvent en Israël pour réoccuper la bande de Gaza et éliminer le Hamas, le Jihad Islamique et d’autres factions. De plus, ces mêmes voix font pression sur le premier ministre pour qu’il se décide rapidement à être encore plus agressif. En décidant de s’embarquer dans une guerre, Benjamin Netanyahou s’est engagé sur une pente descendante qui va conduire au renforcement de la bande de Gaza et va forcer Israël à des calculs plus sérieux à l’avenir.

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Méprise israélienne

Israël se méprend sur cette nouvelle guerre à Gaza. Des services de renseignement adéquats lui font défaut en ce qui concerne les capacités de la résistance : il ne sait pas où les ressources militaires sont stockées. Aussi, les puissantes Forces de Défense d’Israël se comportent comme des chiens fous, frappant tout et n’importe quoi, sans diminuer les capacités des groupes de résistance.

Tandis que de nombreux sites ont été touchés, ce n’est pas le cas des arsenaux de Gaza ; dans ce processus, Israël a tué environ 1 500 Palestiniens, civils pour la plupart. Des maisons ont été endommagées et détruites, laissant les « sites militaires » largement intacts. Des passants ont été tués dans les rues et les marchés de Gaza, de même que dans des hôpitaux et des écoles des Nations Unies. Les victimes sont des femmes et des enfants pour beaucoup.

Il est évident que les Israéliens n’ont pas réuni assez de renseignements pour mener une guerre victorieuse et qu’ils ont commencé à se faire des reproches les uns les autres. Les services de renseignement critiquent l’armée et vice versa. Ils sont envahis d’un sentiment de perte. L’armée « imbattable » d’Israël n’avait pas d’objectifs clairs et elle n’est plus à même d’agir de façon un minimum professionnelle ni avec sa légendaire « moralité » autoproclamée, puisqu’elle cible et tue des femmes et des enfants. Bref, elle a perdu la face et devient la risée des milieux militaires ; son prestige a aussi chuté parmi les Israéliens qui se sentent moins en sécurité qu’auparavant.

Quelle est la cause de ce déclin ? Il est probablement dû à un changement du côté des groupes de la résistance palestinienne qui ont tourné à leur avantage les préoccupations sécuritaires d’Israël. Dans les agressions guerrières précédentes contre Gaza, les services de renseignement israéliens avaient leur réseau d’espions dans la société palestinienne à tous les niveaux. Ils pouvaient fournir jusqu’au moindre détail sur des personnalités et des individus et en faire des cibles faciles pour l’armée israélienne.

Le gouvernement dirigé par le Hamas à Gaza a travaillé dur pour se débarrasser des espions et agents à la solde d’Israël, de manière à priver les Israéliens de renseignements. Néanmoins, chaque fois que le Hamas arrêtait un espion israélien, l’Autorité palestinienne à Ramallah se précipitait pour le défendre, disant que lui ou elle était un-e nationaliste et que le Hamas se rendait coupable d’arrêter des gens pour des raisons politiques. Cela na pas empêché le Hamas de réduire de façon significative le nombre de ces collaborateurs, réduisant d’autant la capacité d’Israël à réunir des informations.

Bien qu’Israël possède une technologie sophistiquée, les ressources humaines demeurent le moyen le plus efficace de collecter des renseignements. Le Hamas a été prudent quant à sa propre sécurité, minimisant l’utilisation d’appareils électroniques, dont beaucoup fonctionnent comme des espions électroniques en transmettant des informations à l’ennemi de façon régulière. Les Palestiniens ont payé cher pour l’utilisation de téléphones mobiles et d’internet mais pendant la guerre actuelle, les dirigeants de la résistance ont fermé leurs téléphones et privé Israël de possibilités d’écoute.

Neutralisation de l’aviation et de l’artillerie

La capacité à neutraliser les avions militaires et l’artillerie est importante et les groupes de résistance anti-Israël de la région ont déjà mis en œuvre cette stratégie au Liban en 2006 et à Gaza en 2012. Bien que ne possédant pas d’armes anti-aériennes sophistiquées ni d’une force de frappe aérienne aussi forte que celle d’Israël, les groupes de résistance ont développé une aptitude à réduire les capacités destructives des attaques aériennes et au sol, en plaçant l’essentiel de leur équipement profondément sous terre.

Cette stratégie a montré l’incapacité d’Israël à vaincre le Hezbollah lors de la guerre contre le Liban en 2006 et à remporter la victoire dans son offensive de 2012 à Gaza. Faute de réussir à toucher des combattants et des cibles militaires, les pilotes de l’armée de l’air israélienne se sont rabattus sur le bombardement de populations civiles et de maisons. Israël est responsable de la mort de 1 200 Libanais en 2006 et de 1 400 Palestiniens en 2008-2009. Les Israéliens ont frappé ce qu’ils croyaient être des rampes de lancement ou des caches et ont été surpris de constater qu’ils étaient eux-mêmes ciblés à partir de ces mêmes lieux « liquidés ». Israël a été pris par surprise chaque fois et cela a affecté leurs données militaires.

Les Palestiniens ont bien appris et ont construit un autre Gaza souterrain. C’est là une différence entre les groupes de la résistance et les régimes arabes. Les premiers ont enduré des nuits blanches et se sont fatigués pour être prêts, tandis que les régimes « combattaient » en costumes et en missions diplomatiques. Une lutte requiert dignité, détermination, du travail et de la force. Le combat n’est pas une plaisanterie et il faut comprendre qu’on ne peut pas tuer les enfants de quelqu’un sans en payer le prix.
Ces tactiques donnent à la résistance la capacité de continuer la lutte et de contre-attaquer. Ils ont pris les Israéliens par surprise.

Surprises

L’action parle plus fort que les mots et les groupes de la résistance palestinienne l’ont bien montré. Leur approche est très différente de celle des régimes arabes qui pensent pouvoir dominer le peuple avec quelques déclarations audacieuses. Ils ont montré plus d’une fois qu’ils parlent et n’agissent pas.

A Gaza, la situation est très différente. Le mouvement de la résistance palestinienne vient de réussir à produire et cacher des armes dans un silence total ; ni vantardise, ni fanfaronnade sur leurs préparatifs et capacités militaires confectionnées à partir de presque rien. Ainsi, ils ont tenu l’ennemi dans l’ombre. En fait, ils nous ont tous surpris par leur créativité dans la production de moyens anti-aériens et anti-tanks basiques mais efficaces et dans l’entraînement des combattants aux tactiques navales.

Tandis qu’il est clair que les factions de la résistance ont toutes leur propre style, chacune d’elles travaille au renforcement de l’ensemble en coopérant pour maximiser les gains. Ils sont loin les jours où des groupes isolés faisaient de grandes déclarations sur eux-mêmes à la suite d’opérations réussies. La résistance s’attribuait le mérite d’opérations qui n’étaient jamais effectuées ; elle a ainsi été en capacité de tromper et au final de battre les forces israéliennes plusieurs fois pendant la première Intifada. Il est évident que les groupes ont connu un changement majeur dans leur mentalité.

Cessez-le feu et immunité

Les cessez-le-feu ont joué un rôle significatif bien que négatif dans l’histoire palestinienne, en particulier dans les cas de défaites. En 1936, les gens en Palestine ont protesté pendant six mois contre l’occupation du mandat britannique ; les dirigeants ont juré se battre jusqu’à réaliser l’indépendance. Pourtant, des intermédiaires arabes qui ont empêché toute progression concrète, ont bientôt donné un coup d’arrêt à la révolte et la Grande Bretagne promit, ce qui s’avéra décevant, qu’elle souscrirait aux revendications palestiniennes.

La révolte prit fin et la Palestine fut perdue. Les armées arabes avancèrent pendant la guerre de 1948 mais les régimes ont ensuite accepté les termes d’une trêve qui a changé le cours des choses : les Palestiniens furent chassés de leurs maisons dans le cadre de ce qui, depuis, a été appelé un « nettoyage ethnique ». La première Intifada, commencée en 1987, a débouché sur la reconnaissance d’Israël et les Résolutions 243 et 338 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce que nous montre l’histoire c’est que les Palestiniens ont continué à faire beaucoup de sacrifices pour en réalité se faire avoir avec ces Résolutions. Pourtant, je pense que cette fois-ci c’est différent et que les groupes de la résistance vont travailler dur pour exiger et obtenir la levée du siège de Gaza.

La résistance doit être mise en garde quant à l’acceptation d’intermédiaires arabes dans d’éventuels accords de cessez-le-feu. Les gouvernements arabes ne respectent pas leurs responsabilités de justice pour les Palestiniens et ils ne sont pas prêts à la fermeté face à l’opposition d’Israël aux termes du cessez-le-feu. La résistance doit au contraire choisir comme intermédiaire un pays ayant assez de respect de lui-même pour faire face à Israël si ce dernier ne convient pas des termes ou refuse de les mettre en œuvre. Dans tous les cas, nous ne devrions pas chercher à obtenir un accord de cessez-le-feu si la résistance sent qu’elle peut continuer le combat et coincer Israël en le mettant devant ses responsabilités. Peut-être que cette fois il nous est possible d’avoir certaines exigences vis-à-vis d’Israël dans la mesure où son peuple ne pourra pas supporter beaucoup plus en termes de peur. Nous devons utiliser cela comme moyen de pression sur le gouvernement israélien.

Israël osera-t-il attaquer Gaza à l’avenir s’il échoue à maîtriser la résistance palestinienne cette fois-ci. Personnellement, je ne le pense pas.
Il est vrai que le peuple palestinien a souffert de graves pertes cette fois-ci mais ce sont des sacrifices qui empêcheront de plus lourdes pertes à l’avenir. Le sang innocent versé à Gaza est l’armure qui empêchera Israël de recommencer. Ces civils sont morts pour la vie et pour le salut du peuple et de la nation ; c’est ainsi que nous avons vaincu l’armée soi-disant invincible.

Traduction SF, qui souhaite l’adresser prioritairement aux listes UJFP et IJAN. Merci à elle